Liste des groupes Metal Symphonique Kingfisher Sky Hallway of Dreams

Cette oeuvre initiale, à la fois ample et subtile, a joué la carte de la séduction, aussi bien sur le plan vocal qu'acoustique. Toutefois, en plein coeur d'une forêt amazonienne de groupes de métal à chant féminin, tenter de se frayer un chemin alternatif s'apparente à un véritable parcours du combattant! Autant dire que le pari était osé pour cette toute fraîche formation néerlandaise de métal symphonique! Néanmoins, l'essai a bel et bien été transformé! Il est difficile, en effet, de résister au doux appel de la sirène Judith Rijnveld qui, de sa voix cristalline, a cette rare capacité de faire vaciller bien des âmes rétives! C'est avec son compère, le batteur Ivar de Graaf (ex-Within Temptation), que la jeune diva compose et écrit ses textes à l'écriture sensible et au ton juste. De plus, ce jeune partenariat artistique s'inscrit dans un groupe témoignant à la fois d'une impressionnante orchestration et de talentueux solistes.

Au moment de la sortie de cet opus, d'autres groupes officiaient en maîtres incontestés sur le terrain fort convoité du métal symphonique à chant féminin. Ceux-ci constituaient alors une source d'inspiration privilégiée pour le combo. Ce regard pluriel lui a précisément permis de se forger une identité propre.

D'un point de vue atmosphérique, on est à la croisée des chemins entre l'empreinte typiquement symphonique de Within Temptation, la rythmique lourde et mesurée de Stream of Passion et la progressivité orchestrale du groupe Autumn. On peut parallèlement observer que la voix de Judith se cale entre la chaleur du timbre et les variations du champ vocal de Marcela Bovio (Stream of Passion), d'une part, et la pureté du grain de voix de Marjan Welman (Autumn), de l'autre. On y décèle même une touche d'orientalisme calfeutrée au fond de quelques refrains essaimés çà et là. Parfois, les montées dans les médiums dépassent celles des modèles identificatoires! Ainsi, le décor de la scène artistique du groupe est planté! Qu'en est-il, au juste, des aspects stylistiques et techniques?

Ce qui frappe, en premier lieu, c'est que le fil conducteur de l'album est cristallisé par l'omniprésence des variations vocales de la diva. C'est ainsi que Judith insuffle à l'oeuvre d'indéniables qualités mélodiques. C'est précisément sur cette ligne de fond que se place, le plus souvent, la rythmique pour monter en puissance au fil des morceaux. La savoureuse alliance entre les instruments et la voix nous plonge alors dans un univers onirique peuplé d'alléchantes chimères.

Sur le plan technique, plus de la moitié des titres appelle de ses voeux une orchestration à la rythmique progressive. Dans ce dessein, on retiendra notamment le titre éponyme de l'album "Hallway of Dreams", éminemment mélodieux et sublimé par la voix angélique de l'interprète. Démarrant en douceur, ce titre monte progressivement en puissance jusqu'à parvenir à une rapide accélération du rythme, que vient rompre une brève cassure, pour repartir de plus belle. Sur ce modèle, "Balance of Power" convainc à la fois par ses refrains addictifs et le timbre de voix plus en profondeur de Judith. Sur une introduction d'influence blues, "Through My Eyes" emporte rapidement l'adhésion en ce que les parties mélodiques, rythmiques, orchestrales et vocales sont en parfaite symbiose. L'énergie est tout aussi bien dosée sur le titre "Seven Feet", celui-ci nous gratifiant en prime d'un subtil solo de guitare en fin de piste.

Sur le plan stylistique, l'album joue sur les contrastes, distillant des titres aux registres variés. En effet, outre les titres de métal symphonique pur, d'autres morceaux sont d'inspiration pop/rock. Parmi ces derniers, j'ai notamment été interpelé par le morceau "Her White Dress". Il s'agit d'une ballade à la rythmique pop et délicatement progressive, où le grain de voix de Judith fait merveille autant que les variations qu'elle imprime à ses refrains. Sur un ton tout aussi enjoué, avec quelques modulations vocales d'inspiration orientale, elle nous propose un doux et pénétrant "The Craving" en guise d'introduction à l'opus. Dans cette lignée, "November" est une autre ballade, tout aussi addictive bien que sobre dans ses couplets, sur fond d'orchestration symphonique délicatement déployée, avec un joli solo de guitare à la clé. C'est dans cette même mouvance qu'a été composé l'énigmatique et non moins splendide "Brody". Ici, l'orchestration évolue vers plus d'emphase et la voix monte plus haut encore dans les cieux, jusqu'à tutoyer les étoiles.

Quant aux titres restants, ceux-ci sont loin de m'avoir laissé indifférent. Simplement, ils me sont apparus moins significatifs de par leurs qualités acoustiques, harmoniques et textuelles au regard du niveau de composition de ceux ci-dessus. Il leur manque peut-être ce petit supplément d'âme qui les aurait rendus plus prégnants.

Il en ressort que cette première production témoigne de qualités techniques indéniables et surtout d'aptitudes vocales de l'interprète dignes de celles des meilleures chanteuses de métal symphonique. On comprend qu'une fois les terres musicales du combo pénétrées, il s'avère moins aisé de les quitter! Sans même s'en rendre compte, on parcourt les onze titres de l'oeuvre d'une traite et on se surprend à observer que c'est déjà la fin. On a alors l'irrésistible envie de remettre le couvert!

Je conseille cet album à tous les amateurs de métal symphonique à chant féminin, notamment à ceux qui sont sensibles aux qualités harmoniques, vocales, techniques, orchestrales et textuelles inhérentes à l'opus d'un groupe. Or, ces cinq critères d'appréciation me paraissent avoir été atteints par cet album. Nul doute que l'auditoire, encore discret, devrait pouvoir s'étoffer. Du moins, ce premier opus me semble susceptible de toucher tous ceux qui sont prêts à se laisser emporter par la magie du chant de l'une des déesses du métal!