Considéré comme un genre underground à ses débuts, le grunge n'en est encore qu'à sa période d'essai lorsque Seattle aperçoit déjà les premières lueurs d'un prototype du futur Big Four composé de l'illustre
Soundgarden, d'un Fecal Matter baignant dans un punk-rock primitif et décidément noisy (qui prendra le nom de
Nirvana par la suite) ainsi que d'un
Alice In Chains troquant son glam d'origine pour se diriger vers le heavy metal. D'autres formations ont d'ailleurs pu poser bagage dans leurs garages crasseux et délabrés et cultiver l'art de la distorsion depuis le début des 80's avec la première vague du genre où apparaissent notamment
Malfunkshun, les Melvins ou encore
Green River.
C'est d'abord grâce au jeune label Sub Pop fondé en 1986, que
Soundgarden a eu l'opportunité de signer deux EP et de ce fait, commencer à se faire une place sur la scène locale avec "Screaming
Life" en 1987 puis avec "Fopp" délivré à seulement quelques mois d'intervalle de ce "Ultramega Ok" à l'été 1988. Ce qui permettra au quatuor d'obtenir un contrat avec le légendaire label spécialisé dans le punk du nom de SST Records, aux côtés de
Dinosaur Jr et de
Screaming Trees.
C'est pourquoi, on y retrouve bon nombre d'influences punk sur des titres tels que le single "Flower" mêlant volontairement le côté sale et rageur du punk avec une basse très présente et des sonorités empruntées au stoner rock ou encore sur "All Your
Lies" bénéficiant du groove si impressionnant de Chris Cornell et de refrains des plus entêtants. Mais pour en revenir à "Flower" - il faut tout de même saluer l'ingéniosité de Kim Thayil sur l'introduction où l'on pourrait bien évidemment penser au son du sitar mais qui en fait, n'est rien d'autre que le simple bruit d'un soufflement sur la guitare. Pourtant, son jeu semble nettement plus faible sur "He Didn't" aboutissant à un hard-rock peu énergique.
D'autre part, on peut ressentir quelques vides sur cet opus et notamment sur trois pistes de très courte durée enregistrées pour figurer comme des blagues ou des parodies. D'un côté, cela favorise l'expression musicale des Américains et pourrait même renvoyer en tout point, à la philosophie grunge, à savoir cette liberté totale d'interprétation qui rejoint souvent l'idéologie punk. Ainsi, sur la doublette "665" et "667" - il s'agira d'évoquer les préjugés sataniques du grand public au sein de la musique rock avec sur cette première partie, un air un peu psyché, la présence de Cornell en arrière-plan, des cris d'épouvante et une très forte distorsion symbolisant la terreur. Si artistiquement, ces intermèdes peuvent en effet, signifier quelque chose, il n'en reste pas moins qu'aux yeux de l'auditeur, ce sont des titres peu développés voire de remplissage. Il est donc nécessaire d'évoquer le titre de clôture "One Minute of
Silence" qui est une cover du duo John Lennon/Yoko
Ono tiré du très inutile morceau originellement nommé "
Two Minutes
Silence" issu de l'album "Unfinished Music No. 2:
Life with the
Lions" (délivré en 1969 et très critiqué par la presse et les médias pour son style avant-gardiste).
Mais qu'à cela ne tienne, "
Beyond the
Wheel" est là pour rehausser le niveau avec ces ambiances torturées, ce son heavy sale, rouillé et distordu à la manière d'un
Black Sabbath à l'aube du crépuscule. Par opposition, l'influence de
Led Zeppelin se remarque particulièrement sur "Smokestack
Lightning (Howlin'
Wolf Cover)" qui remonte jusqu'aux racines blues du quatuor avec l'empreinte vocale de Cornell qui s'adapte d'ailleurs parfaitement au registre et n'en oublie pas de livrer des envolées hard-rock exquises, digne des plus grandes légendes du rock. On pourrait bien sûr y ajouter "
Mood for
Trouble" qui avec son petit côté folklorique apporté par la guitare rythmique, son air bluesy et ce rock'n'roll à l'ancienne rappelle effectivement le groupe sus-cité.
Il est également amusant de remarquer que pour l'heure d'un morceau, certains postes musicaux de chez
Soundgarden ont été partiellement réorganisés. En effet, on peut très bien imaginer Chris Cornell relégué à la basse tandis que le bassiste lui-même, assure les vocaux principaux sur "
Circle of
Power". Ceci ne valant évidemment pas le coup sur le long terme étant donné le chant ridicule et effroyable de Hiro Yamamoto mais laisserait néanmoins à penser à une sorte de punk pre-
Nirvana (tout comme sur "
Head Injury") très dynamique et rythmé par le jeu précis de Kim Thayil et les frappes rapides du batteur Matt Cameron.
Les débuts de
Soundgarden sur cet agréable et honnête "Ultramega Ok" sont donc très marqués par Sabbath/Zeppelin et le quatuor oscille aussi bien vers le punk que le stoner avec des ambiances parfois lourdes et groovy. Nul doute que le quatuor sait faire mieux que ce qu'il nous a apporté sur cette première oeuvre comportant quelques petits remplissages, mais il est sûr que ces performances se révéleront payantes par la suite, à l'approche des 90's.
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