Surprendre dans un domaine où la surprise devient une exception.
Il faut dire qu'en 2024, le monde des guitar hero n'est plus vraiment le même qu'il y a plusieurs décennies et que si certains le trouvent gentiment désuet, d'autres le rejette carrément. La génération actuelle possède logiquement ses propres héros. Ainsi, Tim Henson, Tosin Abasi,
Plini ou Manuel Gardner (pour ne citer que ceux là) ont remplacé les Satriani, Vai,
Marty Friedman ou autres Malmsteen de cette appellation désormais ringardisée. La démonstration ne se situe pas au même niveau, l'expression musicale a changé. Si certains jeunes musiciens comme
Gus G conserve cette patte très 80s, ils sont finalement assez rare désormais à aller dans cette direction.
Kiko Loureiro, suite à sa décision personnelle de s'éloigner de
Megadeth, avait le choix de retourner chez la famille
Angra qui lui ouvrait les portes mais il préfère continuer à expérimenter en solo. Néanmoins, désireux de ne pas faire les choses comme les autres et malgré son style très typique de guitar hero (ses légendes sont celles citées plus haut), il ne revient pas avec un "simple" disque de shred ou de guitare technique. Loin d'un "
No Gravity" qui ressemblait finalement à du
Angra sans chant, le brésilien avait déjà tenté avec
Open Source de proposer quelque chose de différent, de plus participatif.
Avec "
Theory of Mind", il s'attaque à l'ambitieux projet du concept album, instrumental évidemment, en plongeant dans les affres de la santé mentale, de la psychologie et des différents troubles que nous pouvons rencontrer dans nos existences. Entre l'artwork et les multiples visuels, jamais nous n'avions aperçu Kiko aussi tourmenté, lui qui pourtant se veut plus épanoui et libre que jamais artistiquement. Cela se ressent dans dans cet ambitieux disque polymorphe, possédant son aura et son style unique mais osant s'aventurer dans des sentiers bien plus sombres, cathartiques et tortueux. Les riffs lancinants et rampants de "
Out of
Nothing", accompagnés de soli certes mélodiques mais toujours tranchants, magnifiquement accompagnés par la section dantesque formée par Felipe Andreoli et Bruno Valverde, compagnon de
Angra dans lesquels Kiko a totalement confiance. Que dire de ces soli très techniques et alambiqués sur "Point of
No Return" qui se plaque sur une rythmique lourde et pesante comme rarement entendu chez le brésilien ? Pourtant, ici et là, la lumière surgit et semble plus lumineuse que jamais, comme à la grande époque de
Angra. Comme une osmose avec une scène plus moderne, plus djent et intense mais sans jamais renié son passé progressif. Un passé et des racines parfaitement ancrés sur "Ravaled" et son ambiance hispanique sur l'introduction acoustique, avant que les soli n'immisce une ambiance bien plus tordue.
Un morceau comme "The Other Side of Fear" lance des attaques comme si le brésilien n'avait pas quitté
Megadeth par son agressivité thrash et la précision de sa production. Pourtant, dans chacune des compositions, la lumière perce ces ténèbres nouvelles. Comme si, invariablement, elle était amené à contrebalancé le chaos de l'esprit créatif de Loureiro. Ainsi, l'album n'est jamais ennuyé, trop technique ou démonstratif, bien qu'extrêmement technique. "
Lost in Seconds" se veut extrême, avec un passage en blast beat mais se veut dans un second temps aérien et, encore une fois, forgé dans le sens mélodique du guitariste. "Talking Dreams" surprendra par le rendu gras et saturé de son riff principal tandis que les couplets se pare d'une délicatesse à pleurer tant Kiko semble seul au monde à proposer ce genre de mélodies d'une beauté saisissante.
Il faut dire que chaque composition mériterait un mot tant elles sont riches, différentes les unes des autres (ce qui est loin d'être toujours le cas dans les albums instrumentaux) et avec une véritable personnalité. L'opus se termine sur deux compositions plus "calmes" avec "The Barefoot Queen" qui se veut plus progressive et traditionnelle, avec une partie très technique et alambiquée en guise de break et surtout "Finitude" qui porte très bien son nom. Une chanson délicate, même si conservant cette menace lancinante (ces riffs à vide ici et là, cette ligne de basse oppressante) tout en insufflant une immense beauté. Il ressort une impression d'un calme blanc qui pourrait être perturbé à tout moment, comme un esprit serein dont l'anxiété et les maux ne seraient jamais loin, prêts à (res)surgir à tout moment. En ça, Kiko a parfaitement réussi à capter l'essence de son concept et à le retranscrire en musique, sans paroles ni chant, ce qui représente un sacré tour de force.
"
Theory of Mind" est un album instrumental qui sort clairement du lot, et par sa richesse, et par son ambition, et par son caractère affirmé d'aller clairement au delà de la technique, sans pour autant s'en écarter un seul instant. Un symbole d'intelligence créative et de liberté artistique.
Ni fan de Megadeth ou de Angra dans l'absolu, la démarche artistique du guitariste, et l'interview que j'ai pu lire de lui dans la presse spécialisée, tout ça me donne très envie de donner une chance à cet album, puisqu'assez amateur de guitares instrumentales. Il semble cependant que le problème majeur qui se pose pour se le procurer soit justement sa distribution. Du coup, si quelqu'un peut me renseigner pou me procurer facilement ce disque en support CD, surtout qu'il ne se gêne pas.
Encore merci pour l'éclairage fait sur le contenu de cet album vraiment très tentant.
A part son bandcamp où ça vient directement de Finlande, pas évident de se procurer le disque ;)
Zut !
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