Pour être tout à fait franc, mon dernier réel lien affectif avec les Suédois d’
Entombed reste le fameux
Wolverine Blues, c’est tout dire. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, la bande à Petrov a connu des années mouvementées, des changements de line-up intempestifs aux orientations artistiques incertaines, ce qui a conduit à une défiance quasi systématique de ma part vis-à-vis de tous leurs efforts depuis quinze ans. Peut-être ai-je raté des chefs d’oeuvre, mais on m’aurait prévenu...
Serpent Saints m’étant tombé dans les pattes un peu par hasard, et les deux minutes de zapping audio habituelles ayant légèrement fait vaciller mes certitudes, cette fois-ci je suis allé plus loin. Voilà pour ce petit aparté introductif, qui expliquera peut-être une chronique un poil décalée, genre Hibernatus du death Suédois première période qui se réveille en 2007...
Serpent Saints est constitué d’une première période d’environ trente secondes, pendant laquelle on s’inquiète de cette introduction au piano, certes dépressive, mais tout de même. Les trentes secondes suivantes rassurent une première fois : les guitares sont toujours là, même si pour le moment il ne s’agit que d’un bruit de fond. Et puis, cette première minute passée, on entre dans le troisième volet de l’album, qui dure jusqu’au bout. Et cette entrée en matière, cette seconde furtive et jouissive, où un son de guitare pavlovien vous fait hurler « mais c’est du
Entombed ! » sans que vous ayez pû préméditer un seul instant l’exclamation spontanée. Et oui, ce riff abrasif, hargneux et tellement rock n’roll, qui déboule là plein pot, vite rattrapé par une rythmique pas en reste et la rage de LG Petrov, qui n’a pas vieilli pour deux sous : ce premier morceau m’immerge immédiatement dans l’univers que j’avais quitté sur
Wolverine Blues. Tout au plus on notera le thème initial, lent et joliment sombre, qui vient casser avec justesse la linéarité de la machine lancée plein fers.
Masters Of Death reprend la même recette, de celles qui font la réputation de la cuisine de grand-mère, où les goûts reviennent à l’envi faire ressurgir les doux souvenirs de l’enfance. En l’occurence le bon vieux death n’roll (marque déposée) des Suédois est resservi sur un plateau. Un poil plus « punk » dans l’esprit, mais sacrément death vu le niveau de colère déployée : même les blasts s’invitent à table, ce qui est à noter.
Quitte à user de tous les clichés les plus éculés,
Entombed ne se prive surtout pas quand il fait sonner la cloche du glas en intro de
Amok, plus lent et déhanché, mais que je trouve personnellement un peu anémique, et sur lequel la voix de Petrov prend un peu trop les devants, notamment sur la rythmique basse / batterie un peu trop effacée sur un morceau qui aurait plus besoin d’impact. Passable donc.
Thy
Kingdom Coma propose une facette légèrement différente de
Serpent Saints. Usant de la sempiternelle batterie au tempo vitesse de croisière, le jeu de guitare est plus roulant, avec des riffs plus complexes et moins punk. Même esprit, avec plus de brio cette fois, sur l’excellent
When in Sodom, que l’on avait déjà découvert sur le maxi du même nom l’an dernier. Le morceau s’articule sur une construction plus complexe, avec trois thèmes s’enchaînant parfaitement, entre refrain grandiose et assez glauque (et suggestif…), s’appuyant sur des choeurs féminins du plus bel effet, et couplets très catchy avec ces accélérations au coup de patte reconnaissable, et quelques notes de piano en conclusion.
Tempo ralenti, mais atmosphère toujours plus glauque sur In The
Blood...c’est simple, austère, mais assez efficace. Surtout, au bout de sixième titre, on commence vraiment à ressentir la belle homogénéité artistique du disque, avec son univers malsain, noir et poisseux au possible. Quand ce type d’immersion commence à prendre le pas sur l’appréciation purement technique, que l’auditeur commence à subir, c’est tout de même bon signe.
Ceci dit, les titres suivants sont globalement d’un niveau inférieur, entre
Ministry qui s’éparpille dans des méandres trop complexes pour
Entombed (enchaînement de passages conférant au black et d’envolées très rock, le tout trop hâché), et le dispensable
The Dead, The
Dying And The
Dying To Be
Dead, ou le death n’roll peut prendre des allures de...rock n’death pas très réjouissant. Quant à
Warfare et Cie, plutôt pataud aux entournures, il se tire d’affaire par un coup de boost intermédiaire qui ne colle pas non plus au siège.
Enfin la conclusion de l’album se fait sur un titre instrumental qui n’est pas sans rappeler (sans s’inspirer ?) des atmosphères maléfiques chères à bon nombre de groupes de black metal voire à
Celtic Frost, histoire de peindre une nouvelle fois cet album d’une couche malsaine qui est mise en avant avec beaucoup d’abnégation. Même si les ficelles sont parfois un peu grosses, la teinte sombre globale de l’album est cohérente.
En résumé, du bon avec le retour d’un certain savoir-faire pour pondre des morceaux rêches et percutants , comme
Entombed a su le faire il y a quelques années, et avec une démarche artistique cherchant clairement à instaurer une atmosphère très noire, dont le souffle glacial n’est pas sans rappeler les premiers méfaits cultissimes des Suédois.
Et puis du moins bon, quand insidieusement, au fil d’écoutes successives, survient l’impression du trop entendu, avec des titres parfois trop linéaires et certains riffs éculés et peu transcendants. Et hélas, trop rapidement on se met à guetter les quelques excellents passages au milieu de morceaux qui se révèlent pour quelques uns sans grande saveur. Les vibrations du vieux
Entombed paraissent quand même bien loin.
Etre et avoir été, voilà l’éternel problème des groupes légendaires qui pour la plupart courent après leur faste passé en vain...je crains qu’
Entombed soit définitivement de ceux-là, et c’est particulièrement injuste et cruel au regard des progrès affichés et de la qualité de
Serpent Saints, qui est fondamentalement un bon disque. Mais c’est ainsi…
Effectivement, (trop) souvent Entombed brasse du vide ; c'est à dire que ce n'est pas du mauvais mais on ne frissonne plus et rien ne reste vraiment dans le crâne.
Quant aux chefs-d'œuvres que tu aurais loupé depuis Wolverine Blues, il y a le To Ride... et Uprising.
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