Le principe des albums «
War » était audacieux : susciter une rivalité fraternelle entre deux groupes de metal aux styles respectifs dissonants, voire incompatibles. La méthode en était simple et originale : chacun des belligérants offrait un de ses titres remixé, un morceau inédit, une reprise du groupe contre lequel il guerroyait, enfin une reprise d’une chanson d’un tiers groupe choisie en commun avec l’autre partie. Ce qui consacrait quatre plages du CD à chacun.
Le Destin n’a pu, hélas ! nous offrir un SLAYER-MÖTLEY CRÜE, qui nous eût traumatisé quant à l’union du metal par-delà ses sous-genres ; mais, à défaut, il nous a au moins offert des rivalités plus subtiles.
Le troisième volume
War nous immole ainsi deux beaux guerriers : CULTUS SANGUINE, groupe italien de doom gothique, et SETH, groupe français de black metal. La prestation de ces derniers, pour rester fidèle à l’esprit de cet album, ne peut s’apprécier qu’au regard des premiers.
Or, CULTUS SANGUINE lance dès ses premières mesures une offensive remarquable. « My
Journey is long, but my Time is endless » amorce en effet une intro à la guitare aigue accompagnée d’un chant à la voix grave mais par intermittence cassée. Ce morceau de bravoure se révèle d’un désespoir énergique. La musique se radoucit alors comme un rêve alangui dans sa mélancolie. Puis elle explose dans une majesté orgueilleuse. Pour une inédite, la qualité en est étonnante ! Quid du morceau remixé ? (We have no Mother (Sir Grave’s remix)) Il démarre par un son étrange, sorte de tuba métallique ; s’enchaîne brusquement et tout au long un morceau de musique électronique gothique, accompagné d’un instrument gaélique uni corde (dont le nom m’échappe irrémédiablement…). Le style en est assez original. Mais ces percussions sèches ! Quant à la poésie des paroles, Joe Ferghieph, le chanteur et auteur, la compare aux Chants de
Maldoror, du Comte de Lautréamont. Je renvoie donc à ce livre hallucinant. CULTUS SANGUINE a choisi de reprendre l’Hymne au
Vampire Acte I, de SETH. Leur interprétation, par son tempo très ralenti face à l’originale, a le mérite de mettre en valeur la beauté mélodique d’Heimoth (compositeur de SETH). Et c’est là que le bât blesse. Le premier défaut de CULTUS SANGUINE est d’abord d’être un groupe au jeu foncièrement lent, souvent poussif, voire engourdi. La volonté d’imiter un certain flegmatisme mélancolique ne constitue pas une excuse acceptable. La grandeur de l’art est de savoir découvrir la substance de l’âme à travers une technique parfaite. Les plus belles musiques mélancoliques révèlent une maîtrise puissante et parfaite (pour un exemple absolu, je sors du metal : cf. CHOPIN, 2ème concerto pour piano, 1er mouvement, Maestoso : un morceau d’une complexité d’exécution terrible, et pourtant d’une mélancolie infinie, quoique d’un caractère non efféminé, mais trop féminin à mon goût). Le second vice artistique de CULTUS SANGUINE se révèle dans le même morceau : la splendeur de SETH en sort rehaussée par l’exécution de son rival. Le groupe italien lui a ainsi rendu hommage…Que dire enfin de la reprise du « Behind the
Wheel » de DEPECHE MODE, sinon qu’elle sue l’ennui ? Si lente, que l’écart du temps dans la mesure musicale, mélangé à un style indus’ répétitif à mourir, rend ce morceau de composition originale, fade. CULTUS SANGUINE n’a à l’évidence pas su lui imprimer sa personnalité.
Et SETH ? Celui-ci commence par nous offrir un morceau de L’
Excellence (qui à l’époque allait paraître) : « Corpus et
Anima ». En fait, il s’agit du même morceau, une belle strophe en plus, mais mixé dans la veine des Blessures de l’Âme. Ça en amortit la violence intrinsèque, en le parant de la majesté plus symphonique du premier album. Second mouvement, l’inédit s’intitule « Les Sévices de la Peste ». Ce morceau magnifique se révèle le joint indispensable pour comprendre la cohérence artistique des Blessures de l’Âme à L’
Excellence. Il n’en est pas d’autre. Enfin, en ce qui concerne les reprises du « Calling
Illusion » de CULTUS SANGUINE et du « Behind the
Wheel » de DEPECHE MODE, il faut bien avouer que SETH y a tant imprimé sa si forte personnalité, qu’il les a fait siens ! Le Reptile divin baigne ces deux œuvres de son nimbe vénéneux ! Je renonce à décrire cet impérialisme sublime. Les deux morceaux sont d’ailleurs devenus de premier ordre.
En conclusion, nous avons appris (s’il en était besoin) la nuance abyssale entre talent et génie. SETH a donc vaincu le groupe italien. Mais CULTUS SANGUINE a prouvé la noblesse de son sang. Nous lui rendons les honneurs guerriers dus aux braves. Et rendons allégeance à SETH !
12 /20 pour la prestation de CULTUS SANGUINE
18 /20 pour la prestation de SETH
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