Liste des groupes Metal Symphonique Kingfisher Sky Skin of the Earth

Les eaux fluviales semblent s'être écoulées inexorablement sous les innombrables canaux d'Amsterdam, suivant un long cheminement qui en définirait l'orientation et le dessin des courants. A l'instar de cette douce infiltration dans le sillage des eaux éparses par ces ondes aquatiques, les deux seules productions de ce groupe se sont succédées à un rythme relativement peu soutenu. En effet, pas moins de trois ans se sont écoulés depuis un premier album plutôt bien inspiré. Rappelons que l'envoûtant "Hallway of Dreams" avait déjà su capter l'oreille d'un auditoire grandissant acquis à la cause de ce groupe encore peu connu. Que peut-on alors attendre de plus sur ce nouvel opus? La maturité de la production tant espérée dans son ensemble est-elle au rendez-vous?

Les chefs de file de ce septuor néerlandais de metal symphonique que sont la talentueuse chanteuse Judith Rijnveld et le batteur Ivar de Graaf (ex-Within Temptation) ont conféré une teneur plus éthérée, moins systématiquement assise sur les codes du genre à l'ensemble, avec même une pointe d'orientalisme dans certaines compositions. Les influences du rock et de la pop autoRisent un panachage des atmosphères et ne sont pas sans effets sur les rythmiques et les lignes mélodiques parsemant cette oeuvre tout le long. La voix de Judith, pour sa part, use moins d'envolées lyriques, mais évolue avec bonheur dans de très subtiles nuances de tonalité qu'agrémente assez souvent un léger vibrato, caressant l'oreille de ses notes empreintes de touches d'angélisme. Globalement, on se situe dans un univers musical proche de celui d'Autumn, à commencer par la voix de la jeune diva qui se rapprocherait de celle de Marjan Welman.

Le temps a passé, le groupe y a gagné un petit supplément d'âme, à l'image d'une certaine maturité dans l'écriture des textes, et la qualité des compositions s'en ressent. Les ambiances apparaissent plus tamisées, voire intimistes par moments, tout en distillant de savoureux passages d'obédience metal symphonique à la rythmique plus soft que punchy. Aucune prouesse n'apparaît véritablement à la première écoute. C'est dire que l'on ne recherche aucunement les démonstrations de force, qu'elles soient techniques, instrumentales ou vocales, cette fois. Simplement un subtil et minutieux travail de cohésion entre orchestre et voix, entre instruments se répondant en écho. C'est dire que cet opus ne s'offre pas aussi aisément que le précédent. Il nécessiterait donc davantage d'investissement auditif pour percevoir les richesses harmoniques cachées qu'il contient en grand nombre.

Une majorité de morceaux s'avèrent tout de même rapidement convaincants parmi lesquels on relève les deux premiers titres de l'album. L'entame "Multitude", sur fond de notes empreintes d'orientalisme, par le biais d'une rythmique délicatement progressive, nous embarque avec aisance pour nous faire voyager dans les arcanes de fines modulations vocales couleur pastel qui savent habiller les refrains avec emphase. Ces derniers se déploient alors à merveille sur une ligne mélodique imparable. Tout aussi harmonieux, "Rise from the Flames", se veut entraînant, instrumentalement nuancé dans ses couplets et vocalement enjoué dans ses refrains. On y retrouve un certain Ruud Jolie (Within Temptation) à la mandoline, qui, par les habiles accords déployés, contribue à rendre certains passages plus harmonieux encore. Sur ce même modèle, l'énergique "Like a Shadow" ne laisse pas indifférent en ce qu'il utilise les contrastes rythmiques entre dynamisme et douceur, tout en sachant nuancer le propos sous l'égide d'une partie vocale à la fois sobre et envoûtante. Non moins convaincant par sa progressivité instrumentale, "We Love Our Heroes" s'oriente davantage vers une rythmique plus marquée, parfois syncopée, autorisant de nombreuses subtilités d'accords ainsi qu'un beau solo de guitare en conclusion. On ne reste pas non plus très longtemps indifférent au mélodieux et subtilement orientalisé "Liquid Clocks". Sur une même ligne rythmique que le morceau précédent, il pousse un peu plus loin le jeu des variations de tonalité vocale, notamment sur les savoureux refrains. Enfin, j'ai retenu l'ultime piste de l'opus "The Edge of Insanity", empreint lui aussi de la présence de Ruud et d'une ambiance d'influence orientale. Usant d'une large palette de colorations vocales, ce titre nous octroie un relief acoustique digne des meilleures productions, offrant également quelques légers riffs de guitare, comme pour nous faire prendre conscience, en filigrane, que l'on finit l'album en apothéose.

En deuxième ligne, on retiendra notamment "My Better Part", avec son rythme agréablement cadencé et ses refrains bien ciselés, à l'image des légères ondulations du champ vocal de la jeune interprète. Dans un registre plus aérien, "Two Old Trees" séduit aussi par sa douce et progressive orchestration sur laquelle vient délicatement se poser une voix câline d'une rare limpidité. Un poil plus technique, "Mushroom Wall" n'est pas en reste non plus. Moins mélodieux que les deux premiers titres, il use cependant de subtilités instrumentales, tout en se calant dans un schéma prog soft des plus inspirés, avec un petit solo de guitare à la clé. Enfin, une légère rythmique pop parsème le mélodieux "One More Day". Un break bien venu met en exergue une repRise somptueuse sur un titre aux refrains bien inspirants.

On l'aura compris, peu de déchets jonchent le sol de cette terre musicale homogène. Non qu'elle soit lavée de tout reproche, elle n'en demeure pas moins satisfaisante sur le plan des arrangements, sur les lignes mélodiques de la plupart des titres, sur les parties vocales au charme indéniable ou encore sur l'orchestration qui est bien présente, sans être prépondérante. On obtient ainsi un savant équilibre entre instruments et voix.

Globalement, on se situe dans la lignée instrumentale de l'opus précédent, mais avec davantage de précision dans les notes intermédiaires sur le plan vocal. Par ailleurs, les courants d'influence stylistique choisis ont autorisé une ouverture atmosphérique plurielle pour un groupe originellement inscrit dans le metal symphonique. On pourrait alors se poser la question de l'identité artistique de fond de ce groupe. C'est dire que, malgré ses qualités, quelques morceaux plus marqués de la seule empreinte metal symphonique auraient conféré à l'ensemble plus d'unité stylistique. Un peu plus de pRise de risques aurait également donné plus de piment à l'ensemble qui, bien que ne manquant pas de charme, n'est pas toujours extasiant pour autant. Mais tel n'était peut-être pas le dessein de ce groupe en devenir, celui-ci ayant tablé sur la sobriété atmosphérique pour distiller ses notes rondes.

Cet album conviendra sans doute aux amateurs de metal symphonique dans la lignée d'Autumn ou Ansoticca, autant qu'à ceux qui souhaitent se familiaRiser en douceur avec cet registre particulier de cet univers musical.

Comme nous venons de le constater, le combo ne manque pas d'atouts. Simplement, il leur suffira de les valoRiser encore un peu plus pour devenir de véritables challengers des groupes de référence en la matière. Ils pourraient alors, eux aussi, faire partie des groupes à suivre!