Il y a des journées parfois, longues, vides, mélancoliques…inutiles. Des journées où le temps semble s’écouler infiniment lentement, nous avalant dans une spirale malsaine et dépressive, à l’instar d’un naufrage.
Des journées où l’on marche, travaille et parle sans vie ni intérêt, action ni envie (qui suis-je ?), et lors desquelles on ne recherchera finalement rien d’autres qu’une plus profonde plongée en apnée dans les ténèbres du malheur.
Alors, une fois rentré dans ce qui nous semble être un lieu commun (Où suis-je ?), certains iront dormir, d’autres mangeront sans faim et d’autres écouteront de la musique, sans pour autant espéré immerger vers la face éclairée de la vie (pourquoi ?).
Dans un tel état de fait, pénétrer dans les méandres d’une musique mélancolique, latente, sombre et répétitive ne changera rien à notre état, mais transcendera notre vision des choses. Non pas que
Gojira nécessite forcément un tel degré d’attention, mais plutôt que sa musique n’en devient que plus poignante et réelle aux yeux de l’auditeur, enfermé dans sa quête infinie de solitude.
D’une profondeur rare et sans commune mesure, ce troisième opus des landais symboliquement intitulé "
From Mars to Sirius", coupera l’homme que nous sommes du monde pendant quelques soixante dix minutes, l’enverra dans une dimension stellaire et spatiale en dehors des normes imposées par le temps et l’espace.
Rejetant en arrière toute forme de concurrence, brisant les barrières imposées par l’étroitesse d’esprit et les clichés inhérents à tout style musical,
Gojira devient l’ambassadeur d’une musique aussi profonde et magnifiquement interprétée qu’elle n’est riche et profondément unique, si imposé le terme d’avant-gardisme était de trop.
Matérialiser la richesse d’une composition aussi sobre et minimaliste que "
Unicorn" relève du génie, tant sa simplicité d’expression semble nous dire mille fois plus que n’importe quel texte. Cette structure répétitive, belle, sans jamais être aliénante, composée d’uniquement quelques arpèges délicats, dévoile une hypnose nous coupant du monde, définitivement, préparant un "Where Dragons Dwell" latent, lent, imposant et magnifique. Un riff oppressant, lourd mais non écrasant, nous enveloppe avant la distorsion, déchirante et humaine. Joe Duplantier : une voix mais surtout un cœur, une âme.
Une puissance naturelle, qui semble parvenir des tréfonds de notre personnalité, épousant la forme des mots que l’on désirait entendre, traduisant en musique ce qui se tramait, invisible, dans notre tête malheureuse.
"
From Mars to Sirius". Un voyage. Une rédemption. Celle de la violence, la haine et la guerre (Mars) vers une sérénité, une plénitude spirituelle à venir (
Sirius).
Dans un tel schéma, il devient presque logique que ce formidable album aborde les deux points de vue de cette thèse.
Allant du death brutal de "Backbone" ou "In the Wilderness" en passant par les paysages éthérés et superbes de "
Flying Whales" ou "
Ocean Planet", tout en évoquant la puissance naturelle de "From the Sky" ou "To
Sirius", l’album semble être sa propre quête, cherchant un chemin vers toujours plus de musicalité.
Foncièrement violente, la musique dépeinte sur l’exceptionnelle "In the Wilderness", syncopée, mettant en valeur la production énorme et surtout compacte, place cette profondeur hypnotique si particulière à l’intérieur de vocaux aliénés, hurlés et déchirés à Jo, alors que son frère Mario réalise une prouesse technique à la batterie des plus impressionnantes. Ses descentes de toms, violentes mais tellement précises, renforcent ce sentiment de maitrise du groupe et de perte de contrôle de l’auditeur. Les guitares sifflent, laissant venir ce final époustouflant, prenant la forme d’une spirale sans fin et perfide, au Mario impérial. Impérial également sur le blast effréné de "Backbone" et son caractère plus noir et strictement death metal, tout en y incorporant une énorme ouverture d’esprit.
Mais outre cette violence, cette brutalité toute métallique,
Gojira va bien plus loin dans son concept et explore des horizons moins schizophréniques, plus aériens et célestes, évaporant définitivement les quelques clichés qui pouvaient encore subsister.
Les cris des baleines. Un animal dont la matière grise nous dépasse, dont le langage se veut trop complexe pour nous, qui explore des capacités de communications nous étant étrangères. Un animal érigé en symbole sur la pochette et sur l’intro d’"
Ocean Planet" et du magique "
Flying Whales", à la longue introduction emplie de spleen et de délicatesse. Les accords, la musique, tout est nouveau, difficilement définissable.
Le riff arrive, au loin, imposant, massif, énorme, rugueux. Un écho retentit, écrasant tout sur son passage. Les vocaux, oppressants, crachent un message écologique et plein de bon sens. Un lyrisme semble apparaitre dans ses hurlements, des mélodies qui restent inscrites dans la tête, tant elles semblent déterminantes. Pendant sept minutes,
Gojira allie une perfection d’écriture à une interprétation fondée sur des tripes. Les passages instrumentaux s’étirent, comme pour nous inciter à réfléchir, à penser (penser ?).
Le duo "From Mars" et "To
Sirius" seront l’inévitable et ultime parcelle entre la violence et la paix. "From Mars", contemplatif, lent, se compare à la respiration lente et régulière de l’immobilisme et de la pensée. Un arpège unique, seul, sur une narration calme, presque interne et spirituel, avant le déluge "To
Sirius", comme un retour à la dureté de la réalité. L’impression d’écrasement, de pression est à son paroxysme, à l’instar du refrain immensément puissant de "From the Sky". Mais c’est ce chant, Joe, plus cru que jamais, dans ses élucubrations mortuaires, évoquant dégout et morbidité. Jamais il n’avait chanté ainsi, vomissant sur un coulis de guitares malsaines et grinçantes, tournoyant dans une spirale épileptique. Un blast novateur, incongrue, vient abrutir un auditeur à bout de souffle, épuisé, avant une pluie de technique en la présence d’un "
Global Warning" qui fournira le lien manquant entre cet opus et le suivant.
En cette année 2005,
Gojira a accouché d’un monstre, d’un monument qui fera date dans l’histoire (m’en souviendrais-je ?) et qui, du haut de ses seulement quatre années, a déjà énormément apporté au genre (quel genre ?). Un album disposant de bien plus que de musique ou de textes. "
From Mars to Sirius" est un guide, un message qui nous parle au plus profond de nous, qui nous hypnotise pour mieux nous faire comprendre. Mais dans ce monde chaotique dépeint, survient toujours un indispensable espoir. C’est dans cette minuscule étincelle, que nous repartirons le lendemain, une nouvelle fois transparent, fatigué et inutile, mais avec l’intime conviction d’être meilleur. D’être meilleur…
18/20
euh ! je ne vois rien de comparable avec Children....et Mario est effectivement l'unique batteur...
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