Cinq mois auparavant, les Américains de
Chelsea Grin nous avait quitté avec la première partie de son double album
Suffer in Hell, un disque qui n’était peut-être pas le plus révolutionnaire qui soit mais qui respectait parfaitement la signature du groupe. Au sein d’un deathcore relativement conventionnel, le quatuor avait largement réussi à nous asphyxier par son brutalisme et par sa méchanceté sans limites. Mieux encore, nos musiciens avaient quelque peu réussi à moderniser sa personnalité avec une pointe de symphonie et de black, une touche d’épique et une accentuation d’une désolation insoutenables. Le disque avait également offert au vocaliste Tom Barber un peu plus de liberté avec un élargissement de sa palette vocale, une profondeur qui manquait à la formation.
Même si l’on sent que nos artistes veulent dépasser leurs acquis, afficher un visage plus contemporain et fantaisiste, les limites du collectif se font vivement ressentir avec des compositions calibrées, dont les durées très courtes empêchent un total épanouissement de la formation. De même, si l’idée d’apporter de la mélodicité et du symphonique au sein de mélodies malveillantes part d’une bonne intention, elle demeure trop timorée pour pleinement nous convaincre. Il en est de même avec une technicité restreinte et une certaine redondance en termes d’écriture. Mais avec
Suffer in Heaven, la seconde pièce du double album,
Chelsea Grin dispose d’une nouvelle chance de s’affirmer et de développer ce qu’il avait entrepris sur sa première proposition.
Le quatuor américain nous prend complètement de court avec un deathcore à tendance slam très traditionnel. L’ensemble des rythmes sont excessivement languissants, toujours avec cette même pesanteur et cet aspect morbide. Les longueurs des morceaux, eux, ne varient pas tant par rapport à
Suffer in Hell avec la majorité des titres qui dépassent péniblement les trois minutes. Le riffing est grave, percutant, carabiné et assez cyclique, ce qui ne nous laisse pas le moindre instant de répit. Le background légèrement typé black se montre dans l’ensemble plutôt discret mais amène cette ambiance malsaine qui permet au combo de ne pas être dans un total traditionalisme. Les breakdowns ne sont pas en reste, simples dans leur construction mais diablement efficaces et divertissants.
Si l’approche en termes de mélodies est on ne peut plus classique, nos Américains peuvent compter sur des prestations vocales de la part de Tom Barber riches et variées. Même si la palette vocale du vocaliste n’est pas aussi étendue que celle d’un
Will Ramos par exemple, le bonhomme sait tout de même offrir quelques belles prouesses. Ainsi, dans le morceau d’ouverture Leave With Us, on pourra profiter d’échanges, comme une discussion entre deux personnes avec ces types de chants variant entre growling et voix plus screamé, cassé. Lors du breakdown, le vocaliste nous fait l’honneur d’une multitude de grognements, une frénésie à la fois écrasante et oppressante, une inhumanité que l'on n'avait encore jamais vu à ce stade.
Suffer in Heaven propose également plusieurs narrations robotiques pour éviter de tomber dans la ressemblance et l’imitation. Certaines d’entre elles s’intègrent admirablement dans les mélodies comme sur Fanthomless Maw où elle est utilisée en guise d’introduction. Les lignes choisies sont celles d’un discours de John Kennedy autour de la terreur, de la persuasion, de l’oppression et correspondent totalement au thème de la soumission, de la forme d’esclavage soumis par le reste du travail lyrique. Le riffing est très élémentaire, rudimentaire mais on est rapidement séduit par son aspect groovy et batailleur. Le quatuor exposera aussi un breakdown qui nous laissera complètement muet par son animosité et son intensité.
Au contraire, certains de ces récits plombent et coupent court à la férocité des instrumentaux. Ce comportement se constate sur The Mind Of
God où le monologue est inséré en plein milieu de la mélodie sans raisons apparentes. Fort heureusement, cette mauvaise conduite sera rapidement effacée par une mesure plus mélodique, moins étouffante qui se mutera en un ravissant solo de guitare. D’autres compositions laisseront de même une impression mitigée à l’instar de Sing To The Grave. Cette sensation se justifie par un schéma musical basique, peu surprenant avec une absence majeure de bouleversements. Cette appréciation est similaire sur la mélodie et sur ces guitares qui peinent réellement à nous emporter faute de fluctuations.
Bien différent de
Suffer in Hell,
Suffer in Heaven est pourtant tout aussi éloquent que son confrère avec des qualités assez contraires. Pour ce qui est des faiblesses, elles sont en revanche très similaires avec notamment des titres toujours aussi expéditifs qui privent à nouveau d’un approfondissement dans le projet du quatuor américain. De la même manière, on regrette ces quelques similitudes au sein de plusieurs morceaux qui jouent dans leur ensemble sur la redondance. Mais les particularités vocales de Tom Barber, l’atmosphère sombre et angoissante ainsi que la plupart des narrations permettent à
Chelsea Grin de nous produire un septième opus et un second chapitre plaisant et honnête, une confirmation de sa bonne forme.
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