De l'eau aura coulé sous les ponts pour la prolifique formation ibérique depuis sa sortie de terre il y a déjà une dizaine d'années... Après un friable EP, «
Paradise » (2014), et trois albums full length, – «
Ride the World » en 2015) suivi de l'encourageant «
Traxel Mör » en 2017 et du dantesque « Chryalis » en 2018 – le temps semble venu pour nos acolytes de marquer plus fort les esprits de leur empreinte. Aussi, trois ans plus tard, une magistrale version symphonique du précédent effort nous sera-t-elle octroyée, offrande à laquelle succédera huit mois plus tard à peine un cinquième opus de longue durée dénommé «
Butterflies » ; une galette généreuse de ses 58 minutes où ne se succèdent pas moins de 14 pistes.
Message fort est ainsi lancé à la concurrence d'où qu'elle vienne...
Dans cette perspective, le line up du précédent opus a subi quelques remaniements. Aux côtés du maître d'oeuvre et guitariste Daniel Gonzáles Suárez (
Darksun, ex-Nörthwind, ex-Döxa...), évoluent désormais : Ana Martínez Fojaco, frontwoman au chatoyant grain de voix ;
Leo Duarte (Herética, ex-
Alquimia ) à la batterie ;
Sara ''Ember'' Cabezas (Débler) au violon ; Andrea Joglar à la cornemuse ; Javi Gonzáles en remplacement d' Adrián Huelga (
Darksun) à la basse. Avec le concours, pour l'occasion, d'invités de marque. Aussi y décèle-t-on, d'une part, les empreintes vocales de Georg Neuhauser (
Serenity, Warkings), de Henning Basse (
Legions Of The
Night, ex-
Firewind, ex-
Mayan, ex-
Metalium ; ex-
Sons Of Seasons...) et de Vassilios Maniatopoulos (
Rage). S'inscrivent également le bouzouki de Ioannis Maniatopoulos (guest chez
Axxis,
Bare Infinity et Warkings) et la flûte de Diego Malagás Palacio (Celtian, guest chez Mägo De Oz, Débler, Arendel...) et le violoncelle de Julia Martinez Lombo Testa. Indices révélateurs d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos six belligérants...
Fidèles à leurs fondamentaux rock'n'metal mélodico-symphonique et folk, se font encore sentir les influences de
Nightwish (première période) quant à leurs arrangements,
Delain au regard de leurs lignes mélodiques,
Lyriel eu égard à leurs cheminements harmoniques,
Leaves' Eyes et Blackmore's
Night pour leur seyante touche celtique. Etat de fait qui n'a nullement empêché le collectif espagnol d'apposer son sceau artistique et technique sur la majeure partie de ce set de compositions, au demeurant, et tout comme son devancier, intégralement rédigé en anglais. En outre, ce propos bénéficie lui aussi d'une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut doublé d'un soin particulier apporté aux finitions et d'un mixage parfaitement équilibré entre lignes de chant et instrumentation. Mais entrons sans plus attendre dans le vaisseau amiral en quête de pépites profondément enfouies dans ses entrailles...
Au regard de ses infiltrants arpèges d'accords, le combo parvient sans mal à aspirer le tympan, à commencer par ses passages les plus incisifs. Ainsi, passée la brève et cinématique, et somme toute dispensable entame instrumentale, « Cast the
Spell », ce sont de puissants et inaltérables coups de boutoir que nous assénera son proche voisin, «
Abracadabra », un ''nightwishien'' up tempo aux riffs crayeux, recelant un léger tapping ainsi qu'un refrain catchy mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène. Dans cette dynamique, on retiendra le troublant et gracieux « The
Journey », tout comme le jovial et ''lyrielien'' «
Silence » eu égard à leurs lignes mélodiques d'une confondante fluidité, mais aussi pour les hypnotiques modulations d'une cornemuse en liesse pour l'un, le vivace coup d'archet d'un violon libertaire pour le second. Et comment esquiver le tonique « To
Hell & Back » sans éprouver de tenaces regrets ? S'esquisse ainsi un pulsionnel, invitant et ''delainien'' effort mis à l'honneur par un duo mixte en voix claires des plus pénétrants, les limpides volutes de la belle s'unissant aux fluides impulsions de Georg Neuhauser sur un torrent de braise.
Quand son convoi instrumental ralentit un tantinet la cadence, le collectif ibérique trouve à nouveau les clés pour nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste, d'une part, « The
Garden », rayonnant mid tempo à la confluence entre
Edenbridge et
Lyriel, doté d'un bref mais flamboyant solo de guitare et disséminant d'insoupçonnés et grisants changements de tonalité. Au regard de leurs grisants cheminements d'harmoniques et mis en habits de lumière par les fluides patines de la déesse, le ''nightwishien'' mid/up tempo « Mirror, Mirror » tout comme l'enivrant et ''lyrelien''
The Secret », quant à eux, ne manqueront pas de pousser à leur tour le chaland à un headbang subreptice. On ne sera guère moins happé par les vibes enchanteresses jaillissant des entrailles de «
Save the World » et «
Abandon », efforts folk symphonique au carrefour entre
Leaves' Eyes et
Lyriel recelant tous deux des couplets finement esquissés relayés chacun d'un refrain d'une redoutable efficacité. Mais là n'est pas l'ultime argument de nos inspirés créateurs...
Lorsqu'ils nous mènent en d'intimistes espaces, nos compères nous immergent au cœur de radieux paysages de notes, non sans déclencher la petite larme au coin de l'oeil. Ce qu'illustre «
Crown of
Thorns », ballade folk atmosphérique pétrie d'élégance, sous-tendue par une flûte gracile et mise en habits de soie par un duo mixte en voix claires bien habité. Un instant privilégié, ''nightwishien'' en l'âme, que ne pourra éluder l'aficionado du genre.
Dans un souci de diversification en matière d'exercices de style, le combo nous livre un pimpant, chavirant et corpulent instrumental d'obédience folk symphonique. Ainsi, tout en nous immergeant au sein d'une joyeuse farandole, l'endiablé et chatoyant «
Traxel Mör » laisse virevolter son violon à l'envi corrélativement à de grisantes séries de notes échappées d'une flûte sauvageonne. Et la magie opère, une fois encore.
Mais ce serait à la lumière de leur pièce en actes estampée metal folk symphonico-progressif que nos gladiateurs s'avèrent les plus à même de recueillir l'adhésion sans avoir à forcer le trait. Ainsi, tel un jouissif final d'un feu d'artifice, l'outro «
Fallen Angels » déroule ses 6:26 minutes d'un spectacle aux multiples rebondissements, où se conjuguent habilement les empreintes vocales d' Henning Basse, de Vassilios Maniatopoulos et de la princesse. Réservant parallèlement une poignante gradation de son corps orchestral, renforcée par l'insertion du discret mais seyant bouzouki d' Ioannis Maniatopoulos et de la flûte enchantée de Diego Malagás Palacio, glissant en prime le long d'une radieuse rivière mélodique, cette fresque ne se quittera qu'avec l'indicible espoir d'y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité.
A l'issue de notre périple, un doux sentiment de plénitude nous gagne, la formation espagnole nous invitant à un message musical des plus palpitants et enivrants, assorti d'un petit supplément d'âme le rendant particulièrement liant. Volontiers impulsif, éminemment épique, profondément troublant, un brin romanesque et empreint d'authenticité, ce luxuriant set de partitions s'avère également diversifié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, et les exercices de style des plus variés. Cependant, les prises de risques sont à nouveau peau de chagrin et l'ombre de leurs maîtres inspirateurs plane encore bien souvent sur les gammes et arpèges dispensés. Néanmoins, des sentes mélodiques délicatement sculptées, une technicité désormais éprouvée, une ingénierie du son rutilante et une charge émotionnelle difficile à endiguer sont au programme de cette livraison. L'expérience et le talent de cet inspiré sextet aidant, ce nouvel opus serait de nature à l'asseoir un peu plus encore parmi les valeurs confirmées de ce registre metal. Ainsi, c'est sous les meilleurs auspices que se poursuit l'aventure du collectif ibérique...
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