17/20
«Mais il en va de homme comme de l'arbre.
Plus il veut s'élever vers les hauteurs et la clarté, plus ses racines plongent dans la terre, vers le bas, dans les ténèbres et les profondeurs – dans le mal».
Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra.
De l'autre côté du Danube vivait un peuple guerrier, les Daces, habitant d'une province qui revendiqua rapidement son indépendance à l'égard de l'empire romain d'Aurélien. C'est dans ce passé que
Negura Bunget vient puiser son inspiration et son ivresse, celui d'ancêtres glorieux et hyperboréens (dacia hiperoreana). Au cas où vous vous le demandiez, les hyperboréens étaient un peuple imaginaire de l'antiquité censé habiter à l'extrême nord, au-delà des atteintes du vent froid nommé Borée. D'un côté, ce sont de brillants sorciers ou chamans, ce qui nourrit favorablement l'imaginaire black métal de
Negura Bunget. D'un autre côté, les hyperboréens sont aussi l'autre nom pour désigner le sur-homme chez Nietzsche, soit celui qui s'est enfin défait de toutes les valeurs décadentes de l'occident, celui qui s'est défait de la morale.
Virstele Pamintului est donc l'hymne de ces âges de la Terre (c'est la traduction du titre de l'album) où les Daces étaient ce peuple des confins du monde. Ainsi
Negura Bunget nous entraine dans le Pays au-delà des brumes (tara de dincolo de negura), pour nous perdre dans les forêts transylvaines et les montagnes sacrées. Et autant être franc, cela fonctionne de manière incroyable!
L'introduction nous dépose à l'orée de la forêt, et on est profondément heureux de ne pas se retrouver devant une énième mauvaise introduction d'album de black métal avec une MAO désastreuse.
Pas de violon ou de section rythmique orchestrale qui sonnent comme l'orgue Bontempi que m'a offert ma tante lors de mon neuvième anniversaire. L'avantage indéniable de
Negura Bunget, c'est qu'on y croit, et que de ce fait même, on y est. Après une ambiance en partie folklorique, et en partie « mais-où-est-ce-que-j'ai-encore-enterré-ces-corps? », on se retrouve face à toute la pertinence de
Negura Bunget qui ne se contente pas de rester étroitement installé dans le couloir black-métal, s'approchant même parfois de certains groupes de postcore (je pense notamment à
Neurosis, ou encore Cult of
Luna). Aussi Virstele Pamintului alternera les growls avec des passages clairs (qui ne sont pas sans rappeler le génial
Arcturus) ou encore d'autres plus déclamatifs, en roumain, donnant une empreinte profondément mystique à l'album.
L'apport des instruments traditionnels est incorporé avec brio, n'étant ni une simple mesure décorative, ni l'alibi à une inventivité en perte de vitesse. Il ne s'agit pas simplement d'accompagner leur musique d'une joyeuse touche d'exotisme, procédé pourtant largement éculé dans le métal contemporain. Non, l'aspect traditionnel fait partie intégrante de
Negura Bunget, et constitue l'aura même de sa musique. De même, les nappes de claviers dans lesquelles baigne l'album presque de part en part lui donne une empreinte unique, qui m'ont rendu nostalgique. Elles m'ont rappelé le travail de composition de Marc Snow sur la série X-Files, la voiture des enquêteurs du FBI filant sur les routes pluvieuses de mon adolescence...
Ainsi, aucun morceau ne se contente d'une structure simple, certains dépassant la dizaine de minutes sans laisser cette désagréable impression de redondance propre aux mauvais albums de black métal. La production ne s'est pas non plus sentie obligée de lisser le résultat, bien que l'ensemble demeure parfaitement accessible et que le plaisir opère dès les premières écoutes il me semble. Certains passages voix claires ressemblent même à une ritournelle d'enfant peu sage qui reste en tête bien après l'écoute (Chei de Roua)... Virstele Pamintului est incontestablement une des meilleures sorties black métal de l'année 2010. Des titres géniaux comme Arbole Lumii ou dacia hiperoreana rappellent ce que Nietzsche appelait lui-même la barbarie douce libérée des règles de la civilisation. Pestant contre homme tempéré qui cherche la quiétude et une confortable paix de l'âme, il appelait de ses vœux un homme tropical, un homme à la hauteur de ses passions, un homme hyperboréen.
Noctifer, il me semble que Furia a raison: je crois que tu peux aller confiant chez ton disquaire!
Concernant la note, je me demande si cela n'est pas le résultat d'un bug (lorsque j'ai voté un 17, la moyenne est passée momentanément à 17,2...).
Il est évident, quoiqu'il en soit, que l'album mérite bien mieux qu'un 8/20!
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