Souvent les désirs des musiciens les plus grossièrement égoïstes et les plus faiblement talentueux sont nourris d'appétits individualistes forts. Refusant alors de conjuguer les maigres capacités qui sont les leurs à celles des autres, ils se contentent alors de se complaire dans une médiocre facilité en tentant d'exacerber leur image au détriment d'une expression artistique devenant ainsi ennuyeuse et démonstrative malgré leurs déficiences. Pourtant mêmes les génies les plus unanimement reconnus savent, même s'ils tentent de minimiser ce fait, qu'ils ne sont rien sans l'autre. Le grand
Yngwie Malmsteen lui même, personnage imbue s'il en est, n'a-t- il pas été, par exemple, l'un des plus grand pourvoyeur de chanteur de la scène Heavy/
Hard Rock de ces dernières décennies en profitant des talents de
Jeff Scott Soto,
Joe Lynn Turner,
Michael Vescera ou encore, plus récemment, Doogie White et Tim "The
Ripper" Owens? En sachant ainsi s'entourer, n'a-t-il pas superbement démontrer que la notion de groupe est cruciale?
L'association entre les chants délicieusement gorgés d'émotions d'
Oni Logan (ex-Diamond
Rose, ex-Defiance, ex-Ferrari) et entre les dons exceptionnellement remarquables de guitariste de Georges
Lynch (ex-
Dokken), firent du premier album de
Lynch Mob,
Wicked Sensation (1990), une véritable réussite. De ce
Hard Rock plein de groove, de swing, d'atmosphères succinctement bluesy et de feeling, naquit une notoriété absolument mérité.
Mais les êtres sont fragiles et le chanteur, perdus dans certaines habitudes de vies obscures, ayant un impact direct sur la qualité de ces performances, que Georges
Lynch, après une tournée difficile, définira pudiquement comme périlleuse pour la survie de
Lynch Mob, est évincé et remplacé par Robert
Mason. A l'évidence, l'homme n'était pas fait pour vivre en groupe. Mais le groupe ne pouvait, semble-t-il, pas se passer de l'artiste non plus. Le second album éponyme de ces américains sortis en 1992, aux valeurs plus incertaines, est en la preuve la plus incontestable.
Bien évidemment pour juger de cette échec, relatif, soyons honnête, il nous faudra parler du contexte historique qui entoure la sortie de cette œuvre. L'époque n'est plus vraiment propice à ce genre de démonstration
Hard Rock passéiste. L'explosion de nouvelles tendances, notamment Grunge, condamne d'emblée ce disque à une certaine désaffection.
Mais au delà de cette première explication manifeste, on ne peut passer sous silence celle mettant en évidence les carences de ce disque.
Tout d'abord évoquons donc cette musique moins attractive dans laquelle là où autrefois le feeling, le groove et le swing insufflé par
Oni et Georges semblait instinctif, il apparait désormais comme gauche et fabriqué. Tant et si bien que des titres tels que les bons Jungle of Love, mais aussi Tangled in
Web, deux pistes aux cuivres maladroitement adjoints, ne parviennent pas totalement à nous séduire.
Parlons ensuite du pire. Car, en effet, au delà de la bonne tenue relative de ces premiers morceaux, l'album s'enfonce dans une expression créative sans grande distinction de celle d'autres groupes (No Good,
Cold Is the
Heart,
Heaven Is Waiting...). De telle sorte que rien n'éveille en nous l'espoir d'un quelconque ressentis autre que l'embarras face à un tel systématisme manquant cruellement de caractère.
Disons, aussi, que les interventions de Robert
Mason font moins figure d'exception que celles de son prédécesseur . Le chanteur, sans démériter, et en une expression quelque peu plagiaire, tente d'atteindre des notes qui furent autrefois chantées par un autre. Si ces hauteurs ne lui posent aucun souci particulier, il lui manquera cependant cette capacité si particulière d'
Oni à alourdir émotionnellement son propos de manière aussi parfaite. L'expérience donne donc un résultat tout à l'honneur de ce nouveau venu mais qui ne peut faire oublier les superbes aptitudes spontanés du trublion exclu.
Entendons nous bien quant à la qualité globale de cet opus, il n'est assurément pas désastreux, bien au contraire, mais juste ordinairement commun. Ce qui, au su des talents entendus sur un exceptionnel premier album, est juste atrocement décevant.
Tout ici est donc empreint de charme malhabile, de feeling machinal, d'inspiration stéréotypée, de vertus connues, de chemins tracés et de paysages beaux mais coutumiers. Et ainsi ce second album éponyme des américains de
Lynch Mob nous délivre des sensations éminemment contradictoires. Un plaisir amer, une satisfaction contrariée, ou encore un bonheur quelques peu gâchés. Rien, en somme, susceptible de nous rappeler suffisamment les excellents souvenirs éprouvés aux sons d'un remarquable
Wicked Sensation. Dommage.
Pour ceux qui ont apprécié cet album, j'ai découvert il y a peu ce bonus japonais issu de ses sessions, plutôt agréable.
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