Pour un premier album, "
Ride the World" ne fait pas les choses à moitié. En 2015,
Last Days Of Eden pose d’emblée les fondations d’un univers sonore vaste, lumineux et riche en contrastes. Si l’on sent, à l’écoute, l’influence manifeste des grands noms du metal symphonique (
Nightwish,
Edenbridge, voire
Within Temptation époque "
Mother Earth"), le groupe espagnol évite la redite en injectant une forte dose d’éléments celtiques et folk, qui donnent à l’ensemble un souffle distinct, presque terrien. C’est cette alliance entre le rêve orchestral et la tradition populaire qui rend l’album immédiatement attachant, malgré ses quelques excès de jeunesse.
La force de "
Ride the World" réside dans sa volonté de proposer une épopée musicale sans cynisme, portée par une sincérité palpable. On ne sent ici aucune tentative de surjouer l’épique ou de masquer un manque d’inspiration derrière des arrangements massifs. Au contraire, l'album respire, prend son temps, alterne les hymnes guerriers et les instants suspendus avec un naturel surprenant. On se laisse guider, morceau après morceau, par une forme de narration implicite : celle d’un monde à reconquérir — ou à imaginer — par la force de la volonté, du souvenir et de la musique.
L’un des éléments marquants de cet album est son rapport à la lumière. Non pas une lumière clinquante ou triomphante, mais une lumière douce, parfois blessée, parfois nostalgique. Des morceaux comme "Queen of the
North" ou "
Paradise", placé plus loin dans l'album, témoignent de cette clarté intérieure, comme si celui-ci avançait vers une forme de réconciliation ou d’élévation. À l’opposé, "Bring Me the
Night" ou" A Game of
War" explorent la pénombre, la fuite en avant, la guerre intérieure. Le contraste n’est jamais forcé, mais contribue à donner de la profondeur à un album qui aurait pu, sans cela, n’être qu’une belle carte postale symphonique.
Ce qui trahit cependant l’aspect « premier essai », c’est une certaine longueur sur la durée totale de l’album. Avec 14 morceaux, l'album aurait sans doute gagné en impact avec une sélection plus resserrée. Certaines chansons, bien que solides, peinent à se démarquer ou à renouveler la formule. Il y a là un apprentissage de l’équilibre entre richesse et efficacité — une leçon que le groupe semble d’ailleurs avoir retenue dans ses productions suivantes.
Vocalement,
Lady Ani livre une performance juste et sans excès. Elle n’a pas besoin d’en faire trop : son timbre clair et naturel suffit à porter les mélodies avec élégance. La production met intelligemment en valeur les instruments traditionnels sans les caricaturer — flûte, cornemuse, violon — et cela participe de cette texture unique que
Last Days Of Eden parvient déjà à forger.
En conclusion : "
Ride the World" est un premier voyage prometteur, sincère et généreux. Si quelques longueurs et redondances viennent entacher l’élan global, l’album révèle une identité forte et un potentiel réel. Entre metal symphonique classique et touches celtiques bien senties,
Last Days Of Eden esquisse ici les contours d’un monde sonore qui ne demande qu’à s’épanouir.
Un album attachant, plus riche qu’il n’y paraît, et qui mérite d’être écouté pour ce qu’il cherche à transmettre : une lumière fragile, un souffle ancien, et une foi intacte dans la beauté du voyage.
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