Poets and Madmen

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17/20
Nom du groupe Savatage
Nom de l'album Poets and Madmen
Type Album
Date de parution 03 Avril 2001
Labels Nuclear Blast
Style MusicalHeavy Progressif
Membres possèdant cet album187

Tracklist

1.
 Stay with Me a While
 05:06
2.
 There in the Silence
 04:57
3.
 Commissar
 05:36
4.
 I Seek Power
 06:03
5.
 Drive
 03:16
6.
 Morphine Child
 10:12
7.
 The Rumor
 05:16
8.
 Man in the Mirror
 05:55
9.
 Surrender
 06:40
10.
 Awaken
 03:23
11.
 Back to Reason
 06:10

Bonus
12.
 Jesus Saves (Live)
 
13.
 Handful of Rain (CD Extra Videoclip)
 

Durée totale : 01:02:34

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Savatage


Chronique @ vincesnake

14 Juin 2022

Il est parfois utile de jeter un œil dans le rétro afin de mener à bien sa destination.

Si vous suivez de près leur carrière, vous savez pertinemment à quel point les américains de Savatage sont abonnés aux coups du sort. Des aléas inhérents à la vie de groupe jusqu’aux pires tragédies, les épreuves jalonnent leur trajectoire. Si « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » est l’adage qui leur correspond, il faut bien admettre que la perspective d’un come-back ne semble plus à l’ordre du jour. Pourtant le concert au Wacken en 2015, qui survenait après une longue mise en sommeil, augurait du meilleur pour la suite et c’est bien dommage qu’une véritable reformation ne se soit pas concrétisée. N’oublions pas que leur dernier effort studio « Poets and Madmen » (qui date de 2001), avait déjà été conçu dans des circonstances chaotiques. Cet album avait le mérite de remettre en selle un groupe en rupture avec son chanteur et un de ses guitaristes. Mais, Jon Oliva, Johnny Lee Middleton, Chris Caffery et Jeff Plate ne sont pas du genre à se laisser abattre. Au contraire, ils ont fait preuve de résilience en rebondissant avec un 11ème brulot digne de ce que l’on était en droit d’espérer d’eux.

En attendant le réveil du Phœnix, voici un résumé de leur carrière, du moins depuis la sortie de leur premier album « Sirens » (1983) jusqu’à la création de « Poets and Madmen » (2001) et dernier album à ce jour. On peut, d’ailleurs, distinguer 2 époques :

- De 1983 à 1991 : Où le groupe, emmené par les frères Oliva (Jon au Chant / Claviers et Criss à la Guitare), pratiquait un Heavy Metal de plus en plus sophistiqué au gré des sorties : « Sirens » (1983), « Power of the Night » (1985), en passant par « Hall of the Mountain King » (qui marque le début de leur collaboration avec Paul O’ Neil, 1987) et « Gutter Ballet » (1989) jusqu’à l’ambitieux « Street : A Rock Opera » (1991) sont autant de moments forts inscrits depuis dans la légende.

- De 1993 à 1997 : Cette période est assombrie par le décès du guitariste Criss Oliva, victime d’un accident de la route en 1993. Ce drame marque le début d’une grande instabilité au niveau du line-up. En premier lieu : l’arrivée du chanteur Zak Steven pour remplacer Jon Oliva relégué aux claviers pour raison de santé (il participe, par contre, grandement à la composition) à partir de l’album « Edge of Thorns » (1993). Les arrivées successives des guitaristes Alex Skolnick (Après son départ de Testament) et Al Pitrelli (ex Alice Cooper, ex Asia). Le premier ne restera que pour l’album « Handful of Rain » (1994) et la tournée qui suivie (un concert de cette tournée « Japan Live 94 » est sortie simultanément en CD et Vidéo) tandis que le second intègrera la formation pour les 2 disques suivants : « Dead Winter Dead » (1995) et « The Wake of Magellan » (1997). Ajouter à cela le recrutement du guitariste Chris Caffery et le départ du batteur Steve Wacholz remplacé par Jeff Plate (ex Wicked Witch) en 1995.

L’entrée dans le nouveau millénaire les contraint à subir d’autres déconvenues, à savoir : le départ du mercenaire Al Pitrelli parti rejoindre Megadeth (il intervient tout-de-même en tant qu’invité sur « Poets and Madmen ») et du chanteur Zak Steven qui venait d’être papa et souhaitait, par conséquent, se consacrer à sa famille (il finira par fonder le groupe Circle II Circle). C’est dans ce contexte que l’on peut décrire comme « transitoire » que les membres restants se sont remis au travail afin de sortir le successeur de « The Wake of Magellan » (1997). Pour ce faire, ils vont revoir quelque peu leur méthode de composition. Sur ce dernier point, laissons le bassiste Johnny Lee Middleton nous l’expliquer:

« Nos deux précédents albums racontaient une véritable histoire, une sorte de clef de voûte à partir de laquelle nous avions composés la musique qui s’appuyait dessus. D’où l’omniprésence des claviers et le poids des arrangements ou des orchestrations. Nous avons fait l’inverse dans le cas du nouvel album. Nous avons d’abord composé la musique et nous avons ensuite élaboré tout le concept. C’est là que se situe toute la différence ». Johnny Lee Middleton dans le Metallian N°23 du 2ème trimestre 2001.

Il faut préciser qu’en dépit d’un mode de fonctionnement à l’ancienne, « Poets and Madmen » renoue encore une fois avec la tradition du concept album ; supervisé comme d’habitude par le producteur Paul O’ Neil. En tant que narrateur, le chanteur / claviériste Jon Oliva est bien placé pour nous en dire quelque chose. Laissons-lui la parole :

« Le personnage central est un photographe Kevin Carter, qui a pris un cliché d’une petite fille en train de mourir au bord de la route au Soudan (…). Le reporter a gagné le prix Pulitzer, mais il ne pouvait plus se débarrasser de cette vision qui l’obsédait. J’ai vu cette photo et croyez-moi, elle vous marque à jamais. Je comprends tout à fait que si j’avais été celui qui a pris ce cliché, j’aurais pu devenir aussi fou que lui. On a fini par le mettre dans un hôpital psychiatrique bien que dans la réalité il se soit suicidé. Paul (O’ Neil) s’est servi d’une histoire réelle pour imaginer que le photographe n’est pas mort mais qu’il se terre dans un asile. Trois types s’introduisent dans l’hôpital et trouvent d’abord les magazines avec cette photo avant de tomber sur la cellule où est enfermé le reporter. En fait on ne sait pas trop si c’est vraiment lui ou son fantôme ». Jon Oliva dans le Hard N’ Heavy N° 69 d’avril 2001.

Effectivement, il y a matière à raconter d’autant que l’histoire originelle est bien plus complexe qu’il n’y parait. Pour les curieux, le fait divers est relaté sur Wikipedia et vous trouverez également la photo qui en est à l’origine dans la pochette intérieure du CD. Ce qui est singulier, c’est cette capacité à adapter un sujet aussi fort en quelque chose de plus conforme à l’imaginaire du Metal et en l’occurrence de Savatage. Ils évitent, par la même occasion, de tomber dans le larmoyant en ouvrant le champ des possibles d’un univers fantastique. Sur cet aspect, le producteur Paul O’ Neil (décédé en 2017) jouait un rôle majeur dans l’orientation plus orchestrale et littéraire du groupe. Ce dernier était également le fondateur du Trans-Siberian Orchestra une formation très populaire aux USA et destinée à des représentations de « comédies musicales ». Sachant que Jon Oliva en est également le co-fondateur et que d’autres membres de Savatage s’y sont impliqués, il ne me semble pas erroné de penser que les deux formations se sont mutuellement influencées.

Entre nous, je ne pense pas que les albums « Dead Winter Dead » (1995) et « The Wake of Magellan » (1997) sont ce qu’ils ont fait de mieux. Bien sûr, ils sont extrêmement bien composés et comportent leurs lots de moments forts, mais, certains morceaux un peu en deçà, viennent diminuer leur efficacité. Je les trouve inégaux nonobstant d’évidentes qualités ce qui n’entame en rien leurs intérêts. « Poets and Madmen » quant à lui, rectifie le tir et propose un contenu aussi imposant tout en gardant cette fluidité qui faisait défaut à ses prédécesseurs. Ici, on retrouve le Savatage fougueux des jeunes années sans pour autant faire machine arrière. La puissance des rythmiques de « There In The Silence » ou les cavalcades speedés de « Drive » en sont le meilleur exemple. Mention spéciale au guitariste Chris Caffery qui s’en donne à cœur joie sur la partie solo en dévoilant une dextérité qui n’est pas exempte de feeling (flagrant sur le passage orchestral de « Man In The Mirror », notamment).

Pour son grand retour derrière le micro, Jon Oliva s’en sort avec les honneurs même si ses problèmes de cordes vocales ne lui permettent plus de chanter comme dans les années 80. Qu’à cela ne tienne, il compense sa problématique dans un registre éraillé qui participe, de surcroit, à l’orientation plus sombre et agressive du disque. On peut constater que sa voix n’a en rien perdu son caractère émotionnel, notamment, quand il intervient sur les passages introspectifs. Concernant ses aptitudes aux Claviers ? Et bien sachez qu’il se distingue comme un fin technicien et arrangeur de talent si toutefois il y avait besoin de le rappeler. On retrouve avec plaisir ce mariage réussi entre le piano et la guitare qui s’avère être une véritable marque de fabrique. D’ailleurs, pas mal de morceaux sont orientés dans ce sens comme « Stay With Me A While » et « I Seek Power » qui alternent couplets avec piano et refrains puissant appuyés par une guitare ravageuse. Son travail sur « Morphine Child » est à souligner tant il s’est surpassé pour cette pièce épique d’une dizaine de minutes qui se permet de tutoyer Queen avec ses arrangements sophistiqués, ses influences tirées de la musique classique et ses chœurs grandiloquents. Peut-être bien le joyau de la couronne !

Bien sûr, Savatage ne serait pas ce qu’il est sans une section rythmique en béton. A ce titre, si les guitares représentent le mur de briques, la basse en est le ciment qui le consolide. En bon ouvrier, Johnny Lee Middleton applique ses parties en se payant même parfois le luxe de couvrir la guitare façon mortier (comme sur le groovy « Awaken », par exemple). La hauteur conséquente de certains bâtiments nécessite une charpente assez solide pour être prête à survivre aux affres du temps. En bon charpentier, le batteur Jeff Plate parvient à agencer une structure aussi riche que complexe, par les nombreuses subtilités qu’offre son jeu. Écoutez ses attaques sur le refrain de « The Rumor » qui déboule sans crier gare surtout après ce couplet aéré par un enchevêtrement de cordes nylon, et vous comprendrez où je veux en venir ! Pour finir, je vous laisse admirer la peinture qui est l’œuvre du décorateur en chef Edgar Jerins à qui l’on doit également les visuels des 2 albums précédents. A propos, je veux bien que quelqu’un m’éclaire sur la photo de la femme qui est insérée dans le livret (un rapport avec le concept ?).

Vous l’aurez compris, les membres de Savatage ont réussi, malgré un contexte peu favorable, à sortir un disque que l’on peut situer dans le peloton de tête d’une discographie pourtant déjà bien garnie. Cet album est la preuve qu’il est parfois utile de jeter un œil dans le rétro afin de mener à bien sa destination. « Poets and Madmen » contient tout le potentiel d’un groupe qui s’est retrouvé dans son noyau dur pour composer un disque qui espérons-le ne restera pas sans suite (même si les récents « évènements » compromettent un peu cela). Tout cela me fait penser que si « c’est dans l’adversité qu’on reconnait ses amis », c’est bien dans la douleur qu’un artiste signe ses œuvres les plus puissantes.

P.S : Si vous êtes collectionneurs, sachez que « Poets and Madmen » est sorti en plusieurs versions :
- Une en CD simple (celle en ma possession).
- Un coffret avec 1 titre live + 1 Clip en bonus.
- Une version américaine contenant un titre inédit datant de l’album « Edge of Thorns » (avec Criss Oliva donc).
- Une version 2 Vinyles LP Picture Disc.


7 Commentaires

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Hibernatus - 21 Juin 2022:

Merci pour la chro. Merci pour ton enthousiasme pour Savatage, pour ta toujours intéressante récapitulation de l'histoire du groupe et pour l'analyse musicale et extra musicale.

Mais ça ne m'empêche pas d'être en désaccord. Je me le repasse en ce moment et il n'arrive pas à déclencher plus d'une demi-molle. Oh, c'est très bon, c'est du Savatage, après tout.. Il y manque juste un grain de folie que ne remplace pas une technique au top. A vrai dire, il n'y a guère que le début de Commissar que je trouve prenant, plus certains accents de Surrender, quelques autres... Mais bon, rien de mémorable au total.

Tout ça rejoint mon impression persistante de "The Wake of Magellan", un disque beaucoup écouté mais qui n'a jamais pu m'enthousiasmer. Par contre, celui que tu lui associes péjorativement, "Dead Winter Dead", est pour moi le dernier des grands Savatage, un ensemble finalement homogène en qualité sinon en style depuis le fascinant "Sirens".

Après, des goûts et des couleurs, hein...

 

Sperma_frost - 22 Juin 2022:

Pareil que Monsieur coin coin, le dernier bon Savatage à mes oreilles est également pour moi "Dead Winter Dead"...

 
Madness77 - 26 Juin 2022:

Merci pour la chronique ça permet à certains de faire sa connaissance car ce Poets and Madmen est tellement intense, riche en émotions et des morceaux mémorables. Mention spéciale à la superbe chanson Morphine child. Bref c'est du power/progressif de haut niveau. 18/20 pour moi.

LonelyRobot - 27 Janvier 2025:

Une grande et belle fresque qui, même 25 ans après sa publication, continue de m'émouvoir de la même manière. Tout y est pour moi magistral. Une oeuvre qui prends aux trippes, une partition d'une rare perfection, le tout sublimé par l'interprétation d'un Jon Oliva totalement habité et en état de grace. Du Metal épique sans avoir besoin d'en mettre plein la vue à grand coup d'orchestrations tarabiscotées et pompeuses à la sauce Classique. comme il est trop souvent de coutume de nos jours.

Une chronique qui rend véritablement justice à ce formidable album. Un grand Merci !

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