S'il est des formations pour lesquelles les changements d'orientation sont spectaculaires,
Last Days Of Eden est de celles-là. Aussi, six ans après sa création, le groupe espagnol originaire de Siero affiche désormais une pleine maturité dont se nourrissent ses nouvelles et inattendues compositions. Est-ce à dire que cette dernière livraison romprait définitivement avec ses précédents opus ? Oui, en grande partie. En effet, suite à son tâtonnant EP «
Paradise » (2014), «
Ride the World » (2015), premier et dynamique album full length, le combo nous octroie dès lors un second et apaisant opus de longue durée à l'instar de «
Traxel Mör ». Entièrement chanté en espagnol, contrairement à ses aînés, et surtout mieux produit, cet effort jouit d'une qualité d'enregistrement de fort bonne facture et d'un mixage équilibrant parfaitement chant et instrumentation, que l'on doit au guitariste et programmeur Dani G (DarkSun, ex-Nörthwind, ex-
Eden, ex-Doxa). Produit d'une part aux Dynamita Studios, cet album a été mastérisé d'autre part aux Finnvox Studios (Helsinki (Finlande)) par un certain Mika Jussila (sollicité entre autres par
Amorphis,
Edenbridge,
Stratovarius,
Amberian Dawn,
Masterplan,
Visions Of Atlantis...). Mais il y a d'autres changements encore...
Le quartet ibérique, récemment devenu septet, inclue désormais : la frontwoman Ani M. Fojaco, le guitariste Dani G, le bassiste
Adrian Huelga (DarkSun), le claviériste Juan Gomez, le batteur Chris Bada ainsi que les joueurs de cornemuse Gustavo Rodriguez et Pindy Diaz. Nouvelle donne qui n'a pas été sans effet sur l'évolution du style du collectif espagnol, aujourd'hui davantage tourné vers un folk rock mélodique que resté fidèle au metal symphonique aux légères touches folk et aux relents doom de ses débuts. Dans cet esprit, pour l'occasion, nos acolytes ont fait appel au violoncelliste Héctor Braga, à la violoniste
Sara Cabezas et à l'accordéoniste et joueur de cornemuse Rigu Suárez. On comprend dès lors que le son enivrant des cornemuses et des violons s'impose en maître au détriment de celui des guitares saturées et de la double-caisse, quasiment absentes de la rondelle. Aussi, cet album rappellera l'ambiance de « Secret Voyage » de Blackmore's
Night, avec un zeste de
Lyriel, à l'image de « Paranoid
Circus », les riffs en moins ; plus loin dans nos mémoires, on sentira non moins planer l'ombre de « Maccala » des Irlandais de Clannad. Alors, embarquement immédiat pour de nouveaux horizons...
Plus qu'il ne l'a fait jusqu'alors, le groupe nous convie à un message musical empreint de quiétude, où se succèdent de langoureuses et voluptueuses ballades, plutôt bien inspirées, témoignant d'une attractive mélodicité et souvent d'une touche folk ô combien grisante. Toutefois, nos compères ont imposé une répétibilité du schéma : bref instrumental/enchaînement/ballade. Stratégie d'autant plus risquée que les séries d'accords sont aisément substituables d'un titre à l'autre et que ces moments intimistes n'autorisent que trop rarement une mise en valeur des qualités techniques, pourtant bien réelles, de cette formation.
Ainsi, dès la brève et orageuse entame instrumentale « Espertar », le son troublant des cornemuses nous prend aux tripes, assurant un bel enchaînement avec « Hermanos D'Armes », délicate ballade a-rythmique dans le sillage de Blackmore's
Night à la sauce espagnole. Un romantique instant de félicité doté d'un captateur refrain, où les limpides et soyeuses inflexions de
Lady Ani sauront venir à bout des plus tenaces résistances. De même, le laconique et vibrant interlude instrumental « Aliendu de Xineru », lui aussi dominé par une charmeuse et ondulante cornemuse, introduit en douceur « Que Vien el Llobu », autre plage en low tempo, mais plus impactante, aussi bien au regard de ses hypnotiques couplets que de ses obsédants refrains. Là encore, tenter d'échapper à l'emprise des angéliques et troublantes modulations de la sirène ne sera pas chose aisée. Idem concernant l'interlude d'obédience folk « Conxuros » relayé par la touchante ballade « La Llamada el Gaiteru ». Malgré la répétition de l'exercice et des mélodies donnant une impression de déjà entendu, on se prend au jeu.
Dénuées d'introductif instrumental, d'autres ballades ne s'avèrent pas moins liantes, chacune selon sa dynamique et son ambiance propre. D'une part, « La Tierra la
Lluvia » se pose comme une délicieuse ballade folk que n'aurait nullement reniée
Lyriel et qui, à l'image de ses voisines, distribue couplets et refrains immersifs qui assurément resteront durablement imprimés dans les mémoires de ceux qui y auront goûté. Pour sa part, basée sur un sensible piano/voix féminine et masculine claire, la seconde et mélancolique ballade a-rythmique « No más Fondo la Mío Mente » laisse également entrevoir de troublantes séries de notes au violoncelle. Cette infiltrante plage a misé sur l'authenticité de ses instruments et l'apparente simplicité de ses gammes pour nous retenir. Et l'on se surprend à voir perler une petite larme sur la joue.
Plus encore, la mélodieuse et gracieuse ballade atmosphérique dans la veine d'un Clannad des années 80 « La Lluna Brilla », déployant une progressive et légère rythmique sur fond d'arrangements instrumentaux dans la lignée d'un
Nightwish de la première période, ne manquera pas moins de nous émouvoir, loin s'en faut.
Mais, comme pour nous renvoyer quelques instants durant à ses premières amours, le combo espagnol n'a pas omis d'accélérer le cadence. Une fois seulement, instrumentalement parlant. Dans cette mouvance, le jovial et chavirant mid tempo «
Traxel Mör » unifie violons, violoncelle et cornemuse dans une lente et progressive gradation dictée par un glaçant tambour, ce dernier imprimant alors sa cadence par des frappes régulières mais de plus en plus lourdes et pénétrantes au fil de notre parcours. Et l'on se laisse effleurer, puis submerger par cette vague nous fouettant inlassablement le tympan.
A l'issue du parcours des 33 minutes de cet opus, on reste sous le charme de ses arpèges et touché par la grâce et la légèreté de ses 10 compositions. Sans doute l'omniprésente empreinte folk y est-elle pour quelque chose. Mais hormis les instrumentaux et les ballades, point de salut, ou presque. De plus, certaines séquences tendent à se répéter et pourraient, à la longue, lasser l'auditeur, même si la production d'ensemble reste soignée et totalement sous contrôle. Toutefois, en dépit de cette profusion d'instants zen, les variations déclinées sont nombreuses et l'exercice relevé de main de maître, autorisant dès lors une écoute prolongée. Bref, on découvre une œuvre sensible, subtile, mélodieuse et émouvante, mais aussi convenue, uniforme et éloignée des fondements metal symphonique du combo espagnol, ce que certains regretteront. Seraient-ce les prémisses d'un véritable changement de cap ou une simple parenthèse dans la carrière du groupe ? L'avenir seul nous le dira. A réserver aux aficionados de profonde zénitude...
Je me permets juste un petit commentaire, qui j'espère ne sera pas mal pris. J'apprécie vraiment la lecture de tes chroniques mais la surenchère d'adjectifs placés avant le nom donne certes un style plus lyrique/poétique, mais sur le long terme ça rend la lecture assez difficile voire légèrement agaçante.
Ce commentaire n'est aucunement méprisant et ne demande aucunement de modifier ta façon d'écrire, chacun son style. C'est juste un petit avis sur un moyen d'améliorer encore la lisibilité de tes chroniques =)
Au plaisir de te lire à nouveau
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