Liste des groupes Metal Progressif Kiko Loureiro Fullblast

L’œuvre capitale de certains artistes est voué à être salué par un nombre limité d’observateurs tout en restant dans le secret malheureux et infini de la notoriété publique.

S’il est l’investigateur principal, avec Andre Matos en son temps, des débuts d’Angra et de cette approche symphonique et baroque alors complètement nouvelle dans le milieu du speed metal, son nom restera toujours quelque peu effacé au profit du vocaliste, ou de l’entité globale de la déesse de feu. Même une fois le vocaliste surdoué parti voguer vers d’autres horizons, son nom n’est que trop rarement synonyme de l’originalité et de l’avant-gardisme certain dont il a su faire preuve un jour.
Néanmoins, loin de ces considérations de renommée ou d’ego, cet incroyable guitariste, à la technique et au style pourtant clairement définissable entre tous, continu son bonhomme de chemin en parallèle avec une carrière solo instrumentale étincelante et à travers un projet jazz nommé Neural Code (suivant la musicalité de son second album solo ; "Universo Inverso").

Sorti en 2010 au Japon et à seulement quelques jours d’intervalle avec "Aqua" (le dernier album d’Angra, ayant depuis vécu le départ de son nouveau vocaliste Eduardo Falashi), "Fullblast", troisième opus solo, marque un retour vers le style guitar hero qui avait été si subtilement distillé et magistralement interprété sur son premier album "No Gravity".
Sans délaissé ses racines sud-américaines, sa passion pour le jazz ou la musique latino mais en revenant à une production incisive et des riffs très techniques et tranchants, "Fullblast" est l’alchimie parfaite que l’on pouvait attendre du guitariste, même s’il manquera peut-être la pointe de magie stratosphérique qui émanait de compositions telle que "La Force de l’Âme", "Moment of Truth", "Escaping" ou "Dilemma".

Avec toujours Yaniel Matos au piano, "Fullblast" renoue clairement avec des moments purement metalliques, s’inscrivant dans la lignée du durcissement matérialisé sur les derniers efforts d’Angra. Il suffit d’écouter l’introduction tribale et saccadé de "Cutting Edge" pour s’en rendre compte. Sans jamais mettre en retrait la mélodie si importante dans la musique de Kiko, les notes se font plus sèches et directes, les riffs sont parfois à la limite du thrash malgré des soli toujours éblouissants de beauté, de féérie, de dextérité et d’une maitrise telle que le guitariste semble pouvoir aller dans n’importe quelle direction.
Toujours instrumental, l’album ne souffre à aucun moment de l’absence de vocaux (fait de plus en plus rare dans le metal instrumental) tant la diversité des atmosphères et des couleurs apportée par la guitare du brésilien est grande. "Corrosive Voices" surprendra hautement par son caractère extrêmement syncopé dans ses riffs mais presque ritualiste dans son ambiance, aux arrangements exotiques extrêmement travaillés mais surtout aux soli formant une véritable rythmique tribale dans un genre encore peu exploité par le brésilien même si cela semble complètement dans son inspiration et son style, comme s’il était aujourd’hui temps de mélanger entièrement ses très larges influences. Dans la lignée de l’incroyable "Dilemma", "Outrageous" est le bulldozer auditif et technique jouissif qui met en exergue les qualités techniques quasi infinis du charismatique brésilien jouant à la fois des rythmiques supersoniques mais aussi des soli furieux avec toujours cette pointe de fantaisie barrée et excentrique qui fait toute la différence avec la froideur habituelle d’un grand nombre de guitariste progressif.

La personnalité de l’artiste, loin de se cantonner à du shred intempestif, se distingue également sur un "Desperado" des plus mélodiques et enchanteurs, où son style se fait plus acoustique et paré d’arpèges, toujours dans un souci de beauté et de recherche mélodique empêchant la musique de tourner en rond. Ses influences latines ressurgissent de fort belle manière sur "Whispering" ou encore le superbe "Excuse Me", havre de paix à la plénitude quasi complète, donnant envie de fermer les yeux, de respirer le grand air et de se laisser emporter dans cet océan de sagesse.
Certes, le style du brésilien, alliant ici ce qu’il fit sur ses deux opus précédents, est connu et désormais reconnaissable, il surprend donc moins mais la maitrise qu’il développe dans son caractère atypique et son niveau technique ahurissant ("Se Entrega, Corisco!" est monstrueuse sur ce point) reste très impressionnante. En près de vingt ans, Kiko Loureiro a formé sa personnalité pour s’émanciper de ses influences et créer un style de jeu unique et sentant l’Amérique du Sud, sans renier son amour pour le metal ; ce qui est quelque de très beau.
Au jour où l’on apprend le split inévitable d’Angra, l’absence de plans d’avenir et un nouvel album du brésilien à venir ("Sounds of Innocence") pour cet été, on se dit que son touché si atypique et mis en valeur dans ses albums solo n’ont pas fini de ravir nos oreilles et nos sens.
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