Ashes Against the
Grain.
C’est sous ce nom adapté à l’identité
Doom/
Dark Metal de la formation de Portland que nous revient
Agalloch pour son dernier album, sorti le 8 août 2006 sous le label
The End Records. Depuis, le groupe a également fourni à une fan-base avide un magnifique EP, sobrement intitulé «
The White » en complément et suite logique du précédent, «
The Grey ». Il s’est d’ailleurs arraché sur eBay à des prix parfois exorbitants.
Revenons tout d’abord sur l’univers singulier de ce quatuor, tour à tour classé sous la bannière du
Dark,
Doom ou encore du Folk
Metal, et caractérisé par des sonorités toujours fortement teintées de mélancolie, le tout enrobé d’une ambiance résolument torturée. Les parties saturées sont souvent émaillées de mélodies aux accents médiévaux à la guitare sèche, une alternance qui se retrouve dans le chant, qui oscille entre râles, grondements et voix claire (quand les paroles ne sont pas simplement chuchotées).
La symbolique du groupe s’inspire fortement de la désolation hivernale et de la nature, sous la forme sinistre qu’elle revêt au cœur du froid. Le nom «
Agalloch » provient d’ailleurs de la dénomination latine d’un bois résineux, le bois d’Agar (qui sert notamment au tantrisme et constitue le bois d’encens le plus raffiné, le plus pur valant plus cher que son poids en or pour l’anecdote). N’ayant jamais été un groupe de scène et clamant ouvertement préférer l’écriture en studio, les ambiances dépeintes dans de nombreux morceaux étant souvent moins prenantes en live, il convient donc de profiter de chaque titre comme il est et d’en apprécier toute la subtilité à la lueur d’un morne feu de camp, au milieu d’une clairière recouverte de neige immaculée (vous aurez saisi l’esprit).
C’est entouré de cette aura mystique, toujours magnifiquement entretenue et appréciée des fans, qu’
Agalloch propose son troisième album au sens propre du terme, après "
The Mantle" en 2002. Ce qui saute aux oreilles à la première écoute, c’est le changement relatif du son comparé à ce dernier, qui mettait l’accent sur les guitares acoustiques là où "
Ashes Against the
Grain" installe des sonorités plus saturées. L’orientation légèrement plus
Metal ne renie pas pour autant les riffs de sèche sobrement intercalés entre deux plages de lead guitar laconique, accompagnée des râles caractéristiques de John Haughm au chant.
L’intro planante de "
Limbs" ouvre sur une guitare saturée, lourde et lancinante, accompagnée d’un double lead au clavier et guitare (le premier s’estompant par la suite, mais on le retrouve plus loin), menant ensuite à une partie acoustique tout à fait dans le ton du groupe. L’atmosphère est immédiatement posée lorsque John entame le couplet d’une voix torturée, avant un break total à la sèche qui débouche sur les plaintes finales d’un titre définitivement puissant. "Falling Snow" suit directement sur un schéma similaire, nourrissant l’identité plus énergique de l’album par rapport à son prédécesseur, et on en est déjà à quasiment 20 minutes d’écoute. Après un interlude conceptuel pavé de sensations de vide et de sons atmosphériques, les deux titres suivants respectent la trame plus rapide et saturée, entrecoupée de parties acoustiques de l’ensemble, sans jamais se départir d’une originalité affirmée et d’une grande richesse musicale.
On apprécie ou non, mais
Agalloch possède un son unique qu’il ne trahit pas une seconde, sans pour autant refuser d’expérimenter, comme le prouvent les trois titres qui viennent conclure l’album, une fresque sinistrement nommée « Our
Fortress is
Burning » et s’étalant sur cinq, six puis sept minutes. Après une introduction Folk résolument dark medieval, le second chapitre, intitulé Bloodbirds, propose une atmosphère saisissante de sobriété et de complexité à la fois, de désolation suggérée, trahissant un talent artistique indéniable. Le chant rageur de John Haughm, venant conclure le morceau, parvient à transmettre une souffrance presque agonisante.
Pas de doute, ça vient des tripes, et c’est exactement là où ça prend l’auditeur. Le dernier chapitre est entièrement expérimental et ne compte que des sonorités grésillantes et lancinantes, pour un final difficilement accessible mais parvenant encore une fois avec brio à instaurer une atmosphère unique.
A noter un bonus track de 19 minutes sur l’édition limitée vinyle (1000 exemplaires), ajoutant une suite au trio de musiques clôturant l’album : «
Scars of the Shattered Sky (Our
Fortress Has Burned to the
Ground) ». Quand
Agalloch inclut un titre additionnel, ils ne font pas les choses à moitié.
Alors, quel verdict pour cette troisième réalisation studio du groupe américain ?
Vous l’aurez compris, ne serait-ce que du côté de mon avis biaisé de fan, l’enthousiasme est de mise. Sur un plan plus objectif (en espérant y parvenir),
Agalloch est une singularité musicale assumée, mais pourtant saisissable et appréciable par n’importe quel fan de
Metal sensible à tout excellent travail musical de recherche et d’ambiance. Oui, la désolation est portée en étendard durant toute la durée de l’album, mais cela ne signifie absolument pas qu’il faut être dépressif ou suicidaire pour aimer (il est toutefois déconseillé de l’être avant d’y exposer ses oreilles, haha). La relative inaccessibilité du groupe éclate en mille morceaux à partir du moment où l’on parvient à entrer dans son atmosphère particulière, ce que je conseillerais à tout amateur de
Metal n’étant pas borné aux riffs violents ou aux grondements inhumains. Etant fan de Death
Metal Progressif notamment, je trouve chez
Agalloch une expérience musicale tout à fait différente de mes écoutes habituelles, et pourtant tout aussi appréciable. Du grand Art, qui mérite à mon avis une écoute impérative (même par simple curiosité).
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“Tip the cup, feed the fire.” (
Agalloch,
The Mantle, A
Desolation Song)
Ce qui me frappe chez ce groupe, au delà de tout ce qui a été fort bien dit, c'est aussi la multiplicité d'influences, pas toujours(pardon..) perceptibles par ceux qui n'écoutent "que" du métal, ou pire, qu'un seul courant du métal...Par exemple peu de gens parlent de l'influence de groupes du genre Post-Rock (évidente dans "Limbs" par exemple), un peu plus de celle d'ULVER, et je vois même du Katatonia dans "Falling Snow", etc... et bien sûr pas mal de Rock Indépendant (pas trop le temps de faire le tour), et dieu sait ce qu'ils nous réservent encore...J'attends le nouvel album avec impatience !
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