Tout en discrétion,
Kingfisher Sky revient dans la course suite à une longue période de latence. Du moins s'est-il laissé le temps suffisant pour peaufiner son troisième album. Cela étant, difficile sans doute pour le combo néerlandais de produire une oeuvre aussi savoureuse que son premier opus "
Hallway of Dreams" (2007) et non moins attractive que le dynamique "
Skin of the Earth" (2010). Quels sont alors les ingrédients de sa nouvelle recette?
Pas moins de quatre ans se sont écoulés depuis la seconde galette pour nous octroyer un séduisant "
Arms of Morpheus", riche en harmonies, en contrastes d'ambiances et jouissant d'un petit supplément d'âme. Ce qui témoigne d'une maturité plus affirmée du groupe, perceptible le long des onze pistes de ce plaisant album. L'émotion que cet opus génère le rend tout aussi attachant que ses prédécesseurs tout en y inscrivant son identité propre.
On déambule au coeur d'une oeuvre faisant cohabiter l'univers orchestral du metal symphonique et des touches mélodiques, souvent folk, parfois rock, voire pop. Ainsi, les courants d'influence stylistiques sont épars et renseignent sur leurs références. En effet, l'instrumentation proposée renvoie au cadre rythmique chatoyant d'
Autumn, avec quelques accords empruntés à
Lyriel. De son côté, l'atmosphère qui se dégage n'est pas sans rappeler le climat folk rock d'
Elane. Enfin, sur le plan vocal, le timbre de Judith Rijnveld peut rappeler celui de Marjan Welman (
Autumn), avec davantage d'ampleur et de limpidité encore, notamment sur les notes en voix de tête. Fort de ces assistes artistiques, le groupe compte également sur sa signature pour nous impacter. Que recèle alors ce troisième opus ?
Tout d'abord, la magie opère rapidement sur les plages couplant les registres metal et rock, notamment sur les plus soyeuses. De délicats arpèges au piano agrègent une guitare fluide sur la ballade progressive "
King of Thieves". A l'instar de
Lyriel, l'embrasement s'effectue en douceur le long d'une ligne mélodique sans failles. Ainsi, les couplets comme les refrains ne laissent pas nos émotions s'en aller tant la voix aérienne de la chanteuse nous enveloppe chaleureusement. L'exercice est réitéré sur le fondant "Heather". A la différence près que la voix angélique de l'interprète trouve son homologue masculin lors d'un duo plutôt réussi. Et, cette fois, le violoncelle se conjugue avec délice au piano au fil de cette autre ballade progressive, conférant une teneur folk à l'ensemble. La progressivité de l'orchestration n'enlève rien à l'onctuosité des refrains et des couplets, comme on pourrait l'observer chez
Arven. Mieux, elle la sublime! Dans cette logique instrumentale s'inscrit à son tour l'orientalisant "The
Morrigan". Muni du même violoncelle, celui-ci regorge de subtiles variations et de suaves nuances au sein d'une opulente orchestration. Ces moments feutrés émanant d'une musique judicieusement composée nous encensent, nous captivent et donc rarement ne nous lâchent.
Par ailleurs, lorsque la rythmique se fait plus roborative, le combo ne se montre pas maladroit, loin s'en faut. Ainsi, les riffs rugueux du massif "At Least You Tried" nous entraînent dans des chemins de traverse bien invitants. Ici aussi, les refrains font mouche et l'interprète nous enchante une fois de plus, et ce, avec de belles modularités tout en couplant harmonieusement clarté et puissance. De plus, un solo de guitare vient enrichir de sa touche experte ce morceau typiquement metal symphonique. Dans cette mouture, le syncopé "Open
Eyes" distille ses riffs acérés sur un folk metal à la fois immersif et incisif, d'obédience orientale, dans l'esprit d'un
Xandria première mouture. Bref, on ne rencontre pas non plus de problème d'adhérence auditive sur ces pistes.
Sinon, l'effet de surp
Rise est habilement cultivé sur d'autres titres. Ainsi, certains morceaux ont misé sur des oscillations rythmiques non convenues pour stimuler notre étonnement. Par exemple, l'entame de l'opus "
Hypnos" use de nombreuses variations dans un cadre progressif où se mêlent là encore un piano bien inspiré et un émoustillant violoncelle. De sa voix au relief affermi et au fin vibrato, la diva, pour sa part, nous embarque dans des refrains mélodieux à souhait. Un break inattendu s'invite également avant de céder le pas à une rep
Rise tout aussi étonnante de vivacité. D'autres morceaux surprennent par leur énigmatique atmosphère, comme l'orientalisant "
Insomnia". Sur une rythmique pop et au fil des suites de notes d'un violoncelle habité, la voix cristalline un poil autoritaire de la muse se fait entendre. Dans un registre plus inspiré du metal mélodique, "I'm Not Alone" nous octroie des couplets incisifs et des refrains sulfureux, ici également corroborés par un allègre violoncelle. Toutefois, le chemin mélodique se fait déconcertant, tout comme pour son voisin "Strength of the
Endless", morceau puissant rythmiquement, aux riffs griffus, au solo de guitare pourtant affriolant et au timbre vocal calé dans les médiums. Aussi, l'adhésion sur ces deux dernières pistes est-elle moins naturelle que sur les deux premières.
Enfin, les émotions n'ont pas été laissées en rade, même sur des titres plus en retrait. Ainsi, les riffs s'arrondissent, les inflexions vocales s'avèrent des plus harmonieuses sur le profond "
Mercy on This Wounded
Heart". On reste suspendu aux lèvres de l'interprète qui, à la façon de
Lyriel, nous convie à un bain vocal aux doux remous. Cependant, l'architecture du morceau est plutôt classique et l'exercice s'avère au final assez convenu. De même pour l'outro "Maddy", jolie ballade emplie de subtilités harmoniques. Mais, l'originalité n'a pas effleuré cette piste qui, au final, demeure sans réelle platitude mais sans effluves non plus.
On ressort de cet album avec l'agréable sensation de découvrir un travail de studio soigné, des enchaînements convaincants, une belle technicité instrumentale et une cohésion groupale soucieuse d'un parfait équilibre entre voix et orchestration. Une maturité qu'on espérait à demi-mot participe assurément à la construction de cette production. Pour ceux qui connaissaient déjà le groupe, ils apprécieront à nouveau les radieuses impulsions vocales de Judith. Au-delà de ces observations, ce troisième millésime représente une synthèse des deux premiers opus, conciliant les arpèges et mélodies du premier album et les rivages plus démontés et un tantinet plus complexes du second. C'est dire que le groupe reste fidèle à ses traits de caractère musicaux.
Toutefois, cette constance de style peut receler un manque de p
Rise de risques qui aurait notamment empêché de dévalo
Riser les deux dernières pistes du disque. De plus, quelques lignes mélodiques un peu mieux ciselées encore auraient permis à cette oeuvre de se hisser parmi les meilleures du genre. L'adjonction d'une chorale aurait pu également participer de la construction de ce projet pour en densifier le contenu. Enfin, un poil plus d'allonge concernant le nombre de pistes aurait contribué à nous convaincre encore davantage des objectifs d'évolution du groupe.
En clair, on est livré à une synthèse de bonne facture mais qui, outre quelques notes patinées supplémentaires, n'offre pas encore un propos novateur. L'évolution du combo est en marche certes, mais il devra être en mesure de densifier davantage ses compositions, de surprendre encore pour ne pas rester en retrait de la scène metal symphonique par rapport à ses homologues.
Cet album conviendra aux amateurs de metal et rock folk symphonique à chant féminin. Comme dit, les fans du groupe y retrouveront les arcanes des deux premières moutures version 2014. Par ses ouvertures et l'accessibilité de ses compositions, on comprend que le groupe cherche désormais à s'installer sur la scène et à s'inscrire durablement dans les esprits. Il en a clairement le potentiel et le projet. Bref, un groupe qui mérite assurément de sortir de l'ombre.
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