« Un art dépourvu de toute spiritualité porte en lui sa propre tragédie.
Car l'artiste véritable est toujours au service de l'immortalité. Il essaie d'immortaliser le monde et l'homme qui l'habite. L'artiste qui n'aspire pas à la vérité absolue, qui se détourne de son dessein universel au profit du particulier, se condamne à une gloire rien qu'éphémère. »
Andreï Tarkovski
Qu’il est difficile de savoir par quel bout débuter cet article, comment commencer à évoquer
Magma et tout ce qu’il comporte, que ce soit son contenu, ses attentes, ses aspirations…
Dire que
Gojira est devenu une référence est peu dire. Un nouvel album est désormais attendu avec son lot de craintes, de prévisions, de rumeurs et, comme tous les grands groupes, les réactions radicalement différentes des uns et des autres. Des fans de la première heure, de ceux appréciant l’évolution, de ceux-là regrettant, des nouveaux fans, de ceux n’écoutant que la musique et de ceux souhaitant aller plus loin dans la lecture du voyage proposé par les frères Duplantier.
Une chose est néanmoins certaine : la mutation est désormais achevée.
Jadis dévoreur de mondes, destructeur d’étoiles et annihilateur d’êtres vivants,
Gojira a trouvé le chemin de la rédemption et de la quiétude, d’un ultime pardon si peu répandu dans notre humanité. Si peu compris également.
Ses musiciens ont changé. Certains sont devenus pères, ils ont vu des êtres proches mourir (la maman Duplantier notamment) et ont trouvé refuge dans une musique qui n’est plus là pour inspirer brutalité et soumission mais puissance salvatrice et recueillement spirituel. Certes, certains diront que
Gojira a toujours eu en lui une connexion presque cosmique, une spiritualité supérieure qui donnait une autre définition à la violence. Cet aspect solennel n’a pas changé ni disparu. Cependant, là où des titres comme "The Art of
Dying", "Mouth of Kala" ou "
Flying Whales" laissaient filtrer cette aura par intermittence en jouant sur plusieurs tableaux, cet aspect est désormais au centre et la base des compositions. Ce ne sont plus des titres extrêmes dans lesquels on intègre des intermèdes ou des passages planants mais l’inverse, où la vision extrême n’intervient que par intermittence, par sursaut, comme pour montrer que la puissance, le visage dogmatique de l’être
Gojira ainsi que sa domination ne disparaitra jamais complètement. Il sait juste désormais se mettre en retrait. Comme si le monstre bestial sommeillait, restant dans l’ombre et ressurgissant à quelques instants, démontrant qu’il est bel et bien là. Il préfère simplement sommeiller et laisser
Gojira prier pour un monde meilleur et plus stellaire, où le pardon et le respect de l’autre est central.
Musicalement, "
Magma" est bien évidemment déroutant et une seule écoute n’est pas envisageable pour comprendre le propos. On passe de surprise à déception puis compréhension du propos et enfin acceptation. Les avis seront partagés, forcément, mais
Gojira n’en a désormais que faire.
La puissance semble initialement avoir disparu, la violence également au profit d’un côté mystique et quasi religieux constant. Puis, de fil en aiguille, il apparait clairement que notre cerveau a simplement repéré uniquement les compositions spatiales, sans faire attention aux instants plus brutaux pourtant bien là…et plus le temps passe et plus l’on comprend que finalement, la dernière chose que nous voulions après quatre ans était un vulgaire ersatz des opus précédents.
L’introduction portée par "The
Shooting Star" n’est clairement pas commune. Un riff lourd, lent, monolithique mais porteur de lumière. Mario accompagne le titre avec une étonnante clarté, une fausse simplicité épurée de toute démonstration technique et Joe semble en pleine invocation mystique. Sans parler de chant clair qui pourrait offrir une image pervertie de la vérité, on sent planer l’ombre de "
From Mars to Sirius", comme "World to Come" ou "To
Sirius", preuve une nouvelle fois que
Gojira n’a pas complètement changé et que les ponts avec le passé restent bien évidemment existants. L’hypnose prend juste une forme différente…elle plonge cette fois notre âme et nous accompagne vers la lumière plutôt que de nous broyer dans un trou noir.
L’enchaînement des trois titres suivants serait en revanche propre à faire mentir tout ce que l’on pense de "
Magma" à la première écoute.
Intense, violent, écrasant et dominateur, on retrouve le groupe landais que nous pensions connaître mais à travers un prisme plus épuré, plus direct et, osons le dire, simplement efficace. "Silvera" nous accueille par un riff typique du quatuor, basé sur du tapping et un pattern de batterie alambiqué. Le chant de Joe est imposant, le texte d’une certaine noirceur mais le refrain laisse de nouveau transparaitre cette envie d’ailleurs, ce pardon salvateur expliquant que la violence n’est pas une fin en soi mais peut-être simplement une phase. Il faudra noter la partie soliste de toute beauté, basée sur du tapping (évidemment) mais montant en puissance sur près d’une minute pour transcender le titre sur sa seconde moitié. "The Cell" est clairement plus vindicatif et intense, en seulement trois petites minutes (fait rare lorsqu’il ne s’agit pas d’un intermède instrumental), plus lourd et écrasant que réellement violent. "Stranded", le premier extrait dévoilé, use de son côté d’une pédale Whammy (à l’inverse des sons « glissés » dont Joe et Christian sont désormais coutumiers) qui décale les octaves afin de donner une couleur assez étrange au riff. Les breaks du morceau se veulent assez étouffants, avec uniquement la basse, le chant et la batterie dans un ensemble schizophrénique pendant que le riff sert finalement à rafraîchir l’ensemble, à éclaircir l’horizon et le rendre respirable. L’inverse de l’habitude en somme. Certains diront que le titre est simple et usuel…alors qu’il est finalement d’une profonde mélancolie et que son texte peut recueillir de multiples points de vue.
Les choses changent néanmoins avec "Yellow
Stone", intermède shamanique coincé hors du temps, sorte d’interférence temporelle pour mieux amener le titre éponyme, symbole du schisme consumant le disque. Il est comme une litanie, un moment ritualiste où le groupe se donne en offrande à une puissance supérieure. Les arpèges criards, le chant religieux de Joe, le riff en palm-mute…tout donne cette impression de communion qui éloigne littéralement l’auditeur d’une quelconque violence, d’une quelconque humanité même. Il est clairement le titre qui représente le mieux ce qu’aspire à être
Gojira désormais, même s’il est déroutant au début. Il en va de même pour "Low Lands" et son riff lui aussi minimaliste laissant beaucoup de place au chant, dans lequel se glisseront même les premiers mots de français du groupe (« Tell me what you see, in the afterlife. Par-delà le ciel, par-delà le soleil »). Cette ébullition créatrice, cette fusion (
Magma ?) est une fois de plus comme une prière faite aux cieux, rejetant loin derrière l’étiquette d’un groupe extrême.
Gojira reste le même roc qu’il était mais le montre différemment. Ils ont toujours fait ce qu’ils souhaitaient et en soi,
Magma représente une continuité dans la rupture. Ce virage en décevra probablement certains, qui attendent quelque chose de plus vindicatif et qui ne pénètreront pas dans la vision cosmique et proche d’un rituel de l’album. Ceux-là pourront retrouver les anciens albums, ils sont faits pour cela. Ils pourront même, au détour de "Pray", retrouver la lourdeur d’une rythmique impitoyable si les quelques mesures de flute ou les parties claires proches d’un "The Heaviest Matter of the
Universe" ne le repoussent pas.
"
Magma" pourrait représenter une énigme pour certains et une réponse pour les autres. Il vient en tout cas couronner artistiquement des musiciens sans concessions laissant simplement parler leur instinct. Les avis des uns et des autres ne seront que de sporadiques gouttes dans l’océan d’un
Gojira devenant immortel.
Haha Growler, j'espère être dans ton cas d'ici quelques années ^^
Non vraiment je n'ai pas réussi à apprecier ce magma si j'aime gojira c'est pour sa lourdeur et sa puissance j'ai bien peur que from mars to sirius et art of dying ne trouvent pas de réels successeurs. Dommage ! !
Sur scene Gojira est impressionnant et delivre des sets d une lourdeur implacable.
Cet album est tres bon, faut dire que je l ai decouvert avec ce dernier...meme si les sirius... et way...lui sont superieurs, ce dernier à 1 côté plus leger qui le rend plus "digeste" et ecoutable en famille.
Un album que j'aime assez, mais n'empêche que je n'écouterai jamais Magma en famille. :p
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