Face à nous se dresse probablement l'un des groupes les plus significatifs de cette première vague grunge, notamment apparue, contrairement aux dires des éternels (faux) savants et des jeunes rebelles se clamant haut et fort du mouvement crasseux de Seattle, qui d'ailleurs, ont bien souvent été aveuglés par le succès de « Nevermind » et de la montée en puissance, de l'engouement populaire suscité par
Nirvana, à la suite d'une longue et pénible décennie s'étalant de
1980 à 1990. Bien avant de connaître, justement, des noms célèbres tels que
Nirvana,
Pearl Jam ou même
Alice In Chains, de nombreux autres formations étaient déjà à quai et entretenaient la flamme grunge qui ne s'officialisera réellement que deux ans après la publication du second album symbolique de
Soundgarden «
Louder Than Love » ou encore, peu de temps après le décès de Andrew Wood dont il est toujours bon d'en garder un petit souvenir ô combien sincère. Fils aîné puis fier héritier de
Black Sabbath,
Soundgarden à sON TOUR, a su gravir, franchir des échelons pour un succès qui certes, n'a peut-être pas été à la hauteur de ses mérites et de ses qualités potentielles mais prenant de plus en plus d'ampleur. «
Badmotorfinger » en est la démonstration même.
C'est à bloc que nous revient
Soundgarden avec une production en béton armée à l'image du producteur Terry Date (
Mother Love Bone et
Screaming Trees pour ne citer qu'eux) et de sa récente collaboration avec le combo sur l'album précédent. Citons aussi le personnage de Ron St. Germain (Jimi Hendrix, Sonic Youth) intervenant sur la base du mixage. De ce fait, l'objet est à nouveau signé par l'étiquette A&M Records à qui l'on doit désormais un sérieux coup de pouce médiatique pour avoir contribué à l'élévation du quatuor. Sans quoi, il n'aurait probablement jamais été aussi mis en avant et s'en serait tenu à ses premières années retirées dans le monde de l'underground Américain. De plus, depuis qu'un des membres fondateurs, Hiro Yamamoto, a rendu son insigne de bassiste en 1990 pour venir former
Truly, le line-up des
Soundgarden a plutôt eu du mal à se stabiliser. Un second acteur, qui n'est nul autre que l'ex-
Nirvana Jason Everman, a même dû faire une brève apparition pour combler ces manques jusqu'à l'arrivée de Ben
Shepherd la même année.
«
Badmotorfinger » n'est donc pas vraiment un croisement entre les deux albums précédents, ni même une synthèse, néanmoins, on remarquera que sur le titre « Face
Pollution » -
Soundgarden réitère les sons punk-hardcore parfois déchaînés de «
Ultramega Ok » (la vitesse d'exécution étant par ailleurs fort appréciable avec la trompette de Ernst Long qui se pointe en fond) tandis qu'avec «
Slaves & Bulldozers » - la formation emprunte davantage à «
Louder Than Love » puisqu'on sent bien ce gros son heavy à la fois lourd et clair qui semble dominer. Quoique, on apercevra également (sur cette dernière) des parties parfois bien plus rageuses que sur l'opus cité et pour cause, Cornell nous fait démonstration de son coffre vocal peu égalable et de ces screams musclés et hargneux puisant dans le côté le plus metal de la formation.
Et ce n'est qu'un prétexte supplémentaire pour en venir à évoquer la monstrueuse pièce, qui de plus, est sans doute la meilleure représentation de la puissance et de la rage délivrée par
Soundgarden à ce jour, le «
Room a Thousand Years Wide ». Il y a bien sûr cette instrumentation bien lourde sur laquelle
Soundgarden et
Alice In Chains (Sabbath accessoirement) s'entendent parfaitement, mais pas que, car on retrouve des sons tortueux en arrière-plan, presque glauques, limite menaçants, qui ajoutent à leur manière, un peu de piment aux ambiances. Parlons aussi de ce free jazz barré (ou jazz metal peu importe) sur lequel intervient une section cuivre dont un solo de trompette engagé pour le moins assez enfoui et intercalé entre la distorsion et le son massif du quatuor.
« I'm gonna break
I'm gonna break my
I'm gonna break my
Rusty Cage and run »
C'est le réveil matinal et optimiste de «
Rusty Cage » introduit par un riff d'entrée (et quel riff...) bien marquant de Thayil devenu dès lors, un grand classique, un modèle, un exemple pour une composition tout simplement hors norme. Non, c'est sûr que le combo n'a pas chômé pour en arriver là. En plus, de ce que l'on peut en voir, Ben
Shepherd a l'air de commencer à prendre ses repères, si bien qu'il nous offre les cordes très résonnantes de sa lourde basse groovy et presque typé stoner. Puis, ce n'est pas un hasard non plus si cinq ans plus tard, Johnny Cash a pu reprendre ce morceau puisque
Soundgarden va puiser dans une essence blues au demeurant assez repérable, et il y a de quoi exploiter beaucoup d'autres éléments nouveaux encore. Rien que pour voir Eddie Vedder arborer une bannière heavy, il est de mise que nos auditeurs puissent éventuellement contempler ce beau mélange, à intensité égale avec
Pearl Jam sur «
Outshined » ou à la limite, sur certains passages de « Somewhere » même si ce dernier ensemble paraît un peu plus simplet.
Beaucoup de choses ne tournent pas rond ici. Nos quatre chevelus croient au retour du boogie-woogie version hard ou du rockabilly des 60's sur « Drawing Flies » - ils se permettent même de bousculer violemment le rythme un peu country de « Searching with My Good Eye Closed » et sa petite narration en introduction et par-dessus tout, ils se risquent à déchaîner les foudres de tous les hyper-croyants sur l'hymne fondateur «
Jesus Christ Pose ». Les riffs étouffés sont un peu à l'image de ce que sera le « Dirt » de
Alice In Chains un an plus tard et
Soundgarden vient incarner une sorte de symbole de la jeunesse qui manifeste de nouvelles valeurs, revendications, ou bien un nouveau courant de pensée propre à la génération X. En clair, c'est un truc tordu qui pourrait faire hocher la tête de plus d'une personne, qui donne envie de pogoter dans la fosse durant un concert en répétant inlassablement les vers et les refrains du titre, à condition que cette même élite de fans ne juge pas le morceau antichrétien et que d'autres n'aient pas l'envie extrême de menacer de mort nos fidèles acolytes (cf. tournée au Royaume-Uni).
Les gars de
Soundgarden sont déchaînés et viennent de réaliser une oeuvre culte des 90's avec ce «
Badmotorfinger » à défaut d'avoir réellement su s'imposer durant l'année 1991 qui s'était avérée plutôt torride. Le torrent médiatique ne cesse de souffler sur la scène de Seattle mais patience, le metal hybride du quatuor entrera bientôt dans une seconde phase de reconnaissance et d'élancement de sorte que l'on évoquera bientôt le célébrissime Big Four of Grunge.
Au poteau ^^ !!!
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