Il fait froid soudain. Ce n’est pas la fraicheur du temps qui se couvre, mais bien un air frais originaire des mondes souterrains qui vient à nous. «
Blood Ceremony » est revenu nous glacer le sang. Le groupe canadien originaire de
Toronto, inaugure une seconde messe noire, s’annonçant encore plus festive que lors de leur première apparition sur l’éponyme de 2008. À croire que l’album éponyme d’apparence anodine au premier abord, a tapé dans les oreilles de plus d’un. «
Blood Ceremony » pour un deuxième album à son actif est déjà attendu par un nombre croissant de fidèles, alors que le groupe se contenterait juste de ré-explorer ce qui a déjà été exploité dans les années 70. Mais la mine du heavy/doom psychédélique n’a pas encore révélé tous ses trésors. «
Living with the Ancients » se révèlera dès lors comme l’extrait d’un minerai précieux arraché dans la plus sombre cavité.
La sobre et néanmoins extraordinaire couverture pourra s’interpréter comme le reflet du contenu. «
Living with the Ancients » nous aventure dans des lieux mystiques en compagnie de nécromanciens, sorcières, fous et adeptes du malin. « The Great
God Pan » commence là où s’était terminé «
Hymn to Pan » sur le précédent opus, rendant ainsi un nouvel hommage au dieu satyre à la flûte, dont les chrétiens auraient d’ailleurs pris l’image pour se représenter le diable. Des effluves doomesques nous accueillent sous un tempo contenu, avant que déboule des sonorités très seventies. Un rideau de fumée écarté par la voix chaleureuse (en apparence) d’Alia O’Brien. Toujours se méfier de cette mante religieuse. Elle s’est vraiment décidée de nous séduire, et elle a une idée derrière la tête. Son chant est en cela très assimilable à un parfum. La musique mélodieuse et dévorante qui prend le pas dans la deuxième partie du titre, nous malmène et nous transporte aussi loin que le premier album ne l’avait fait, nous menant à une offrande où sont invités maints convives. On savoure un moment de grande spiritualité malsaine sous l’impulsion de l’orgue et du riffing de guitare. Les sonorités sembleraient sortir de l’ère Woodstock, renforçant par la même occasion l’impression d’entrer dans une vieille église, dans un univers pris dans la poussière, mais ô combien impérissable.
Une musique plus dense que l’œuvre de 2008, où la flûte traversière qui fait l’originalité de la formation (si on fait abstraction de « Jethro Tull », une des sources dont s’abreuve «
Blood Ceremony ») se fait moins présente, laissant davantage le champ aux autres instruments. Cela est essentiellement le cas sur le très accrocheur « My
Demon Brother », mais aussi du tout aussi fascinant «
Oliver Haddo », où planerait l’ombre d’un certain Aleister
Crowley. Tout y est parfaitement calibré et ordonné avec une guitare rythmique puissante qui ne lâche rien comme craignant pour sa vie. Redoutable, équilibré et cérémonial lors des apparitions de l’orgue. Présence fantomatique mis ici en apothéose. Le dernier tiers de piste prend une tournure plus sérieuse, quasi cauchemaresque. Une plongée dans une matière rugueuse qui ne laisse aucun moyen d’échappatoire. Un titre envoutant, peut être pas autant que l’impressionnant « Daughter of the Sun ». Là la flute se montre réservée, timide, puis semble se voir pousser des ailes par l’agitation et le ton sec de la guitare. Aussitôt elle se voit relayer par un chant, ayant pris son apparence humaine, plus direct. La flute sera par la suite contaminée par la frénésie des guitares, et figurera tel un papillon de nuit, attirée par une lumière naissante, tentant avec peine de nous la cacher. Puis tout s’illumine, tout rayonne de mille feux, irradiant par la force du synthé. Après l’aveuglement nous voilà revenir à un certain retour à la normalité. Un long titre indéniablement fabuleux, aux touches progressives, où le refrain servira de seul et unique point de repère, afin de ne pas se perdre dans ce voyage dans l’obscurité.
Un renfort progressif que l’on remarquera sur le titre composé par Alia O’Brien, à savoir le très joyeux «
Night of
Augury ». On pourrait se croire à l’abris, revenir à la réalité, mais le rêve continue de nouveau. L’orgue joue les troubles fêtes, il divague et prépare en dernier tiers de piste un sursaut salvateur de guitare, qui lui se verra finalement chasser par le chant.
Hormis ces cas, la patte du premier opus n’est pas totalement écartée, elle imprégnera « Coven
Tree » et «
Morning of the Magiciens », plus posés, plus planants et psychédéliques. La musique est là vagabonde, totalement livrée à elle-même. L’innocente flute remplie sur ces morceaux davantage son office. La flute sera bien entendu omniprésente sur les titres instrumentaux « The Hermit » et «
The Witch’s Dance », tous deux accompagnés de la guitare acoustique. Ce sont de superbes petites balades épiques où les instruments sont cette fois traités d’égal à égal.
L’album éponyme «
Blood Ceremony » avait révélé une formation, «
Living with the Ancients » est en train de façonner un monument du heavy/doom à la frontière du stoner. Une messe noire plus subjuguante que la première. Le groupe semblerait avoir trouver la formule exacte pour transformer l’air plombé d’un heavy doom psychédélique, semblant provenir d’une période éculée, en musique aurifère. Les alchimistes auront tant imploré
Satan pour qu’il leur livre cette formule. «
Blood Ceremony » paraîtrait bien avoir subtilisé ce secret aux ancêtres, gardiens de la connaissance. Mais Tony
Iommi, comme les « Pink Floyd » au passage, autres victimes des agissements de ces canadiens, sauront leur pardonner. «
Electric Wizard » non.
18/20
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