« La musique est la langue des émotions »
Emmanuel Kant
La créer. L’imaginer. La penser. La composer. La musique est une forme de communication universelle qui, par le biais d’instruments produisant divers sons, est capable de transmettre un message, une émotion à un auditeur en quête du plaisir auditif. En cette année 2015 et avec de nombreux albums comme
The Divine Wings of Tragedy,
The Odyssey ou encore
Paradise Lost, ayant tous laissé une marque forte sur la scène progressive,
Michael Romeo, guitariste virtuose du groupe
Symphony X, a compris ce principe. La musique se vit avant d’être simplement écoutée. Elle doit nous apporter un sentiment d’accomplissement en tant qu’auditeurs, et ce, encore plus dans ce genre ô combien complexe et élitiste qu’est le
Metal Progressif.
Fort d’un
Iconoclast très honorable, même si pouvant être indigeste de par le nombre, et la longueur, des titres qui le composent, le combo du New Jersey se décide de retourner en studio après 4 années d’absence. Nous connaissons le groupe et son obstination de vouloir prendre son temps et, ainsi, d’être certain d’offrir à l’auditeur une expérience musicale unique à chaque sortie d’album.
Underworld sera le nom de la neuvième pièce qui sortira toujours sous la houlette de
Nuclear Blast. La pochette de prime abord peut laisser à penser que le groupe a pour volonté de retrouver quelque peu ses racines (les masques, symboles qui n’ont plus fait apparaître sur une de leurs pochettes depuis V, sorti en 2000). Ce sera un peu le cas, mais même après 9 albums, les membres de
Symphony X ont encore en eux cette volonté d’innover et de se dépasser en tant qu’artistes.
En effet, l’album est plus sombre et surtout plus violent que les autres productions du groupe. Et cela est mis en valeur par le biais d’une production ici impeccable et limpide tout au long du disque. Aucun instrument ne semble être plus mis en avant qu’un autre, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant. Par exemple sur
Iconoclast, la basse se faisait discrète. Mais ici elle est plus simple à distinguer du reste. La batterie dispose, quant à elle, d’un son très clair. Et ceci, doublé avec la puissance de frappe de
Jason Rullo plus en forme que jamais, qui apporte à l’ensemble une sensation de lourdeur encore plus grande que celle présente sur
Iconoclast, l’album précédent. A titre d’exemple, le furieux titre éponyme dévoile un
Symphony X plus agressif que jamais. Mais la patte est reconnaissable entre mille. Le refrain chanté par un Russell Allen démentiel est absolument stratosphérique. Son chant sur ce titre est contrasté dans la mesure où il passe d’un chant particulièrement aigu sur le refrain à un style qui se rapproche sensiblement d’un growl propre au
Metal sous ses formes les plus extrêmes. L'effet est garanti.
Aussi, comment passer à côté de l’exceptionnel Nevermore, qui fait office de premier single ? Ce morceau dévoile un
Michael Romeo plus virtuose que jamais et un Russell Allen encore une fois agressif, mais pourtant si touchant sur le refrain (...et les arpèges de Romeo. Mon dieu !). On évoquera notamment ce finish absolument dantesque, où la guitare accompagne la complainte du frontman pour valoriser un des moments les plus détonants du disque. Il y aura encore ce
Kiss Of
Fire qui dévoile un
Symphony X n'hésitant pas à aller puiser son inspiration au sein de la scène thrash. Et cela se ressent particulièrement ici dans les riffs de Romeo qui se rapprochent sensiblement de ceux d'
Exodus ou encore ceux d’
Overkill. Est-ce un hasard si
Symphony X et
Overkill vont tourner ensemble prochainement ? Rien n’est moins sûr quand on constate l'influence indéniable de la part du groupe de Blitz sur le combo new-yorkais ici. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce style se marie remarquablement bien avec la touche néo-classique que
Symphony X pratique sensiblement depuis près de 25 ans maintenant.
Et là, on arrive vers ce qui est l’immense coup de cœur de votre serviteur, à savoir, To
Hell And Back qui fera office de morceau fleuve pour cette neuvième galette. Le morceau commence sur un lead mélodique beau à pleurer qui fera mouche à coup sûr chez tous les aficionados du groupe. La rythmique ici pourtant parait plus simple et moins complexe, contrairement à celle du titre éponyme ou de la brutale
Kiss Of
Fire. On fera mention évidemment de ce refrain, encore une fois, grandiose, et qui saura vous rester dans la tête. Même si on aurait souhaité qu’il soit chanté un peu plus de deux fois durant la piste. On notera dans ce morceau une part importante accordée aux claviers, plus présents que jamais. Et là où on peut trouver cette pièce très originale, c’est que le lead d’introduction disposera en fin de morceau d’une variation bien plus démoniaque, mais pourtant monstrueusement efficace. Le lead reste le même, mais la rythmique est beaucoup plus lourde. D’où le titre To
Hell And Back retranscrit en musique. C’est un petit détail amusant qu’il convenait de souligner.
Vers la seconde moitié de l’album, donc après To
Hell And Back, les titres montrent un
Symphony X plus traditionnel, certes, mais toujours aussi efficace. In My
Darkest Hour et Run With The
Devil se veulent plus conventionnels, mais cela ne doit pas être pris dans un sens péjoratif, car la virtuosité est là, et le talent de ces musiciens se veut toujours aussi impressionnant. Et c’est cet enchainement parfait des titres qui donne à
Underworld toute sa force, car justement l’ensemble n’en est que plus cohérent. L’album est suffisamment long pour ne pas laisser l’auditeur sur sa faim, mais n’est pas non plus trop long comme pouvait l'être un album comme
Iconoclast. Les morceaux aussi ont été composés pour ne laisser place qu"à l’émotion, et éviter les moments trop complexes, démonstratifs, et au final, inutiles.
Par ailleurs, le groupe ici nous propose deux ballades très différentes qui s’intègrent particulièrement bien à
Underworld. Tout d’abord, il y a
Without You qui est une ballade d’un genre quelque peu inédit pour
Symphony X. Le rythme y est posé, presque Mid-tempo et relativement peu technique finalement. On appréciera les changements de rythmes et d’atmosphères qui parsèment le morceau un peu partout ici et là, notamment sur le second couplet ou encore sur le break, avec des superbes claviers simples, mais pourtant si beaux, pour des effets des plus surprenants et, osons le dire, jouissifs. Swansong, quant à lui, verra le groupe sous un visage plus mélancolique et intimiste, un peu à la manière d’un When All Is
Lost sur l’album précédent ou encore d’un
Paradise Lost, en peut-être un peu plus calme, à cause de son refrain qui rappelle sensiblement le titre éponyme de l’album de 2007. Aussi, le break montre un Russell Allen plus mélancolique que jamais, se rapprochant presque d’un Tom Englund dans le style, nous offrant ainsi un moment d’une sensibilité rare. Le rythme s’emballe et
Michael Romeo nous propose un solo qui, lui, est proche de ce que
John Petrucci faisait sur un morceau comme Breaking All Illusions, mais là encore ce passage est superbe et les larmes ne sont plus loin désormais.
Le groupe aussi a composé son album de manière fort intelligente. En effet, de l’aveu de
Michael Romeo lui-même, le combo a parsemé ici et là dans beaucoup de morceaux, des sortes de clins d’œil à leurs différents autres albums. Sur Nevermore, par exemple, on a une référence directe à Sea Of
Lies dans les paroles. On peut aussi noter cette ligne : « On Tragic
Wings I
Take Flight » qui se réfère directement à l’album culte Divine
Wings of
Tragedy. Enfin on verra aussi une référence au morceau
The Odyssey vers le milieu de
Hell And Back, avec un riff très similaire au thème des sirènes. Et ces correspondances, il y en a partout sur l’album, dont certaines assez subtiles. Mais ce détail me paraissait assez amusant pour en faire mention et vous pourrez vous amuser à tous les rechercher.
Pour conclure,
Underworld est clairement une réussite.
Symphony X est un groupe qui vieillit merveilleusement bien, et qui, au bout de 9 albums, parvient encore à nous surprendre. Dans un monde musical où bon nombre d’artistes choisissent la facilité et la redondance pour un appât du gain éventuel, c’est une véritable bouffée d’air frais que d’avoir entre ces oreilles un album intelligent, réfléchi et composé minutieusement de mains de maîtres. S’il faut attendre quatre ans pour avoir une sortie d’aussi bonne qualité que ne l’est
Underworld, nous le ferons encore avec grand plaisir.
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