À l’aube d’un concert de
Blood Ceremony à
Toronto, célébrant le solstice d’été 2025, je me penche sur la chronique de leur dernière offrande "
The Old Ways Remain".
Sorti en mai 2023, ce cinquième opus voit le groupe poursuivre sa mue musicale. Initialement ancré dans un doom metal mélodique aux résonances "sabbathiennes", dont la principale originalité résidait dans la présence marquée d’une flûte enivrante, le groupe propose aujourd’hui une musique que l’on pourrait qualifier de rock occulte psychédélique.
Pourtant, il ne renie pas son passé, loin de là. D’abord parce que cette flûte est toujours là, présente au moment opportun, apportant une couleur païenne du plus bel effet aux chansons qui l’exigent. Ensuite parce que l’on retrouve sur certains titres ce grain de guitare légèrement sale, propre au doom. La différence ? Le groupe s’autorise allègrement à s’éloigner des codes traditionnels du doomster respectueux pour forger son propre style, une combinaison fort convaincante de rock ("Eugenie", "
Ipsissimus", "Widdershins"), de pop ("Powers of
Darkness"), de doom ("The
Hellfire Club"), d’americana ("The Bonfires at Belloc Coombe"), voire de world music (la fin mystique de "Song of the
Morrow"). Si chaque chanson possède sa couleur propre, l’ensemble offre une belle cohérence, grâce à l’ombre des années 70 et aux ambiances occultes qui planent tout au long de ces 43 minutes de musique.
Plusieurs choses m’ont frappé à l’écoute : la qualité de composition, d’abord. Le groupe sait écrire des chansons accessibles, que l’on peut aisément fredonner et se remémorer, sans pour autant qu’elles soient simplistes. Bien au contraire ! Par exemple, j’oserais presque dire que "Eugenie" est un tube potentiel qui pourrait passer sur de nombreuses ondes radios et toucher un large public, bien qu’il comporte de multiples soli qui se répondent : flûte, guitares, orgue Hammond et même saxophone — ce dernier, tout en progression, soutenu par une basse ronronnante, est de toute beauté.
De manière générale, qu’ils soient longs ou courts, chaque morceau est un voyage hypnotique et enjôleur qui donne instinctivement envie de bouger la tête et de dodeliner du corps.
La maîtrise instrumentale ensuite, totalement au service des morceaux. Ici, point de démonstration stérile. Pourtant, la guitare riffe sévèrement et se permet des soli pleins de feeling, la basse ronfle plus qu’un carlin congestionné, la batterie n’est pas avare en roulements secs qui font du bien là où ils passent, et la flûte nous enivre tels des rats à la merci du joueur de Hamelin. Chaque envolée instrumentale contribue à marquer l’identité du morceau, et il n’y a pas un seul instant où l’on se dit qu’une partie arrive comme un cheveu sur la soupe, même quand le violon ou les congas s’invitent à la fête païenne.
Et que dire de la prestation vocale d’Alia, qui me semble bien plus variée que par le passé. Qu’elle soit ensorcelante, sensuelle, énervée, mutine ou nostalgique, la sorcière en chef transmet une gamme d’émotions qui parachève ma soumission totale à cette ‘Cérémonie du sang’.
Enfin, un petit mot sur la production, parfaite selon moi, organique et authentique, mettant en valeur tous les instruments (ces plans de basse…) ainsi que des arrangements fins qui assaisonnent les morceaux. Un véritable travail d’orfèvrerie dont la richesse se dévoile un peu plus à chaque écoute !
En ce qui concerne les thèmes de l’album, vous l’aurez compris, les textes sont globalement une ode à la sorcellerie, à la tentation, aux dieux païens et aux fêtes bacchanales. Rien de très original, me diriez-vous ? Tant mieux, tant ils sont finement ciselés, nous plongeant dans une atmosphère enivrante, et participant activement à la saveur et à la singularité des morceaux les uns par rapport aux autres.
Et puis certains sortent du lot. Ainsi, derrière la nostalgique "Song of the
Morrow" se cache une réflexion sur le temps qui passe, là où les paroles de la courte mais incisive "Widdershins" renvoient à la peur mais aussi à l’excitation du saut dans l’inconnu. Mention spéciale à "Mossy Wood", dont le texte semble écrit dans l’esprit d’une fable musicale qu’un barde chanterait autour du feu à des enfants captivés.
En conclusion, ce disque est une franche réussite que tout amateur de doom metal, de rock occulte ou simplement de musique se doit d’avoir dans sa collection. Il me tarde de découvrir dans quelle direction les Canadiens iront pour leur prochaine livraison.
Très chaudement recommandé !
Note générale : 18/20
Composition & écriture : 5/5
Performance : 4/5
Impact émotionnel : 4/5
Production : 5/5
Chansons préférées: "The
Hellfire Club", "Eugenie", "
Ipsissimus", "Song of the
Morrow".
Chansons bof : Aucune !
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