« You may think you’ve heard this music before.
That Runnin
Wild did it back in 84. But winds are a changing and we don’t give a damn ! So if you don’t like it, go start your own band !”. C’est en l’an 2011 de notre ère, dans une chanson intitulée « Scraping The Barrel », d’un album nommé «
Back Through Time », qu’on pouvait entendre ces punchlines sans concession. Ce recadrage cinglant était signé Christopher Bowes, frontman, claviériste et principal compositeur d’
Alestorm. Le groupe était alors encore jeune : il n’avait que quatre ans depuis sa création en 2008, mais avait déjà tout d’une grande formation : trois albums dont les excellents « Captain Morgan ‘s
Revenge » et «
Black Sails at Midnight », des concerts à travers le monde et des fans toujours plus nombreux… Malheureusement, «
Back Through Time », divisa. En effet, de véritables tueries y côtoyaient de bons titres et d’autres, hélas clairement en deçà. Ainsi donc, après deux albums quasi parfaits, «
Back Through Time », qui renfermait pourtant en son sein son lot de pépites et d’innovations, laissait un arrière-goût d’inégalité, ce qui faisait craindre votre serviteur pour la suite. Fan du groupe depuis leurs débuts, je fis de grands efforts pour me persuader que le groupe n’était pas en panne d’inspiration, qu’ils tireraient profit de ces critiques et reviendraient en meilleure forme. Leur passage au Glazart avec feu
Ex Deo n’avait-t-il pas été un de mes concerts préférés ? Le «
Live at the End of the World » n’avait-il pas été plus que convainquant ? Et le projet «
Gloryhammer », sans être spécialement original, n’avait-il pas été bien mené et très agréable d’écoute ? Je ne savais plus quoi penser… C’est donc avec une impatience teintée de fébrilité que je démarrais l’immersion dans ce 4ème album. Tout avait été fort bien fait : le nouveau logo était là, le groupe s’était fendu d’un artwork hommage à l’album « Under
Jolly Roger » de Runnin’
Wild, pas vraiment le plus joli du groupe, mais plutôt cool, et l’album portait le nom évocateur de «
Sunset on the Golden Age », ce qui n’allait pas pour me rassurer. Mais les écoutes successives des snippets promotionnels dissipèrent finalement mes craintes. Ma copie du skeud, alors fraîchement achetée, en poche, je me reprochais d’avoir douté d’un de mes groupes préférés, et supposai alors que l’écriture d’une chronique serait probablement une bonne idée pour apaiser la colère du capricieux Poséidon, connu pour être un grand amateur du groupe, et éviter qu’un raz-de-marée ne ravage ma maison.
Il convient d’être clair à l’aube de cette chronique : ce quatrième opus des pirates les plus Heavy des Caraïbes fait dans le classicisme. Mais il s’y distingue bien, et tous les anciens éléments du groupe sont là. La voix éraillée du Captain Bowes, semblable à celle d’un pirate à l’haleine fétide vous racontant un peu trop près du nez son histoire de trésor est (heureusement) toujours présente sur tous les morceaux. Les cuivres, omniprésents depuis «
Black Sails at Midnight » qui seront synthétisés sur scène par le nouveau claviériste Eliot Vernon, se font moins nombreux, mais imposent toujours leur ambiance épique sur « Walk The Plank », « 1741 (Battle Of Cartagena) » et «
Sunset on the Golden Age ». Le reste du temps, l’accordéon prend, comme depuis « Captain Morgan’s
Revenge », le relais. Il se remarque principalement sur la très joyeuse « Mead From
Hell », sur la puissante « Surf Squid
Warfare » et la très entraînante « Quest For Ships ». Mais, en termes d’inspirations et de structure, Chris Bowes l’ayant promis, le groupe a aussi puisé dans un passé plus récent, avec des éléments de «
Back Through Time » ayant fait sensation. Ainsi, si retrouver les flûtes de « Midget
Saw » dans l’intro de la plaintive et épique « Magnetic
North » fait plaisir, le retour des longs titres et des chants gutturaux, hérités de la déjà culte « Death Throes Of The Terrorquid » sur l’album précédent, ravira plus d’un auditeur. De même, les chœurs, expérimentés timidement par les reprises de « Flower Of Scotland » ou « Wolves Of The Sea » sur les premiers albums, mais généralisés à partir de «
Back Through Time », sont de la partie. On peut entendre les « vrais » chœurs du groupe (à la différence des Backing Vocals de Bowes) sur « Walk The Plank », sur « Drink », « Mead From
Hell », « Surf Squid
Warfare », « Quest For Ships » et la reprise de « Hangover » (Taio Cruz). Enfin, les violons expérimentés sur l’excellente « Shipwrecked » se font une petite place « Drink » et « Magnetic
North ». C’est un musicien de session qui joue sur l’album, mais Eliot Vernon semble savoir jouer du violon dans le clip de « Drink ». En espérant voir ça sur scène…
En ce qui concerne les thèmes abordés et les ambiances, là aussi, nous voyageons en terre connue, mais le travail artistique est là.
Alestorm arrive à donner à leurs fans ce qu’ils veulent : du classique, mais en différent. Ainsi, les paroles de « Walk The Plank » rappellent étrangement « Keelhauled » (la trahison, la fureur du capitaine, le supplice de la planche et les requins), « Magnetic
North », tout en étant très originale, traite des pirates perdus dans le Nord et qui vont sans doute mourir, renouant ainsi avec des textes proches de « To
The End Of Our Days » ou de « Scraping The Barrel ». « Surf Squid
Warfare » reprend la thématique du voyage dans le temps et celle de la chasse aux krakens. "Quest For Ships" est assez drôle dans les textes, car elle présente un Bowes littéralement drogué aux bateaux, et même de tout ce qui flotte et qui "a besoin de sa dose". Quant à « Drink », son deuxième couplet est presque uniquement composé de titres de chansons du groupe, à l’instar d’un «
Victory » de
Megadeth (album « Youthanasia »). La chanson est aussi amusante au sens où Chris Bowes nous apprend qu’il se fiche de ne pas revenir riche d’un voyage, tant qu’il a pillé du rhum, de la bière, et, selon le clip, dévergondé des cathos de bonne famille… Le texte de « 1741 (The Battle Of Cartagena) », sans doute la meilleure de l’album, est vraiment original, tout comme celui de «
Sunset on the Golden Age », et ils sont tous deux très bien foutus. Mentionnons également la qualité des refrains, comme d’habitude faits pour être retenus facilement et chantés sur scène. La reprise d’ « Hangover » de Taio Cruz claque pas mal et s’applique très bien au groupe, puisqu’elle traite de la gueule de bois après une soirée bien arrosée. Chris Bowes, faisant souvent sa présentation comme suit : « Hi, I’m Christopher Bowes, and I am an alcoholic », on ne peut qu’applaudir, une fois encore, son sens de l’humour et de l’autodérision.
Enfin, les seules faiblesses de l’album : elles ne sont pas si nombreuses. Si on veut pinailler, j’aurais bien aimé un refrain plus efficace sur « Surf Squid
Warfare », le nom du titre n’étant growlé qu’une seule fois, à la toute fin de celui-ci. C’est un peu dommage car la chanson est vraiment sympa. Finalement « Wooden Leg ! » est le seul titre vraiment décevant. Malgré un départ prometteur (Il est très rapide et nerveux, parfait pour les pogos), il souffre du syndrome "Rum"/"Buckfast Powersmash" de l'album précédent : le refrain est définitivement trop pauvre !! Retenir les refrains est une bonne chose pour la scène, mais se borner à répéter « Wooden Leg ! Wooden Leg ! Wooden Leg ! I’ve got a Wooden Leg, Wooden Leg ! » quatre à cinq fois, ne fait pas un refrain. C’est d’autant plus dommage que les couplets sont marrants, et parlent d’un pirate avec une jambe de bois qui perd l’autre jambe par un tir de canon espagnol, puis les deux bras contre un samuraï ninja. L’édition limitée n’est pas non-plus un must-have. Pour quelques euros de plus, vous aurez droit à une version acoustique d’ « Over The Seas », de « Nancy The Tavern
Wench », de « Keelhauled », de « Sunk N’ Norwegian », de Shipwrecked » et une bonus track, intitulée « Questing The Poop Deck ».
Pas forcément indispensable en soi et à réserver aux fans hardcore. Ajouter «
In the Navy » reprise des Village People sorti récemment sur Single aurait peut-être plus ramené les foules.
Au final, faisant abstraction de ces quelques faiblesses,
Alestorm nous sort de son tricorne un bien bel album. Le groupe a cette capacité de parvenir toujours à refaire du neuf avec du vieux, sans tout-à-fait se répéter en ajoutant des rythmes nouveaux, des refrains efficaces et neufs, en mélangeant classicisme et modernité… Avec cet album de qualité, une chose est sure : le « crépuscule de l’âge d’or » n’a pas eu lieu.
Il se trouve que je suis bon public en musique Metal, que c'est ma passion et que je n'oublie pas qu'on a de la chance d'avoir des compositeurs créatifs par rapport aux merdes, pour le coup "vraiment commerciales" qu'on peut entendre dans les médias de masse...
Alors, oui, je note élevé, oui, je suis assez peu porté sur l'underground et je pense qu'en général, quand un groupe a marché, ça ne vient pas de nulle part (ce qui ne m'empêche pas d'apprécier de bons groupes qui n'ont pas encore percé), mais je n'essaie pas de privilégier qui que ce soit ou une industrie. Quand j'aime, je note bien. C'est tout. Et j'accepte les désaccords sur mes chroniques, voire même les contre-chroniques (je vais d'ailleurs lire la tienne), mais il y a une manière de dire les choses. Être désagréable ne te rendra pas plus underground, ou "plus professionnel" ... Ça te rendra juste désagréable :)
J'ai lu ta chronique. Bien sûr, je partage pas tout le propos, mais j'ai beaucoup apprécié l'humour et les commentaires sur la bataille de Carthagène.
Et si j'aime toujours le côté mélodique d'Alestorm et tolère qu'il n'évolue pas tant que ça, je n'ai pas une très bonne opinion de groupes comme Trollfest. Je les ai vus sur scène et, pour moi, ils font du Folk Metal bordélique avec un chant crié à la Slayer et je n'y perçois pas vraiment l'intérêt. J'ai encore moins de clémence pour des groupes comme Lagerstein ou Swashbuckle, car je trouve leur manque de mélodicité flagrant et je n'arrive pas à digérer leurs riffs thrashy à outrance. Tu vois, je suis loin d'être un grand fan du Pirate Metal en général :)
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