Si ce n'est d'avoir réellement obtenu la consécration pour ces quelques modestes travaux délivrés depuis sa formation en 1984,
Soundgarden aura malgré tout, su marquer un grand coup en signant avec un major label. Rappelons tout de même qu'il y a moins d'un an de cela, leur premier méfait "Ultramega Ok" avait été relativement passé sous silence, s'adressant davantage à un public punk avec des sonorités lourdes, groovy et influencées par
Black Sabbath/
Led Zeppelin. Puis en 1988, date désormais historique pour le quatuor voire même le mouvement grunge, A&M Records s'intéresse de plus près au cas des Américains et ce "Louder Than Love" est publié dans la foulée, avant même que les auditeurs aient pu apprécier le précédent opus.
Mais il se trouve que le virage emprunté par le combo ne s'arrête pas seulement au changement de label (SST Records pour A&M Records) puisque sur cet album,
Soundgarden tente de poser les fondations d'un style résolumment heavy, reniant presque en totalité ses influences punk. De ce fait, le public visé n'est clairement pas le même et leur fan-base se doit elle aussi, d'être partiellement revue. Tout ce que l'on peut en dire pour l'instant, c'est que l'on y retrouve à peu de choses près la lourdeur d'un "
Beyond the
Wheel" (par exemple) avec un son bien plus clean, combinée à des sonorités peu communes voire même très étonnantes.
C'est pourquoi, l'album se fait plus difficile à appréhender par ces enchaînements de titres assez proches les uns des autres (même si certains disposent d'éléments bien distincts) avec pour le cas d'autres auditeurs, une efficacité moindre au tout premier contact. Dès l'introduction faite par la très heavy rock "Ugly Truth" d'ailleurs, on peut même dire que l'on sait à quoi s'attendre pour la suite : gros riffs, ambiance lourde, composition à la fois longue (plus de cinq minutes) et complexe (accordages et sonorités pour le moins énigmatiques avec quelques effets sur la voix). Inutile de préciser aussi que les références à
Black Sabbath sont encore plus explicites sur ce "Louder Than Love" et précisément sur "Gun" avec ces relents doom, ses riffs épais et la guitare de Kim Thayil qui intervient (de manière étrange et spontanée) pour laisser place à un brillant solo et aux quelques lamentations de Cornell sur l'outro (on peut également ajouter la psyché et parfois lugubre "No
Wrong No Right").
Ce qui n'exclut pas la thèse qu'il est possible, si l'on s'attache aux moindres détails de la tracklist, de suggérer ou d'admettre que
Soundgarden a pu contribuer au développement du néo-metal. Prenons ainsi le cas évoqué ultérieurement de "Gun" où le vocaliste s'attire des phrasés vraisemblablement rappés en y accentuant même certains mots («
Push push push ») à côté desquels, figure son chant hurlé ravageur. Bien sûr, il y a aussi "Full on Kevin's Mom" qui en dit bien plus à ce sujet à savoir, certains passages dotés d'un rythme ou de respirations bien particulières qui apportent une ambiance, une dynamique néo. Mais encore une fois, ceci n'étant pas clairement exprimé, on ne peut tirer de conclusions hâtives.
Quant aux autres signatures de temps inhabituelles, on peut très clairement citer l'intro totalement barrée de "I
Awake" et ce piano strident qui ne cesse d'attirer toute l'attention sur lui, les guitares parfois mal accordées de "Get on the
Snake" jouant avec les différents tempos (toujours sur l'ouverture du titre) ou encore sur "
Power Trip" où le chant aigu de Cornell se confond bizarrement avec la gratte qui tente tant bien que mal de crier au secours.
Quoi qu'il en soit, il n'aura pas fallu attendre bien longtemps avant que le label
Parental Advisory ne s'empare de
Soundgarden et n'y accole son fameux sticker sur l'opus "Louder Than Love". Pour cause, le single "
Hands All Over" et son « kill your mother » ainsi que le morceau "Big Dumb
Sex" à nouveau réalisé comme une parodie des groupes de glam de l'époque (
Alice 'N Chains ?) qui évoque certains rapports sexuels mais aussi plusieurs « fuck you » contenus dans les lyrics (visiblement mal appréciés). A ce rythme-là, beaucoup auraient déjà croulé sous les étiquettes... Encore heureux que ce second opus n'est pas pris le nom de "Louder Than Fuck" comme Thayil l'avait suggéré.
Enregistré au
London Bridge Studio (Alice N' Chains,
Mother Love Bone) avec le producteur Terry Date ayant déjà lancé la carrière de
Dream Theater,
Soundgarden nous crédite en cette année 1989 d'un album heavy pur souche quelque peu barré, expérimental. Il manque évidemment la diversité d'un "Ultramega Ok" mais à en croire la parodie glam présente, le quatuor n'en oublie pas de montrer à quel point il aime s'amuser (une approche souvent humoristique que l'on retrouve surtout sur le premier album).
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