Que pouvait donc proposer
Suicidal Tendencies après un Lights...Camera...Revolutions d'anthologie ? Le groupe avait toujours l'habitude de franchir un cap album après album avec un talent qui frisait l'insolence.
L'année 1991 avait vu naître
Infectious Grooves, projet fusion qui, dixit Mike Muir, permettait à son groupe d'évacuer les éléments funk de sa musique, histoire de "recentrer" les choses.
The Art of Rebellion, enregistré en 1992 à
Los Angeles (pendant les émeutes qui ont suivi l'affaire Rodney
King), sort donc la même année et se montre assez surprenant à bien des égards. Il est à noter que c'est le premier opus sans le batteur RJ Herrera, remplacé ici par Josh Freese, talentueux requin de studio.
Dès le titre d'ouverture, "Can't Stop", on remarque que la production est plus moderne, assez massive mais également limpide, mettant bien en valeur chaque instrument.
Musicalement, ce titre montre un nouveau mode d'expression chez
Suicidal. Le rythme se veut moins soutenu que par le passé, la rage du groupe est ici plus contenue, moins explosive.
L'approche est beaucoup plus mélodique que sur les opus précédents, impression renforcée par le chant de Mike Muir qui livre peut-être sur cet album sa meilleure prestation vocale.
Mais le plus étonnant est l'apport d'influences musicales très diverses et inhabituelles dans le propos de S.T.
Si certains titres, dans la forme, demeurent plutôt classiques (We call this Mutha
Revenge, Gotta
Kill Captain Stupid), d'autres s'avéreront plus déroutants pour les fans hardcore malgré une qualité certaine.
C'est ainsi que l'on a droit à des chansons ayant des influences pop/rock (Accept my
Sacrifice, Tap into the
Power, It's Going
Down), d'autres assez entraînants (Where's the Truth, le groovy Which Way to Free ?) et deux ballades : Nobody Hears et
Asleep at the Wheel.
Si la première, assez classique, pourrait être comparée à
How Will I Laugh Tomorrow dans la forme, la seconde présente des teintes très 70's, limite psychédéliques, pour un résultat tout simplement magnifique (et quel solo de basse !).
De même, un titre comme "Monopoly on
Sorrow" mérite au moins une écoute : il démarre en semi-acoustique pour finir sur la fin quasiment thrash.
C'est d'ailleurs la grande qualité de
The Art of Rebellion : malgré l'apparente accessibilité de ses titres, ceux-ci sont plutôt fouillés et très travaillés; on découvre toujours quelque chose au fil des écoutes.
Pour ce qui est des musiciens, ceux-ci sont (comme d'habitude) extrêmement talentueux et techniquement irréprochables.
Les rythmiques de Mike Clark se montrent toujours efficaces; les interventions de Rocky George restent magnifiques en termes de mélodie et de virtuosité (on ne vantera d'ailleurs jamais assez les qualités de ce guitariste) et Robert Trujillo démontre sur cet album qu'il est un bassiste d'exception (en particulier sur le susnommé "
Asleep at the Wheel").
Quant à Josh Freese, s'il est moins 'frontal' que son prédécesseur, il apporte un groove certain sur la plupart des titres avec un jeu très riche dans l'utilisation des toms et du charleston.
En conclusion, disons qu'avec cet album,
Suicidal Tendencies a voulu s'affranchir des règles établies en mêlant des styles à priori incongrus avec son crossover.
Le résultat est un album très riche, inspiré et qui, 20 ans après, n'a pas pris une ride.
Certes, le propos est moins rageur que sur ses prédécesseurs (reproche principal de la part des fans hardcore) mais
The Art of Rebellion est un album d'une grande richesse, un monument d'ouverture et de musicalité.
A (re)découvrir d'urgence !!!
18/20
Merci pour la chronique Lamikawet.
L'album passe justement en boucle dans ma voiture depuis une quinzaine de jours.
Merci pour la chro. Merci également à Krashno de m'avoir remis en mémoire la version francaise de "Monopoly on Sorrow" avec l'hillarant accent franglais de Muir. Je n'arrive plus à me souvenir où j'ai entendu cette version (maxi? bonus?).
Decouvert suicidal avec cet album....je fus de suite impressionné par la richesse et la qualité musical de l'oeuvre. ST tiens là son meilleur album.
La pochette à elle seule vaut le detour...d' ailleurs le tshirt achete en 93 est tjrs porté.
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