Citation de Ralph Waldo Emerson, écrite sur le cd de "
The Mantle".
Si les périmètres et définitions font l’objet de débats parmi les géologues et géographes, il est souvent considéré que l’on peut caractériser deux grandes ceintures de montagnes terrestres sur notre planète : le système alpino-himalayen et la cordillère américaine. La partie Nord-américaine de cette dernière se décompose elle-même en plusieurs ceintures, dont la plus célèbre est la plus à l’Est : les Rocheuses.
Plus à l’Ouest, à 200km à l’Est de la côte Pacifique, de la frontière canadienne à proximité de
Vancouver jusqu’au Nord de la Californie, s’étire une autre incroyable chaîne de montagnes souvent éclipsée par son imposante voisine. Elle se nomme la chaîne des Cascades et traverse les États de Washington et de l’Oregon dans une direction Nord-Sud.
Lorsqu’il présente son nouveau projet fin 2001 à son ingénieur du son et co-producteur Ronn Chick, John Haughm, chef d’orchestre d’
Agalloch, ne lui parle pas de musique mais de ce massif montagneux. Sa prochaine œuvre sera en effet un voyage à travers l’Oregon, en direction du Mont Hood, stratovolcan de 3 500 mètres d’altitude au cœur de la chaîne des Cascades. L’itinéraire est bien précis : départ de
Crown Point, promontoire sur les gorges du fleuve Colombia et ses nombreuses cascades, traversée d’Hood River puis entrée dans la grandeur sauvage de la forêt de Mont Hood, avant un retour au point de départ en passant par Portland, deuxième ville de la région des Cascades après Seattle et berceau d’
Agalloch.
Ovni inclassable qui réfute toute catégorisation,
Agalloch a alors déjà sorti "
Pale Folklore" (1999), premier album influencé par des groupes comme
Ulver ou
Katatonia. Avec le départ de Shane Breyer, c’est sous la forme d’un trio que la bande d’Haughm s’organise. Le maître à bord, qui est à la fois chanteur, guitariste, percussionniste, auteur de l’ensemble des textes, de la co-production, de l’imagerie et de la photographie, est toujours accompagné de Don Anderson, autre érudit multi-instrumentiste (guitares et piano) et de J.William Balton à la basse. Loin d’être le seul fait d’Haughm,
Agalloch s’impose comme la rencontre de trois compositeurs inspirés, sensibles et désireux de repousser les frontières artistiques de leurs racines. Leur nouvelle réalisation, "
The Mantle" (2002), sera l’infinie des possibles au service de cette expédition dans la nature sauvage.
Lassés par une scène metal tournant en rond, Haughm et Anderson puisent leur inspiration dans le post-rock en plein essor (
Godspeed You ! Black
Emperor), le rock alternatif (Nick Cave and the Bad Seeds) et le neo-folk (
Current 93,
Sol Invictus…) en ayant la volonté de dégager l’une des caractéristiques communes à ces courants et à leur propre parcours musical : la noirceur. Mais ce serait une grande erreur que de résumer les compositions d’
Agalloch à cette dernière. Ce qui transparait de l’œuvre des Américains est, en effet, avant tout, l’harmonie entre lumière et noirceur, grandeur et misère, espoir et détresse, et cette capacité à retranscrire le lien émotionnel et physique ineffable qui unit le corps à la nature.
Structuré de manière à se faire écho au murmure des lieux, "
The Mantle" relève d’un formidable travail sonore et instrumental et s’impose avant tout comme une expérience sensorielle hors du temps et des styles. Omniprésence de la guitare acoustique, ebow, accordéon, piano, contrebasse, carillon-à-vent, trombone, mandoline, tremolo-picking, dialogue entre chant écorché et chant clair, paroles murmurées, bruitages… l’expérimentation est poussée à son paroxysme mais se révèle étonnement digeste : loin de s’enfermer dans un technicisme élitiste,
Agalloch s’ouvre au contraire à de nouveaux horizons sans jamais s’éloigner des sentiers du Mont Hood et de sa description paysagère musicale. Le trio vous transporte dans un endroit familier où vous n’avez pourtant jamais mis les pieds, à travers une création atmosphérique remarquable propice à l'introspection. Il est des chemins où tous les sens en éveil semblent répondre à l’appel du vivant comme pour nous inciter à le contempler. C’est cette contemplation que John Haughm cherche à partager. Une expérience unique à laquelle il faut se prêter pour pouvoir apprécier cette œuvre de contrastes, sombre, froide, apaisante, empreinte d’une douce nostalgie et d’une lueur inaltérable réconfortante, caractérisée par ses longs passages instrumentaux, ses teintes folk et ses mélodies lumineuses.
Avec ses textes inspirés du courant transcendantaliste du XIXème ou encore des contes cherokees, sa célèbre pochette avec la statue du Wapiti de Portland, ses prises de risque et surtout son indéniable qualité, "
The Mantle" est un album fondateur, dont l’aura contribua rapidement - au grand étonnement de Don Anderson, premier à trouver le mélange d’influences déroutant - à la légende d’
Agalloch. Et pourtant, le meilleur était encore à venir.
Bonne chronique qui méritait d'être plus complète tout de même car il y a finalement pas mal de choses à dire sur le concept (L'utilisation de la rune odal, les citations diverses), les references (clairement sol invictus sur cet album et plus marqué dans la dernière partie) et autres détails comme le fait qu'il demarre très sombre et dans une desolation totale pour finir sur des notes qui portent un peu plus d'espoir... pour terminer à nouveau sur l'intro.
Image qui a son importance car ce cercle vicieux rend le regain de couleur final assez vain...
Pas d'accord avec les pistes prolongées inutilement, aucune longueur, tout est à sa place et le fait de rallonger les pistes est necessaire à cette desolation et ce voyage que l'album propose... et ca se repete jamais, malgres ces longueur, chaque piste est extrêmement variénet sait juste pousser l'atmosphere un peu dans la durée parfois pour permettre de nous y noyer.
Un album de black prog folk juste magnifique et post apocalyptique dans une forêt en ruine sans la moindre trace humaine mais avance vers sa propre reconstruction en nous oubliant déjà.
Pas besoin de violence ici, elle est humaine et déjà disparue.
A l'écoute de The Mantle j'ai plus d'une fois pensé au fer de lance du post-rock, Godspeed You ! Black Emperor, et vois d'ailleurs Agalloch comme son cousin métallique, jouant une sorte de post-black mélancolique et doux, sombre et désenchanté, toujours ténébreux.
Il faut que j'approfondisse ce groupe qui m'a touché. Donc coup de coeur pour moi.
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