Un vent d'inspiration renouvelé en provenance des terres scandinaves vient caresser nos tympans à l'instar d'une onde magnétique insoupçonnée, emplie d'une zénitude communicative. Ainsi, c'est dans un registre metal atmosphérique gothique couplé à une touche folk et ambient que l'auteure, compositrice et cristalline interprète Annmari Thim (ex-
Arcana) nous dévoile ses gammes riches en nuances et ses arpèges intimistes. Et ce, à l'aune de ce premier album full length déployant neuf pistes pour un parcours auditif de trente-huit minutes, opus ayant été initialisé et laissé en stand by durant quelques années avant sa sortie effective chez le label indépendant français Prikosnovenie.
Si Annmari est à l'origine du concept de ce projet, la matérialisation de l'oeuvre a fait appel à un travail d'équipe témoignant d'une complémentarité et d'un sens de la coordination aigu ayant permis à cet opus une réalisation dans des conditions de production optimales. Pour ce faire, la belle a fait appel aux talents de compositeur du guitariste Cristian Ellingsen, sur de nombreux titres. Ont également participé : le batteur et percussionniste Mattias Borgh et surtout le claviériste, programmeur et arrangeur John Tyrell (Deepwater Productions), celui-ci ayant assuré le mastering et un mixage autorisant une lecture plus que satisfaisante de chaque partie, excluant de fait tout effet de compression. L'enregistrement n'a souffert que de rares carences et les finitions, de leur côté, ont témoigné de peu de notes parasites. Sans oublier les arrangements orchestraux, réalisés avec minutie, aptes à séduire plus d'un tympan rétif. Un certain confort auditif émane de ce travail rigoureux en studio, autorisant une écoute prolongée sans nuisances, ni obstacles pour un invitant voyage au pays des sens.
Dans l'ensemble, les parties techniques se veulent résolument accessibles, jouant sur les subtilités harmoniques et sur les effets de contrastes et de complémentarité instrumentale et vocale plutôt que sur une démonstration ostentatoire des capacités des musiciens. Une attention particulière aux textes est à constater, ceux-ci renvoyant avec habileté et finesse à un monde mystique, où évoluent des diables et des dieux au coude à coude. Sur le versant artistique, on appréciera également les deux pochettes proposées, témoignant chacune d'un artwork épuré d'inspiration gothique classique, où apparaît dans un décor lunaire une femme tout de rouge vêtue, semblant égarée dans cet espace dunaire apocalyptique. Aussi, accédons au ponton qui nous conduira au navire musical de l'oeuvre, afin de percevoir dans quel univers aquatique va être transporté l'auditeur.
C'est dans une ambiance atmsophérique gothique coulée dans une vasque ambient que se déploient quelques titres porteurs d'un message fort, incitatifs à l'adhésion. A commencer par « Ardent Lily ». Percutant mais au tempo contracté, ce titre d'inspiration atmosphérique gothique, jouant sur les nuances et une rythmique progressive, suit un cheminement mélodique immersif. La belle y grave précisément son timbre avec emphase sur chaque portée. Assistée d'un effet de réverbération, elle monte d'un cran la puissance de son vibrant organe en fin de parcours. Dans ce sillage, « The Charmer » apparaît. Une rythmique un poil syncopée et une guitare acoustique au délié alerte nous conduisent sur les traces de couplets finement ciselés. Une densité de l'espace sonore progresse sous le joug de percussions puissantes et plombantes ravissant le tympan. Et ce, au moment où la déesse, à la patine féline, tout en retenue, installe ses délectables impulsions, notamment sur les refrains, leur conférant dès lors une lumière sereine. Cet environnement musical intimiste témoigne d'une ligne mélodique aussi finement dessinée qu'envoûtante.
D'autres moments s'avèrent davantage axés sur une ambiance traditionnelle, avec une instrumentation réduite à son plus simple appareil. Dans cette veine, instant magique que « Daughter of Fortitude ». Pénétrante, d'inspiration folk, à la façon d'
Elane, cette onde vibratoire quasi orgasmique introduite par quelques jolis arpèges à la guitare acoustique, nous envahit progressivement pour ne plus nous lâcher d'un pouce. Une section rythmique au tempo contenu mais à la frappe percussive profonde corrobore harmonieusement le corps oratoire global. Les choeurs nous fouettent l'échine par leurs va-et-vient ondulatoires, parallèlement aux suaves inflexions, à mi-voix et volontairement monocordes, délivrées par la maîtresse de cérémonie. D'une rare intensité émotionnelle, au regard de ses jeux d'ombre et de lumière parfaitement maîtrisés, conférant l'impression d'une heureuse communion avec les éléments, cette plage remporte les suffrages, en dépit de sa construction linéaire. De son côté, «
Out Lilith » comporte également son lot de charge émotionnelle. Une ambiance orageuse sur fond de gouttes de pluie incessantes nous accueille sur une piste d'une profondeur de champ atmosphérique saisissante. La déesse nous enlace en douceur pour nous conduire sereinement sur des couplets magnifiquement mis en lumière par sa céleste et cristalline empreinte. Des percussions traditionnelles se font ouïr ainsi que quelques choeurs masculins, le long d'une rythmique finement tapissée, d'inspiration roots. On suit l'acte de bout en bout sans encombres, touché par la grâce de l'instant posé. Une conclusion à l'identique de l'entame, sur fond de clapotis de pluie percutant un sol détrempé clôt le chapitre. Une parenthèse pour évoquer l'entame de l'opus « Come Forth ». Des percussions émanant du ventre de la Terre se font aussi sentir sur ce bref instrumental d'inspiration folk, sous-tendues par un tapis synthétique soyeux, d'où se font entendre des voix basses insufflées par la belle. Dommage de ne pas avoir proposé davantage de substance instrumentale dans cette pièce qui aurait gagné à être prolongée. Enfin, on découvre un autre aspect de cette touche folk avec « The
Serpent and
Samael ». D'inspiration orientale, ce titre use d'une triangulation incluant tam tam et guitare sèche sur fond de nappes synthétiques feutrées. La rythmique ne suit pas un cheminement linéaire, lui préférant la diversification d'un jeu rondement mené. L'interprète s'infiltre dans tous les compartiments avec aisance et un poil de puissance, répondant à nombre de variations de tonalité. Enigmatique et pénétrant instant de félicité.
Le combo n'a pas omis d'inscrire quelques mots bleus dans son répertoire. Dans ce dessein, on ne manquera pas « Love Inflamed ». Sur cette jouissive ballade introspective, non sans rappeler
Angelzoom, de soyeux arpèges à la guitare acoustique suivent à la trace une interprète habitée par son sujet. Ici, celle-ci élargit son spectre vocal d'un demi-octave pour nous encenser de son délicat vibrato délivré dans les médiums, sur les fluides gammes contenues dans les couplets comme sur les ragoûtants refrains. De douces percussions s'immiscent dans ce paysage de notes aux variations bien amenées et d'une confondante profondeur, aptes à retenir plus d'une âme. Joli moment romantique, s'il en est. On retiendra encore le sensible « Crime of Passion », mêlant harmonieusement une guitare enjouée et une onde oratoire à fleur de peau. Enfin, sur « Senoy, Sansenoy, Semangelof », quelques doux accords à la guitare sèche et la seule voix, empreinte de mysticisme et de fines modularités, de la sirène, nous sont octroyés. Un poil linéaire, ce titre recèle néanmoins une fragilité susceptible de requérir l'adhésion de ceux qui auront consenti à prendre le temps nécessaire à son infiltration.
Résultat des courses. C'est sur un projet particulier, aux diverses influences stylistiques et quelque peu hors des sentiers habituels et bien balisée du genre, qu' Annmari nous convie désormais. Avec un brin d'authenticité dans ses gammes, une pointe de suavité dans les lignes de chant au regard de tracés mélodiques à la fois nuancés et recherchés, quelques accords loin d'être malhabiles, des arrangements de bonne facture, ce propos ne tarit pas de qualités. Original dans son concept, il n'en demeure pas moins saisissant dans ses harmonies au visage mordoré.
Etrangement, cette fois, c'est dénué de riffs que le groupe inscrit ses gammes mais sans omettre une densité percussive que d'aucuns auraient pu leur envier. Alors, est-on dans le metal ? Dans le rock ? En fait, on navigue en eaux rock'n'metal atmosphérique gothique que certaines oreilles, habituées au mélange des genres, pourront apprécier. Sachant que le combo embrasse le projet d'évoluer vers une empreinte plus metal symphonique gothique que rock mélodique atmosphérique, il a tenu à inclure quelques rythmiques inscrites, pour certaines, dans un metal atmosphérique gothique, déjà au sein de cette première offrande.
Quoiqu'il en soit, cette galette pourra rejoindre les aspirations d'un auditoire sensibilisé à ce registre musical singulier, l'accessibilité des lignes mélodiques aidant. C'est précisément à la croisée des chemins que nos acolytes ont concocté ces compositions, dans leur jus atmosphérique, pour pouvoir rallier un public élargi à leur cause. Sans demeurer l'album incontournable du genre, cet opus recèle néanmoins de savoureux moments aptes à éveiller d'authentiques plaisirs. A apprécier au fil des écoutes, la rondelle saura graver ses notes dans la mémoire de ceux qui auront pris le temps nécessaire à son assimilation. Quelques instants immergés au sein de ce bain instrumental aux doux remous et enjolivés par les charmes intarissables du filet de voix de la diva, nul doute que de nombreux pavillons seront alors aspirés par cette proposition artistique. Affaire à suivre, donc...
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