Après un quatrième opus aussi raffiné qu'intimiste dénommé «
Circles and Spheres », le combo suédois, comme il nous y a accoutumés, prendra le temps nécessaire au peaufinage de ses paroles et de ses compositions avant de réinvestir les studios. Aussi reviendra-t-il dans la course quelque trois années plus tard avec un cinquième élément du même acabit sous le bras répondant au nom de «
Amulets and Charms », signé, lui, chez le puissant label italien WormHoleDeath. Mixé par Léo Margarit et mastérisé, cette fois encore, par
Magnus Devo Andersson (Endarker Studio Sweden), l'album n'accuse pas l'once d'une sonorité résiduelle. S'écoulant sur une bande auditive de 39 minutes, les neuf proprettes pistes du nouvel arrivage permettront-elles à nos acolytes de rejoindre le cercle très fermé des valeurs de référence du metal atmosphérique gothique à chant féminin ?
A l'instar du précédent album, la chanteuse Annamri Thim Hermansson (ex-
Arcana) demeure l'auteure exclusive des paroles de la rondelle, tout en ayant à nouveau composé et arrangé chacun de ses titres avec le claviériste Fredrik Hermansson (ex-
Pain Of Salvation). De cette étroite collaboration émane un propos dans la lignée stylistique de son devancier. Aussi le méfait nous immerge là encore dans un environnement rock'n'metal atmosphérique gothique aux coloratures mélodico-symphonique et darkwave. Une œuvre à la fois éthérée, mélancolique et enivrante, dont les sources d'influence restent inchangées :
Leaves' Eyes et
Nightwish, pour leur fibre symphonique,
Imperia, quant à ses ondulations oratoires,
Angelzoom et
Sophia, pour leur touche atmosphérique et poétique. Est-ce à dire qu'un bis repetita, à l'exclusion de tout autre alternative qui, précisément, conférerait à cet élan tout son caractère, serait au bout du chemin ?
A l'image de son aîné, c'est sur une mer d'huile que démarre la traversée. Ainsi, « Lamashtu » se pose telle une significative et aérienne entame instrumentale symphonico-cinématique, assimilable à un générique de film ; instillé de murmures féminins éthérés et ponctué de profonds et métronomiques roulements de tambour, ce premier mouvement se fait aussi intrigant que pénétrant.
Coutumiers du fait, nos compères ont privilégié les passages à la cadence mesurée, parfois doublés d'une petite touche heavy ; et force est d'observer que la sauce prend sans tarder, le plus souvent. Ce qu'atteste, tout d'abord, l'altier et ''imperien'' low/mid tempo « In Shadows Deep », à la lumière de son poignant refrain mis en exergue par les ensorcelantes oscillations de la sirène. Un tantinet plus enjoué, s'écoulant au fil d'une mélodicité toute de fines nuances cousue, fort de ses arrangements instrumentaux finement esquissés et de ses grisants reprises sur un refrain catchy, le mid tempo symphonico-cinématique « Avnas » serait assurément l'un des temps forts de cette traversée. Mais là n'est pas l'argument ultime de nos acolytes pour tenter de nous rallier à leur cause.
Aussi, pourtant moins immédiatement immersives, d'autres pistes pourront non moins retenir plus d'une âme rétive. Dans une mouvance ''imperienne'', en dépit d'une mélodicité peu ondulatoire et sujet à une intarissable répétibilité de ses séries d'accords, l'ambiance profondément mystique qui s'en dégage comme les frissonnants médiums de la déesse permettent à l'ésotérique «
Fire, Water,
Sword » de tirer son épingle du jeu. Instillé d'un troublant picking à la guitare acoustique d'obédience rock californien, nous replongeant de fait dans l'enivrante atmosphère d'une contrée vierge et brûlante du
Far-West, le félin « Tail
Devourer » se fait volontairement éthéré et répétitif ; évoquant la sagesse et l'unité cosmique, où tout n'est qu'un, les paroles offrent une réflexion sur le pouvoir de dieu, la mutation et l'éternel retour de l'âme. Et la magie opère, une fois encore.
Quand ils nous mènent en des espaces un poil plus intimistes, nos acolytes parviennent à nouveau à aspirer le tympan sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Discordia », ballade atmosphérique d'une confondante légèreté, ''nightwishienne'' en l'âme, eu égard à l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'elle nous invite à suivre et à ses enchaînements intra piste ultra sécurisés. On pourra également se voir happé tant par les ''siréniennes'' incantations que par la délicatesse des arpèges pianistiques dont se nourrit «
Rite of Passage », ballade d'une sensibilité à fleur de peau que n'auraient sans doute reniée ni
Angelzoom ni
Imperia. On ne saurait davantage éluder la soyeuse et ''nightwishienne'' ballade «
Amulet » au regard d'un fin picking à la guitare acoustique et d'une sente mélodique des plus enveloppantes où se greffent les fluides inflexions de la maîtresse de cérémonie. On retiendra, enfin, l'orientalisante et romantique ballade « Bless the Charm » à la lumière des douces ondulations émanant d'un sensible violoncelle doublées de frappes tout en légèreté à la darbouka. A la diva, eu égard à ses magnétiques patines de contribuer à rendre l'instant privilégié inoubliable.
En définitive, le combo suédois nous livre un propos à la fois saisissant, volontiers énigmatique, infiltré de moult subtilités harmoniques et un brin romantique, que plusieurs écoutes circonstanciées permettront d'en apprécier pleinement la teneur. N'ayant guère varié davantage les exercices de style que son aîné, ce nouvel élan recèle cependant des lignes mélodiques tout aussi frissonnantes et des arrangements de fort bonne facture. En outre, une production d'ensemble difficile à prendre en défaut, les poignants harmoniques dont il se nourrit ainsi que les talents d'écriture et la prégnante signature oratoire de l'auteure/interprète, sont autant d'arguments permettant à cette œuvre de gagner en aura et en charge émotionnelle ce qu'elle n'a nullement perdu en finesse de composition. D'une infinie délicatesse et empreint de mysticisme, ce cinquième élément se fait des plus pénétrants ; état de fait permettant à
Angelic Foe de rejoindre dès lors les rares valeurs de référence du metal atmosphérique gothique à chant féminin...
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