Un nouveau
Scorpions en 2022 ? De la part d'un groupe qui avait promis d'arrêter il y a pas mal d'années, et qui a menti, pas forcément pour produire des merveilles. Un groupe vieillissant dont les dernières prestations scéniques du chanteur mythique tenaient du naufrage. Il fait partie de la petite dizaine de formations qui ont formé mon oreille
Metal, alors faut bien s'y coller, par respect, mais sans aucune attente.
C'est un gros avantage que d'imaginer le pire. S'il s'avère, on peut toujours balancer un gros « je vous l'avais bien dit ». Et dans le cas inverse, ah, ben on biche : «
Rock Believer » est une réussite inattendue, chargée de tonus, de hargne, de sensibilité et de passion. Il reste encore du venin dans le dard de l'arthropode. Derrière une pochette franchement moche,
Scorpions nous livre un album fort sympathique et pour tout dire, inespéré.
Réglons d'emblée le cas de l'indispensable ballade. Permettez-moi d'évoquer une anecdote personnelle. Quand j'étais tout petit, je me suis bâfré comme un chancre de crêpes parfumées à la fleur d'oranger. J'en tirai une grosse indigestion qui n'est pas restée sans séquelle : je mange toujours des crêpes mais un simple atome de fleur d'oranger me soulève des haut-le-cœur, j'irai jamais en Andalousie au printemps. Après l'infernal battage médiatique autour de
Still Loving You, c'est un peu la même chose avec les ballades de
Scorpions, je leur trouve toujours un relent de fleur d'oranger...
Il m'a donc fallu lutter contre mes préventions pour évaluer When you Know (where you Come from), ce qu'il faut pas faire pour chroniquer ! Eh bien soyons honnête, je n'ai presque pas été incommodé par les funestes fragrances du bel agrumier. Déjà, ce n'est pas une chanson d'amour mais une ode à l'accomplissement personnel. L'affaire est menée sans mièvrerie excessive, avec une certaine concision qui évite lassitude et déperdition d'énergie. Contrat rempli pour les Scorp', sans être mémorable, le titre est honnête et satisfera le fan transi.
Restons dans les low et mid tempi de l'album. Le bluesy Call of the
Wild ne manque pas d'attrait et de chatoyance, il entretient une certaine tension mais reste un poil décevant, notamment sur les whou whou de la fin qui viennent l'affadir. Un
Rock Believer bien scandé, plein de sincérité est d'une toute autre trempe. Le véritable appel au peuple du refrain fait mouche, les entrelacs du rythme et de la voix captivent et le bref solo prend aux tripes.
Avec sa légère touche Reggae rappelant Is there Anybody there, le lancinant
Shining of your Soul plein de douceur émolliente offre peut-être la meilleure prestation vocale du disque. On s'éloigne du
Hard pour friser la Pop sur le break, mais le titre voit aussi la première véritable apparition solo de Jabs. Vraiment bon. Avec le suivant,
Seventh Sun, on entre le lourd, le très lourd. Ce n'est certes pas
The Zoo, mais on y pense irrésistiblement. Entre la menaçante charge rythmique et le chant tout de légèreté, le contraste est fort. J'ai beau être un peu blasé, ce titre m'a vraiment emporté.
Quand on y réfléchit, l'album est remarquablement agencé, fonctionnant par séries de trois morceaux homogènes à l'intensité croissante. On l'a vu pour
Rock Believer /
Shining of your Soul /
Seventh Sun. On a la même chose pour les titres introductifs qui fonctionnent comme un véritable appât à fan.
Plein d'allant, Gas in the
Tank fait figure de savoureux apéritif, il est chaleureux, ressemble à un
Scorpions jusqu'à la caricature ; on se prend à taper du pied sans le vouloir, c'est bon signe. Roots in my Boots ne déçoit pas, ça s'énerve fort, on apprécie la prestation sensible de Meine appuyé par un rythme bellement heurté et de jolies (mais trop courtes) envolées de Jabs. Avec le rugueux Knock'em
Dead, on fait plus que titiller les bons souvenirs. On est en plein dans le
Hard soigné du vieux Scorp', on a déjà entendu ça, bien sûr, mais c'est tellement bien foutu que ça passe crème et qu'on en redemande.
Et un peu plus loin, on a une troisième triplette chargée de fougue, au crescendo moins marqué parce que j'en préfère le morceau central mais qui n'est pas pour autant piquée des vers. Le gros Rock bien asséné de Hot and
Cold est composé, une fois n'est pas coutume, par Matthias Jabs. Son déroulé puissant aux césures bien marquées n'emporteront pas la palme de l'originalité, ce qui n'est pas bien grave tant la conviction de l'auditeur est emportée par sa dynamique pêchue et accrocheuse. Tout ceci, certes très bon, se voit balayé par le Rock'n Roll furibond de When I Lay my
Bones to Rest, à mon sens le meilleur titre de l'album : on bouge irrésistiblement, on headbangue, on ne tient pas en place, on vibre sur le (toujours trop court) solo de Jabs, les trois minutes passent trop vite et on voudrait le repasser. On n'a pas le temps, la télécommande est comme d'hab trop loin, et
Peacemaker embraye sur un rythme moins heurté, plus fluide, mais presque aussi rapide. Même si on est loin d'un
Dynamite, on n'est pas déçu du voyage : ça déménage, youpi !
Donc, au final, chapeau bas et merci aux aïeux. Cette imprévue résurgence de l'ancien volcan fait plaisir à entendre.
Scorpions est un animal bien armé pour faire des piqûres de rappel et celle-là vous fera moins de mal qu'une énième injection anti-Covid. «
Rock Believer » a un côté jubilatoire qui tient à son inattendue qualité (oui, je suis un homme de peu de foi, pardonne-moi
Satan). Après, je ne garantis pas que dans 3-4 ans, lorsqu'il me prendra l'envie de m'écouter un
Scorpions, ce sera ce disque qui occupera ma platine : peu importe, jouissons du présent (carpe diem, c'est à la mode chez les vieux groupes) et profitons sans retenue de ce nouveau feu d'artifice allumé par d'illustres pionniers de notre belle musique de malade.
Scorpions restera à tout jamais un des meilleurs groupes de Hard Rock légendaire.
La voix de Klaus Meine n'a pratiquement pas pris une ride depuis 51 ans.
Quel talent! Mes respects messieurs.
Scorpions - The Language Of My Heart (French Bonus Track) inédit issue de l'album: Rock Believer (2022).
Lien YouTube: https://youtu.be/NnEBs1vKk4A
C'est propre, c'est professionnel et c'est finalement très très bon. On sent qu'ils se sont fait plaisir et qu'ils ne veulent pas décevoir leur public. Voilà donc un retour gagnant au même titre que le dernier AC\DC et le dernier Saxon.
Un très bon album pour ma part qui ramène inéluctablement aux premières bombes du groupe. (In Trance/ Virgin Killer / Taken By Force et Blackout entre autres mes deux favoris). Quelle surprise de retrouver un Klaus Meine vocalement toujours au top malgré son âge. C'est un plaisir de retrouver ce scorpion si tranchant et éfficace avec des morceaux toujours efficaces et racés.
Comme dit plus haut, retour plus que gagnant.
L'édition deluxe est également recommandé.
Pour ceux qui ne connaissent pas, voici le bonus anglais
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