Si on devait retenir un groupe dont le parcours se dessinait en dents de scie ce serait bien «
Elvenking ». La formation italienne a cumulé les réussites, mais également de retentissants échecs, des albums incompris ou justes indigestes. Le power folk a été leur style de prédilection. Cela ne les a pas empêché de sortir des sentiers battus et de surprendre des fans plus amateurs de mélodies chatoyantes et celtiques. Les bouillies synthétiques issues de leur précédent album, « Era », en ont rebuté plus d’un. On prédisait même la mort du combo formé autour d’Aydan et Davide Moras. Ce dernier avait été principalement visé pour sa prestation décevante sur « Era ». Face aux critiques, les italiens se devaient de réagir. On a parlé pour la suite de leurs péripéties d’un retour aux sources. C’est ce que l’on promet très souvent quand les choses ne se déroulent pas comme on le souhaiterait, ou quand une carrière montre des signes de fatigue. Il est rare que la promesse se réalise à l’arrivée. «
The Pagan Manifesto » était un engagement sur l’honneur pris par «
Elvenking ». On comprend vite que tout ce qui est rare est précieux.
On commence à se dire que les choses vont aller bon train à l’écoute de l’introduction ; petite balade au coin du feu avec guitare et flute à la manœuvre, puis arrivée de l’électrique et léger gain de tension. On ne peut juger de la suite par cet extrait, mais force est d’avouer que « The Manifesto » met bien l’eau à la bouche. Avec «
King of the Elves », on constate un retour aux choses simples, à un power metal sans les multiples artifices auxquels ils nous ont malheureusement habitué jusqu’à présent. La hâte de la batterie n’est pas des plus élégantes en début de morceau, mais la musique prend corps dès l’arrivée du chant façon Axl
Rose adopté par Davide Moras. Quelques jolis passages folk et champêtres s’accommodent d’une bonne dose de symphonie. Le morceau prendra une nouvelle tournure avec l’irruption talentueuse et douce de Miss Somerville. «
Elvenking » se serait ressaisi par une sorte de retour aux sources, à des albums qui ont fait leurs preuves. En effet, c’est le retour du folk celtique dansant et convivial à la «
Tuatha De Danann » que l’on rencontre sur « The Druid
Ritual of Oak ». Ce titre énergique, parfois intensifié par quelques touches power metal, n’égalise point l’émotion procurée par la divine balade folklorique « Towards the
Shores ».
Il faut bien remonter à «
Two Tragedy Poets » pour retrouver du folk metal à proprement dit. Les opus qui ont suivi cet album nous en ont dispensé. «
Pagan Revolution » figure en nouvel exemple de cet enrichissant retour en arrière. Le dosage heavy metal et musique celtique fait de ce morceau un figurant potentiel au volume estimable « The Middle
Kingdom » de «
Cruachan ». L’alchimie a été soigneusement retravaillée. Nous n’avons plus du tout les sons artificiels et la platitude d’« Era ». La musique est devenue limpide, spontanée et confortable, comme nous l’illustre parfaitement le très joyeux «
Twilight of Magic », mené à un rythme effréné. Nous avons par moments un heureux mélange épique et tonitruant qui fait la robustesse de titres comme «
Elvenlegions » et « Moonbeam
Stone Circle », dont la part symphonique les apparenteraient en du «
Avantasia » des débuts, en plus power metal, cela dit. Le premier des deux cités s’avère un poil répétitif, mais opère parfaitement, car celui-ci est composé comme un hymne. « Moonbeam
Stone Circle » est un véritable hymne en comparaison. Son refrain est un pur instant de plaisir ascensionnel. C’est une propulsion vers les hauteurs, après qu’ils nous aient tourmenté tout le long des couplets vigoureux du morceau, presque ombrageux.
«
Elvenking » joue de nos impressions. La lumière disparait parfois momentanément, ou se perçoit plus difficilement. Une ambiance maudite semblerait se dégagée du morceau « The
Solitaire », tempéré dans son approche, mais incluant chuchotements, paroles graves et criées. Sur «
Witches Gather » nous croisons par courts passages un chant hurlé propre au metal extrême. Mais contrairement à « The
Solitaire » l’esprit malfaisant n’agit que par interférences, comme ses autres composants power metal et folk. Suite à une entame marquée par les percussions et le lyrisme, une place leur est prédéfinie et c’est quasiment à chacun leur tour. Le refrain plus agressif nous fait état d’une rythmique syncopée, qui semblerait presque être une redite en moins fort du break sur la power ballade « Black Roses for the Wicked One ». Cette chanson voluptueuse, enflammée ressemble à une composition d’«
Avantasia », si on fait bien entendu abstraction du chant de Davide. Nous y percevons une tonalité neutre, des riffs parfois rigides, mis en harmonie avec des mélodies généreuses. Cette solidité est aussi apparente à travers le tout aussi neutre « Grandier’s
Funeral Pyre ». C’est en partie dû à l’effort de la batterie tenue par Simone Morettin et par la rythmique par à-coups. Ainsi, les italiens ont exprimé le désir d’élaborer des compositions saisissantes par leur élégance, mais aussi par leur diversité.
Oui ! «
Elvenking » aura créé un album très riche, complet dans sa formule, revenant un peu plus dans la gloire de son passé, à un power folk fluide et engageant. «
The Pagan Manifesto », non seulement, rempli le contrat, mais va bien au-delà de nos désirs nostalgiques. Sa musique incorpore un bon dosage de symphonie, rendant l’œuvre plus captivante que jamais. Certains morceaux figureront sans nul doute parmi les indéboulonnables de la discographie de la formation. Suite à l’affreux « Era », «
Elvenking » a eu un ressaut d’orgueil, s’est retroussé les manches et a montré de quel bois ils se chauffent, du moins, qu’ils étaient encore capables d’exécuter de fabuleux tours de magie. Et l’art de sorcellerie est une chose si rare et précieuse dans ce bas monde.
16/20
Merci!
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