Si vous aimez le black metal et que vous en écoutez depuis plus de trois semaines, vous connaissez forcément
Drudkh. Combo emblématique de la prolifique scène ukrainienne aux côtés de
Nokturnal Mortum et de feu
Hate Forest, le combo slave est internationalement reconnu, et des albums comme
Autumn Aurora ou
Blood in Our Wells sont simplement incontournables lorsque l’on parle de black metal païen et mélancolique. Attention néanmoins, si les thématiques traitées par les Ukrainiens les assimilent inévitablement à la scène pagan, leur musique, elle, se rapproche d’avantage d’un black atmosphérique de qualité, basé principalement sur un riffing aussi répétitif qu’hypnotique.
Après une flopée d’albums décevants entre 2007 et 2010,
Drudkh a réussi à revenir à un niveau de composition plus qu’honorable avec
Eternal Turn of the Wheel et A Furrow Curt Short. Leur onzième album, They Often See Dreams About the Spring, continue sur la lancée et fait incontestablement partie des bons crus de la formation même s’il faut reconnaître qu’il ne présente aucun élément nouveau.
Une fois n’est pas coutume, à l’instar de l’album précédent, Nakryta Neba Burym Dakhom démarre sans intro, avec cette guitare à la distorsion hurlante et plaintive qui expire un riff perçant la grisaille du ciel et porté par une batterie simple et roulante. Cet album est dans la plus pure tradition du combo, avec cinq longues compos soignées qui précipitent leurs guitares lancinantes à l’assaut des étoiles et nous plongent dans une léthargie molle et béate à coups de leads mélodiques.
Plus homogène que les moyens
Estrangement et
Microcosmos, moins mou et inégal que
Handful of Stars et moins agressif qu’un
A Furrow Cut Short particulièrement véloce, They Often See Dreams about the Spring propose un bon compromis de ce que le groupe fait depuis maintenant plus de quinze ans.
Le chant de Thurios est toujours aussi rageur, mais laisse l’espace à de longues plages instrumentales sur lesquelles le groupe excelle et peut développer ses atmosphères sylvaines et mystérieuses. Ici, pas de partie acoustique comme aux débuts du groupe, mais quelques changements de rythme et accalmies contemplatives qui viennent casser le martèlement continu de la batterie (le long break central de Nakryta Neba Burym Dakhom dès 4,05 minutes, où les percussions se taisent avant de se faire plus tribales pour mieux mettre en avant les mélodies à la fois tristes et oniriques des guitares) ; à ce propos, même si son jeu peut paraître basique,
Vlad joue vraiment un rôle essentiel dans la musique du quatuor, assurant une assise rythmique métronomique impeccable, alternance intelligente de blasts lourds mid tempo et de double pédale contribuant largement à cette touche solennelle et intemporelle et accentuant le côté hypnotique de la musique.
Longues plages à la fois contemplatives et puissantes saupoudrées de quelques notes de clavier, tantôt sur un rythme soutenu, tantôt plus traînantes et lancinantes (Dakhiv Irzhavim Kolossyu est plus lent et mélancolique, mais toujours irradié par cette beauté désespérée, tandis que le dernier titre, Bilyavyi Den’ Vtomyvsya I Prytykh, démarre sur un blast rapide et continu qui tranche agréablement après la fin étirée du morceau précédent), le quatuor varie les plaisirs, et parvient à créer une musique à la fois monolithique et aérée. Non,
Drudkh ne fait pas du black dépressif (le début de Za Zoreyu Scho Striloyu Syaye, bien rythmé et gonflé d’une grandeur épique irrésistible, avec cette mélodie aussi puissante qu’envoûtante), mais l’art des
Slaves est irrépressiblement enveloppé de cette aura de résignation et de noirceur qui rehausse en intensité un black, qui, sans l’art mélodique et les arrangements de Saenko, pourrait sembler simple voire minimaliste.
Pour conclure, They Often See Dreams About the Spring est un très bon album qui devrait satisfaire tous les amateurs des Ukrainiens. Certes,
Drudkh ne parvient pas à recréer totalement la magie de ses premiers albums, et sa recette éprouvée manque parfois un peu d’intensité (Za Zoreyu Scho Striloyu Syaye est un peu en deçà du reste et Za Zoreyu Scho Striloyu Syaye sonne un peu mou après un superbe départ) mais l’ensemble est équilibré, possédant une bonne balance entre puissance, souffrance et mélancolie musicale, et transpire toujours cette nostalgie unique qui nous embrume l’âme. Après l’aurore d’automne, voici les rêveries de printemps, et vu la qualité de celles-ci, autant vous dire qu’on est sacrément impatient de découvrir le crépuscule d’hiver, qui doit être froid, très froid dans les steppes d’Ukraine...
Très bonne chronique!
Merci à toi.
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