L’histoire du black métal a toujours été mouvementée, pleine de rebondissements ! Tragédie il y a eu avec l’assassinat de Øystein "Euronymous" Aarseth par Varg Vikernes, le multi-instrumentiste sataniste puis paganiste (et définitivement intolérant, dirais-je) de
Burzum. Un fait divers qui inspirera le célèbre « The Day
Burzum Killed
Mayhem » de l’historien beumeux
Nargaroth en
1994, soit un an après le meurtre. Gloire et puis crépuscule du black old-school norvégien de
Carpathian Forest,
Darkthrone,
Mayhem,
Tsjuder et consort. Mélancolie de l’heure de gloire du black satanique grâce aux talentueux
1349 et
Satanic Warmaster et enfin :
La déception d’abord ; à cause des deux bouffonneries de
Satyricon baptisées « Now,
Diabolical » et « The Age of Nero » (ils ont ainsi perdu toute la crédibilité acquise grâce au trio d’albums
Dark Mediaval Times/The
Shadowthrone/
Nemesis Divina)
La fin d’une époque ensuite avec le split de
Krieg, légendaire groupe américain auteur du mémorable «
The Black House » et du très bon « Blue
Miasma ».
Que reste-t-il du black métal aujourd’hui à part les gars d’
Endstille et leur black guerrier jubilatoire ou
Hypothermia et leur DSBM désespérément beau ? La promesse d’un avenir radieux, je pense, avec la naissance d’un black moderne dont les instigateurs sont les furies nippones de
Gallhammer (Fenriz de
Darkthrone a applaudi leur existence) et les suédois de
Lifelover…
L’artwork du cover et de la jaquette de «
Pulver » est à la fois magnifique et déviante. Cette jeune femme complètement nue et recouverte de sang intrigue…un dépucelage ayant mal tourné ? Un viol ? Ou bien un accouchement à la belle étoile ? Nous ne le saurons probablement jamais et c’est tant mieux ainsi…
Le contraste est intéressant entre les compositions rapides, mélodiques et épurées (sans être ascètes) de la plupart des chansons de «
Pulver » (
Nortt prend un coup d’vieux !) et les vocaux décalés et débridés des gars de
Lifelover (dont l’un des membres au nom improbable fait partie du line-up d’Hypotermia et de
Life Is Pain notamment). Ces mecs prennent systématiquement les codes du black doom à rebrousse-poil ; « Nackskott » en est le parfait exemple parce que si les couplets reste dans les standards du black doom (la vitesse en plus !), le growl dark intronisant des riffs de guitares plus corsés donnent une fausse impression de radicalisation sonore. Ceci permet de nuancer la compo rock (un rock bien sur sulfureux, hors des limites et règles établies) ; Un rock mélo-masochiste ! Ce « Nackskott » profite donc d’un refrain faussement extréme ; sachant que c’est la fusion entre les chants criards et maladifs (pas autant que ceux du leader de
Totalselfhatred quand même) et les instrus d’un rock glauque et harmonique ; qui crée cette sensation de black extrême (pour ma part, c’est plutôt du black métal malsain mais bon !)
« M/S Salmonella » jouit, tout comme « Vardagsnytt », de vocaux dérangés et ubuesques. Les notes de piano du premier nous induisent en erreur tandis que le tempo rock-n-roll du second nous fait perdre nos repères de black métalleux. Et nous fait hocher de la tête en rythme ! Avez-vous déjà hoché de la tête en cadence en écoutant
Xasthur,
Gallhammer ou
Shining, vous ? (à part si vous avez, disons, un grain, une araignée au plafond)
Lifelover, dès les premiers morceaux, se révèle innovant, accessible à ceux non-réceptifs au black doom et avant-gardiste et foutrement dansant sans pour autant imiter le black disco des playmates de
Satyricon. Nous voici témoins de la naissance du black-n-roll, style irrésistible dont les initiatrices sont les furibardes gémisseuses du groupe japonais
Gallhammer avec « Gloomy Lights » sortit un an plus tôt. Les demoiselles ont un style moins barré (quoique…) mais tout de même aussi novateur que celui de
Lifelover.
« Mitt Öppna Ögga » est ouvert par des riffs de grattes classiques et classieux, presque similaires à ceux de la première piste de «
Pulver ». Sauf que cette chanson semble (je dis bien semble, car je ne parle pas suédois) plus sombre et obscène. Des samples bizarres et érotiques (ceux d’un acte sexuel probablement) arrivent à l’improviste dans le morceau, comme d’indélicats invités polissons (hum hum). Le narrateur en chef se met à nous raconter je-ne-sais-quoi en se marrant, un jeu de guitare plus distinctif l’accompagne dans son délire masturbatoire. Ca sonne comme un refrain unique et lorsqu’il nous narre son récit lascif plus loin, on ne sait même plus s’il en rie ou en pleure…surement les deux !
Dans « Söndag », on a le droit à une composition limite hard rock, la première guitare lâche un riff suraigu en total désaccord avec le tryptique gratte rythmique/percussions/tambours, mais dominant les débats…et puis les deux guitares s’accouplent pour porter un des brailleurs adjoints et son chant délicieusement déphasé…
Entre « Avbrott
Sex », première interlude matinée de dark ambiant, et « Medecinnmannen », comptine savoureusement sinistre, se niche l’excellent « Stockholm » et son intro piano-guitare acoustique de bon ton. Les vocaux plaintifs de ces foutus névrosés se baladent allégrement sur le discret set de batterie et la partition progressive des 6-cordes…une insigne doublette pour un morceau se révélant être une vraie perle.
Loin de glorifier la souffrance puisqu’ils s’en plaignent, très loin de vanter les mérites du désespoir sachant qu’ils lui préfèrent les plaisirs de la chair ; même au travers de fantasmes névrotiques ; et à mille lieues de l’envie suicidaire vu que ces mecs forment un groupe de psychotiques dans lequel régnent insatisfaction sexuelle et désir de vivre cette chienne de vie pour mieux s’en plaindre et en souffrir,
Lifelover renouvelle le genre du black doom en lui redonnant un peu de vie. «
Pulver » nous recouvre d’une atmosphère ambigue et sordide, où les frustrations vicieuses et chimères perverses des membres du groupe nous affectent, nous infectent même ! Voila à quoi ressemble du black doom auquel on a insufflé la vie plutôt que la mort, la souffrance plutôt que la contemplation passive. Et dire qu’ils ont fait mieux dans «
Konkurs »…
Métalleux pour la vie/Beumeux jusqu’à la mort
Bj
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire