En 2002, une œuvre nommée
Operation Wintersturm vit le jour, premier LP d’un combo effrayant du nom de
Endstille et celui sur lequel les germains allaient définir leur orientation musicale : Un black metal violentissime, raw et funeste, fruit d'un somptueux travail harmonique sur les riffs et d'une ambiance massive et oppressante exécutés habilement et sans fioriture par des musiciens confirmés. Le thème de ce combo de la mort est avant tout belliqueux et les textes tout aussi bien que les covers ne nous ont pas changé beaucoup de ce secteur jusqu'à présent.
Des groupes de black metal à la symbolique très guerrière, il y en a quelques-uns, et certains feront sûrement le lien entre cet album et un
Panzer Division Marduk.
Mais
Dominanz se situe à des lustres de la boulimie des suédois, ces derniers renvoyant l’image d’une arme hi-tech et mortelle chargée à blanc,
Endstille se veut plus classique, préconisant l’utilisation de canons Gerlich et cuirassés de ligne, organisant l’utilisation de munitions conçues pour provoquer des dommages collatéraux considérables, il est évident que le rendu de leur musique se rapproche plus d'un
Nebelwerfer en action qu'à une invocation à
Satan.
Ainsi, la recette est resservie sur
Dominanz après un
Frühlingserwachen légèrement plus lisse que
Operation Wintersturm, le groupe nous avait déjà à cette époque gâtés de deux superbes œuvres.
Il existe une palanquée de groupes guerriers, la plupart dessinent vite leur plan de bataille et nous rentrent dedans.
Endstille élabore une stratégie réfléchie et cartésienne pour piéger l’adversaire.
Et c’est ici que tout rentre en jeu. Aucun terme suffisamment fort ne peut décrire la claque que me procura cette rafale de projectiles sinon cette petite phrase qui fit écho en ma matière grise : « Putain, mais quelle tuerie !! ».
Pour le voir, mettons nous à la place de la cible. En une fois, l’artillerie teutonne débarque, et si le matériel utilisé ne nous est pas inconnu, la technique de frappe nous aura vite transformé en charpies.
Dominanz est une odyssée. Un voyage dans un pays en ruines au ciel grisâtre et opaque là ou les émanations de souffre s’échappent du sol.
Dominanz n’est pas une guerre, c’est une extermination : La supériorité des allemands sur le terrain est incontestable tant la composition de cette galette semble inamendable.
Le submersible fait surface sur ce sample d’intro correspondant, l’escadron attendant le signal sape en une fois le moral de l’ennemi en l’arrosant de balles perforantes. Ce morceau titres est une hymne à l’armageddon, convulsé de riffs tantôt électriques, tantôt lourds et profonds ; ce dernier paramètre est pourvu d’un couplet abyssal, véritable volcan extrusif plantant un décor fiévreux dont la production crue, cependant très correcte et pondérée, en accentue le ciel grisâtre, l’art noir d’
Endstille refoulant deux dimensions, l’une émotionnelle, l’autre graphique.
La pierre est posée avec ce premier titre monstrueux et, les lieux encerclés, l’armée gardera sa position, ce tout en n’hésitant pas à switcher la technique au moment voulu, une manière de désorienter davantage leur adversaire.
6 titres de combat pur et dur sous une averse de bombes, 2 titres de douleur fulgurante pleins de désespoirs, un énorme et inquiétant instrumental de fin.
Si la couleur de ces premiers reste la même, le leitmotiv semble alterner la musique martiale et virile (
Conquest Is Atheism ), l’ébullition atmosphérique insondable ( Monotonous I et III ) – celle-ci confirme tout le potentiel belligérant du disque ; une nappe de furie ambiante qui fait mouche a tous les coups. – Une lourdeur harmonique possédée (
Instinct,
Bleed For Me, Witch ).
Les rouages de
Dominanz ont beau être couverts de rouille et de sang, la machine tourne a merveille sans aucun raté indésirable.
La batterie est un tambour-presseur : Les blasts sont écrasants et psychotiques tout comme ses mid-tempos classiques s’avalent goulûment tel un élixir à headbang et son jeu en drive ne lui coupe pas d’accès à une technique bienvenue et impressionnante d’efficacité.
Celle-ci provoque l’animation d’engrenages effrénés ; des riffs inoubliables, la force même du groupe. A leur écoute,
Endstille semble manier l’harmonie de ses dix doigts, aucun accord, aucune de ses mélodies sous-jacentes, voire dissonantes, n’est conjointe à la facilité et a la caricature du gros méchant grimé. Ils sont l’empreinte des allemands, taillés dans une roche dure et noir, travaillés et ciselés tout en finesse et réflexion, issus d’une sincérité inébranlable. Chaque accord prend aux tripes et aucun d’entre eux ne sent la repompe ou le déjà vu. Du travail soigné sous une averse de cendre ou, comme dit plus haut, un plan d’action parfait avec du matériel archaïque, tout simplement extraordinaire !
Ajoutez
Iblis, un hurleur au ton criard et déchiré, ses déclamation traduisent un haine profonde accordée au ton monolithique, quitte à la distordre un tantinet.
L’air en devient de plus en plus saturé, la galette n’ayant en guise de point vide que les transitions entre les morceaux, l’oxygène manque fort et au bout de ces 7 titres, l’atmosphère ardente et sulfureuse fait place à une odeur de cadavre brûlé ( à la guerre comme à la guerre… ).
C’est ce moment propice que choisit le groupe pour donner le coup de grâce. Alors que la colère faisait rage sur les précédents, Worldabscess apparaît, les visages changent d’expression. Si il mettaient en œuvre leur amour pour la destruction, à l’écoute de ce riff étrange et troublant, leur frénésie se transforme en malaise, leur haine en tristesse. A présent, tout devient un véritable enfer, prisonniers d’une violence inexorable et écrasante, ils prient pour que tout s’arrête. Le groupe a passé le rapport et semble hurler à la mort, le crescendo se poursuit, aboutissant au point d’orgue du disque, le summum de l’apocalypse : Crucified. Le riff est triste, désespéré, arrache-cœur. C’est la fin de tout, et cette mélodie est la représentation du dernier souffle de la vie. Cette subtilité du riff plaintif sous la tempête procure au groupe une fameuse dose d’adrénaline, le formidable cogneur passe du blast à la grosse caisse lobotomisée, de la charpente agressive à l’oppression panoramique.
Cette conclusion diabolique déboule sur l’instrumental final ; une piste mid-tempo lourde et viciée, sous quelques combinaisons de riffs simples mais toujours aussi bien construits, la bande son d’une bataille navale en arrière-plan. Cette issue ramène peu à peu l’oxygène, tout en maintenant gravé le champs de bataille poussiéreux et ensanglanté dans l’esprit.
Si
Dominanz a tout l’air de pratiquer un black metal classique et peu original, son analyse approfondie remet en question ce verdict hâtif. Il est l’un des albums trop rares à donner au metal extrême toute sa définition abstraite, la collaboration d’éléments cruciaux harmonisés magistralement, un tempérament bestial et crasseux, une oppression émotionnelle constante et un rendu inerte et compact, moteur d’une atmosphère incontournable.
Si beaucoup de noms, réputés pour leur brutalité sans concession, attaquent sans en écraser leur cible,
Endstille la plonge six pieds sous terre en dressant un plan des limbes réaliste et sincère. Il me semble évident qu’avoir les oreilles éduquées au metal extrême est essentiel pour en savourer la galette. Mais, dans ce cas ou dans un autres, sans doute vous trouverez vous possédé par la magie de l’œuvre, sans doute ressentirez vous cette colère au fond des tripes, sans doute comme moi y trouverez vous votre chef d’œuvre…
18/20 pour cette machine de mort, pour sa maîtrise et son endurance, pour sa recherche et sa passion, pour sa totalité imperfectible. Ouaip, mon gars, imperfectible et une grosse claque dans ta face. Believe me !
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