Nous nous situons en 2001, en Allemagne, au sein de l’empire secret de la scène black metal underground. A cette époque, la scène teutonne en était déjà ultra-prolifique mais peu de ces groupes eurent au final l’audace et le talent au point de se faire un nom auprès des passionnés : Citons
Darkened Nocturn Slaughtercult qui cette même année sortait de l’anonymat.
A cette époque,
Endstille n’était qu’un petit nom comme un autre et ce n’est pas sa démo d’une qualité discutable qui irait en convaincre quelques uns. Ce petit groupe originaire de Kiel, petite ville proche de la frontière danoise, était composé de 4 membres, Mayhemic
Destructor aux fûts, L. Wachtfels à la guitare, Cruor à la basse et
Iblis au chant, line up n’ayant pas changé jusqu’à présent. Sa principale source d’inspiration : La seconde guerre mondiale, passion respective de l’unique guitariste L. Wachtfels. Principal compositeur, ce dernier se serait sans doute jeté à corps perdu dans la musique pour y exprimer le plus dignement possible son adulation pour l’armement des années 40. Le résultat fut
Demon, une réalisation brouillonne et inaboutie. Pourtant en tendant l’oreille, on pouvait déjà y percevoir un petit quelque chose au niveau du riff, un certain attrait pour l’efficacité intelligente due à une recherche harmonique assez étonnante. Naturellement, c’était à prendre avec les pincettes et beaucoup d’auditeurs n’auraient certainement pas cherché la petite bête dans ce fouillis ennuyeux. Bien sûr, ils ne se doutaient pas de la suite…
Inscrit à cette époque sur la liste du label underground canadien
Twilight Foundations, label qui leur assurera un début de discographie jusqu’en 2004, les germains belliqueux sortent leur premier full-lenght en 2002 :
Operation Wintersturm. Et c’est là que les regards se sont petit à petit tournés vers cette pièce tant une telle progression en était inattendue. En une fois, le potentiel du groupe éclate et lui permet de dévoiler pour de bon sa patte musicale qui fera honneur à la suite de sa discographie. Pour décrire ce style, trois critères sont à mettre en évidence : Efficacité, saleté et ivresse. Si les deux premiers sont une évidence, le troisième se veut très relatif. Analysons donc chaque point :
Efficacité : Pour le groupe, il est inutile de passer par d’interminables méandres structurels pour transmettre son idée. La forme reste donc très basique : de 2 à 5 riffs par morceaux, de 2 à 5 accords par riffs. Ceci sous une alternance entre blast beats, doubles puissants ou mid tempos très denses. Une basse là pour marquer l’intensité du riff est bien sûr de la partie.
Saleté : Si le rendu studio de
Operation Wintersturm n’en est pas mal produit à proprement parler, il jouit d’une production raw à la réverbération garage et entretient un terrifiant chaos sonore au sein de la musique du combo, chose qui en sera déjà fortement atténuée dès
Frühlingserwachen.
Ivresse : Entre le riff lourdingue, machine à chauffer la nuque, et les fresques oscillants émotionnellement entre domination et contemplation grisâtre, Wachtfels compose avec finesse. Il démontre qu’une structure basique ne signifie pas toujours fainéantise ou facilité. Derrière son apparence bourrue mononeuronale, on y retrouve un répertoire harmonique de luxe, d’où la métaphore : Un plan d’attaque parfait exécuté au moyen d’un matériel archaïque.
Et croyez moi, le matos d’avant guerre est souvent le plus fiable :
Operation Wintersturm est plus qu’un début magnifique, c’est aussi l’une des calamités des plus malsaines et des plus horribles qui soit, créé visiblement dans l’unique but de vous piétiner sans marque de courtoisie. Il m’est difficile de définir objectivement les influences du groupe, hormis un passage par l’école norvégienne,
Darkthrone en tête, sous un contour brutal et apocalyptique dans toute sa nudité.
Cette dose de crasse, de vomi, de sang et d’acier en fusion qui dégouline de vos enceintes, c’est tout d’abord cette production qui transforme les coups de cymbale en affreux cliquetis, la caisse claire en fusil d’assaut, les guitares en flammes folles furieuses ou en volutes de fumée étouffante, les doubles en séismes et ces hurlements maladifs en frissons incontrôlables.
Et
Endstille joue avec précision sur des titres tous plus glauques les uns que les autres. Le démarrage Der
Hetzer , un morceau d’introduction direct qui ne prend pas le temps de vous mouiller le maillot avant de partir faire du rodéo avec le requin mécanique. Les 2 petites minutes de la centrifugeuse humaine Jesus Christ. Le lourd et dégueulasse Discover
Rapture As An Art et sa rythmique tout aussi martiale qu’exterminatrice. Le violentissime titre éponyme sur lequel chaque accord se définit comme un appel au massacre et sur lequel MD fait preuve d’une rigueur respectable au niveau de ses accélérations comme de ses breaks disproportionnés. Cette tuerie est suivie d’un Mute their Ways et d’un
God of
God aux combinaisons harmoniques transpirant le vice, assez rebutants au premier abord faute à cette saturation de violence. L’insolite
Ballad of
Frostbitten Heart, beaucoup plus mid tempo, un riff dessinant une marche victorieuse pour clôturer sur
War Metal, un discours sorti du caveau le plus profond et le plus épouvantable possible à imaginer. Ses intrusions bruitistes en arrière-plan renforcent cette impression de plongeon dans une fosse.
La dernière plage est vide, portant le nom respectif du groupe ou «le silence de la fin ». Cependant, les loubards teutons y auront introduit une courte chanson traditionnelle allemande vers la fin, apparition plutôt guignolesque.
Ignorant sa signification, il ne manque qu’une âme plus cultivée que moi pour me décrire de quelle pièce il s’agit.
Suite à ce disque terrifiant,
Endstille poursuivra son chemin en proposant une série d’œuvres au schéma identique en comportant toutefois leurs signes distinctifs et un bagage de compositions très convaincant.
Operation Wintersturm reste cependant un objet à part au sein de leur discographie. Il est la marque du début explosif de ce groupe qui tissera son succès progressivement. Mais il est aussi la galette la plus chaotique, la plus violente et la plus sournoise pondue par le groupe à ce jour, qui ne se rapprochera de cet étalage de souffre qu’avec le somptueux
Dominanz.
Operation Wintersturm est une ballade à travers un monde décoloré par la terreur et la souffrance. Son odeur de putréfaction mêlée à celle du cambouis peut passionner comme déranger. Mais dans un cas ou dans l’autre, difficile de rester de marbre : Une partie enfoncera le bouton « stop » au bout d’une minute, l’autre redemandera davantage de cette oppression constante.
Machine à tuer au sang charbonneux, tu les mérites tes 18/20…
En effet après Navigator et Reich j'ai bien envie de commençer dans l'ordre chronologique et donc ce Operation Wintersturm.
Il me semble que les 3 premiers ont bénéficiés récemment d'une réedition et d'un remaster non?
En tout cas belle prose comme d'habitude.
Je vais p-e faire comme Ihope pour voir ce que ça donne :)
En tout cas merci Arch pour cette chro ;)
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