Lorsque le label LMP signe, au début des années 90, des groupes aussi adroits qu’inspiré tels
Angra,
Vanden Plas ou
Eldritch, c’est à l’évidence dans l’optique d’offrir une nouvelle alternative à une scène européenne Heavy
Metal traditionnel agonisante. Chacun de ses groupes saura, avec talent et une vision très personnelle, insuffler un certain renouveau, ou tout au moins offrir les prémices d’un bouleversement plus profond qui précipitera le genre dans une ère nouvelle.
Si chacun de ces groupes connaitra des destinées diverses, et souvent moins glorieuses que méritantes,
Eldritch est de ceux qui n’aura jamais su, jusqu’à présent, réellement affirmer avec force son existence aux yeux d’un public, sans doute, déconcerté par la musique proposée par le groupe. Après trois albums d’un Heavy Progressif "Thrashisant",
Seeds of Rage (1995),
Headquake (1997) et peut-être le moins complexe de cette période El Nino (1998), le groupe, avec l’album
Reverse (2001) prend, alors, un virage très, et sans doute trop, impitoyablement ancré à la fois dans une modernité brutal d’influence Thrash, et à la fois dans des riffs d’inspirations contemporaines Neo. Cette volonté de radicaliser son propos, aspirations indéniablement plus brutales, sera indubitablement trop férocement déroutante pour les adeptes de ce groupe. Trois albums suivront ce
Reverse, à savoir
Portrait of the Abyss Within(2004),
Neighbourhell (2006) et
Blackenday (2007) dans lesquels
Eldritch saura redonner à son propos la simplicité et l’efficacité d’une musique bien plus Heavy, laissant aussi sa facette Progressive complexe s'exprimer en filigrane.
Il aura fallu attendre de longues années avant que nos transalpins ne se décident à laisser enfin une empreinte tangible et persistante de ce lien particulier qui unit tout groupe à son public, de ce moment intense où la rencontre des deux trouvent son expression la plus accomplie en live. L’œuvre qui témoigne de cette communion, ce
Livequake, pensée en un diptyque, propose en une conception simple un voyage dans l’univers d’
Eldritch. Enregistré sur ses terres Italienne, à Pise, en mars 2008, il tente de retracer la carrière de ces Italiens. Affirmer qu’il en est parfaitement représentatifs serait très exagéré tant l’aperçu est quelque peu tronqué. En effet seuls trois morceaux des deux premiers albums (Seed Of
Rage,
Headquake), un seul de l’atypique
Reverse et deux de
Portrait of the Abyss Within apparaissent sur ce disque.
Le premier acte de cette pièce met en avant le visage le plus Heavy du groupe, et ce en puisant directement à la source de ses plus récentes sorties. Ainsi met-il en exergue des plages où l’énergie prime sur la technicité, et où la complication d’influences progressives n’est que suggéré. Ces morceaux, aux qualités évidentes, épurés de démonstrations ineptes, n’en demeurent pas moins, souvent, insuffisamment forts pour tout à fait nous emporter vers un plaisir plein. Ce constat étonnamment amer est, je crois, un des fondements du paradoxe lié au relatif anonymat des hommes de Terence Holler. Pourtant après l’écoute de chansons aussi intense que l’obscur
Why, ou encore que le très réussi The Deep
Sleep, mais aussi qu’un délectable
Save Me, ou qu’un sombre The
Blackened Day, ou encore qu’un plaisant Standing Still, il est difficile de ne pas être conquis. En effet, ces titres aux constructions relativement semblables, ou les couplets installent une dramaturgie pesante et nerveuse, lourde et ténébreuse, avant que, dans un souffle salvateur, un salutaire refrain mélodique ne vienne offrir la délivrance d’une respiration lumineuse, sont bons. Bons, mais terriblement similaires, tant et si bien, qu’il devient alors assez difficile de parler d’excellence pour un
Eldritch qui finit par s’essouffler et par nous étouffer. Cette similitude, cette incapacité à donner véritablement plus de reliefs à ses travaux, pourtant très bons, est ce qui, à mon sens, vient définitivement sceller le destin de ces ultramontains, les condamnant aux affres d’une méconnaissance normale. On peut aussi évoquer les difficultés d’un Terence Holler, autrefois qualifié de "meilleur chanteur de sa génération", à véritablement donner des nuances nécessaires à sa voix invariablement puissante et dure.
Et ce ne sont, sans doute, pas les titres aux différences les plus marquées, tels les très harmonieux The World Appart, ou le délicieux
More Than Marylin, dénués de tout sombre dessein, ou encore un rugueux
Reverse, extrait de l’album du même titre, aux propos bien trop brutal, qui viendront changer cette évidente sensation de plate linéarité.
La musique d’
Eldritch est bonne, très bonne même, mais jamais elle ne réussis à totalement nous emporter vers une grandeur tant attendue.
Le deuxième acte revient, quant à lui, sur la genèse du groupe, sur ces œuvres les plus anciennes, les plus absconses, sur ces titres où les synthés dessinent en des volutes d’arpèges expansives des structures difficiles, où les guitares aux soli exubérants de technicité racontent dans ces langues ardues des histoires arides. Accablés, aussi, par les défauts du premier acte, il y ajoute ceux d’une complexité stérile, pour un résultat, certes, intéressant, mais terriblement long et dispensable. Les morceaux s’enchaînent, nous traversant l’esprit comme une délicieuse caresse, avant que l’oubli ne nous étreigne bientôt. Dans cet océan d’intrications infructueuses, seul The
Lord Of An Empty Place vient nous délivrer à l’aide de sa simplicité, et de son refrain réussi.
Sans génie,
Eldritch nous propose avec cet album un condensé assez riche de ce qu’il a été autrefois, mais surtout de ce qu’il est aujourd'hui. Sans nul doute, et plus que jamais, c’est dans les desseins de son Heavy d’aujourd’hui qu’il saura le mieux s’accomplir pleinement.
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