L’art est parfois tributaire de certains détails dont la subtile combinaison offre un équilibre, certes, délicieux mais d’une fragilité précaire. Le moindre souffle, infime changement, peut alors soudainement rompre cette stabilité et l’œuvre, jusqu’alors, enthousiasmante devient l’expression défaillante de cette harmonie brisée. La musique est l’art précaire par excellence car ce trouble tragique du déséquilibre y est un rituel récurrent et habituel. Des changements qui, bien évidemment, peuvent rompre définitivement l’excellence d'un groupe qui, parfois, perd alors, quelque peu, de son identité originelle.
Indiscutablement Federica De Boni était l’âme la plus remarquable de
White Skull. Elle en sublimait le charme de sa voix si singulière, de ses appels gutturaux rauques et belliqueux. Ce double vocal aux caractéristiques parfaitement similaires à celles de Chris Boltendah (
Grave Digger) illustrait précisément l’aspect le plus "héroïque" de ces concepts défendus par le groupe sur les superbes
Tales from the North et
Public Glory, Secret Agony. De plus la musique que ce collectif composait en ces temps immémoriaux était vive, inspirée, essentiellement véloce et louait incomparablement les mérites d’un Heavy/Speed, certes, très influencé par la scène allemande mais néanmoins d’une rare excellence.
White Skull exhalait l’odeur âcre de ces conflits, de ce sang, de ces grandeurs et de ces trahisons dont il nous narrait les épopées. Sa musique semblait sincère, et elle avait, en tous les cas, le mérite de nous précipiter au cœur d’un tableau aux atmosphères dramaturgiques palpitantes immédiates.
Or
The Dark Age, cinquième véritable album de ces Italiens, a perdu de ces éléments attachants. Federica s’en est allée, remplacé par Gus Gabarro. L’emphase la plus délicieusement épique s’est tue. Les influences allemandes s’éloignent quelques peu. La fresque est moins captivante. Le crâne est moins reluisant et il se recouvre de poussière. Ô quelle triste effigie inoffensive que voilà, fouillons-en donc la carcasse…
Les différences qui déçoivent d’emblée concernent, évidemment, les chants. Si les capacités, et le talent, du nouveau venu ne sont pas nécessairement à mettre en doute, le dépit qui naît du résultat de leurs associations avec le Heavy/Speed de
White Skull est immédiat. Les prestations de cette nouvelle recrue demeurent, en effet, moins séduisantes, moins particulières et moins originales que celles dont Federica nous gratifiait. Dans un paradoxe étonnant, ces voix tantôt écorchés aigus, aux limites Thrash, tantôt profonde et plus grave, démontrant des aptitudes plus nuancés que sa consœur, offrent un résultat pourtant moins probant. Ce constat surprenant d’échec tient, en partis, dans la construction de ces titres clairement moins réussies que ceux issus des œuvres précédentes de ces Transalpins. Très clairement, la musique peine ici à nous convaincre.
De refrains moyens en un édifice pas toujours lisibles et communicatifs, de mélodies insignifiantes déjà entendues en atmosphère ratés voire inexistantes, de titres sans vies en morceaux à la grandiloquence insipide,
White Skull nous mène avec
The Dark Age, irrémédiablement, à l’ennui. C’est étrangement avec son album le plus personnel, contenant un travail indiscutablement plus variés de la part de son chanteur, qu'il nous propose son œuvre la plus quelconque et fastidieuse.
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