À un album complexe, ambigu, ne se destine qu'une chronique tout aussi compliquée et difficile. Il convient de présenter le groupe pour commencer :
Peste Noire est une des plus grosses pointures de la scène de black metal française. Fondé en 2000, ça fait plus d'une décennie qu'ils divisent les amateurs et ce, pas tant à cause de leur musique, mais à cause de l'esprit tordu qui repose derrière. Cet esprit, c'est la personne de "La Sale Famine de
Valfunde", seul membre fondateur encore présent, mais surtout parolier, compositeur et concepteur de
Peste Noire. Comment ça tordu? Eh bien le bonhomme est difficile à cerner. Résolument anti-conformiste, il ne veut aucune page officielle pour son groupe, critique la société contemporaine, tantôt en poète distingué (l'album "Panégyrique de la Dégénérescence"), tantôt en vil manant ("Chiant sur ta sale face de con", pour reprendre un extrait des paroles de "L'Ordure à l'État Pur"). Provocateur ou fou, sa première démo s'appelait "
Aryan Supremacy", pourtant le groupe n'affiche pour ainsi dire aucune affiliation avec le mouvement NSBM. Au final, c'est à chacun de se faire sa propre opinion sur le personnage, au choix : abruti et pauvre type, génie provocateur, pauvre âme torturée, peut-être les trois à la fois? Mon choix n'est pas fixé. Si je prends le temps de le présenter, c'est que je suis persuadé qu'on retrouve beaucoup de Famine dans sa musique ; génie, fou ou raté, il s'investit, investit de lui-même, lorsqu'il compose. Le même sentiment mitigé qui me vient lorsqu'on m'évoque son nom se dégage avec bizarrerie de ses morceaux. Ce qui me pousse à dire que s'il n'est pas exempt de défauts, il a le mérite d'être honnête et de se tenir à une sorte de logique ambiguë. Mais peut-être est-il temps de vous décrire un peu son œuvre pour mieux vous faire saisir l'idée.
En apparence, en parcourant les pistes un peu au hasard, en déplaçant le curseur d'écoute aléatoirement, ça peut sonner comme du black metal assez classique. Au fond, ça en est, n'en soyez pas étonnés, et si c'est tout ce que vous recherchez
Peste Noire sait en servir de l'excellent, le premier album en est cependant un meilleur exemple. Oui, dans les riffs, la micro-composition si j'ose dire (pour l'opposer à la construction générale d'un morceau), il y a beaucoup de "classicisme", on a le sentiment, dans l'ensemble d'un black metal doté d'un faible pour les mélodies, superbement mises en évidence d'ailleurs. La production, plus ou moins identique sur les quatre albums, est idéale pour apprécier le genre : pas trop lisse, sans tomber dans le crasseux qui gâche l'écoute. Maintenant, la personnalité, si complexe, de
Peste Noire, ne se base pas sur ses mélodies pour se dessiner.
Grotesque, malsaine et déroutante, elle mise, entre autres, sur la prestation vocale impressionnante de Famine, qui alterne hurlements déments, cris rageurs, en emportant des textes complètement barrés, d'une vulgarité parfois monstrueuse, mais conservant un sens de l'esthétisme. De nos jours, si on crie bien trop vite "Gloire au nouveau Baudelaire!", il y a tout de même un peu de ça dans ces textes, une sorte de mal-être de l'artiste qui l'emmène vers le verso de la beauté, ou le recto de la laideur. C'est sûr, il y en aura pour critiquer la facilité de l'effet choc, et je ne saurais défendre Famine à 100% car tout de même, "Pourkoi k'ta dé nichon?? JE TE REçODOMIZE, Je t'ancul é t'a mal" (sic), c'est vraiment osé. Le grindcore en fait autant, voire pire, mais c'est un ton différent. Ici, il me semble sentir une réflexion artistique, traduite notamment par les fautes d'orthographes volontaires, sujettes à l'interprétation. Je ne saurais juger le niveau de cette réflexion artistique, mais s'il y en a une, le côté choc est fort probablement calculé et assumé.
Pour revenir à cette prestation vocale, je la disais variée, car Famine alterne volontiers deux styles vocaux d'une phrase à l'autre, passant d'un cri aigu stressant, à un growl gargarisé. D'occasionnels chants clairs, féminins et masculins, rejoignent l'aspect mélodique précédemment cité, qui donne de la chaleur à l'écoute. De nombreux samples parsèment l'album, tous dans la langue de Molière qui, si vous la maîtrisez, permettra de mieux comprendre comment se forge la personnalité de "L'Ordure à l'État Pur". Enfin, la sentir serait plus exact, on la sent cette personnalité, on s'en imprègne, on la savoure parce qu'elle empeste délicieusement sous ces samples mystérieux, sans queue ni tête parfois, et ces expérimentations intéressantes, mais est-ce qu'on comprend vraiment où Famine nous emmène? En s'appuyant sur ses textes, on voit apparaître assez clairement un dégoût de la France moderne - ses banlieues, sa violence, son oubli des traditions - mais au fond, c'est Famine qui rampe, et on se retrouve avec la même difficulté à appréhender le personnage, et donc le sens de la musique. Aussi, cette dernière laisse songeur : sans réellement s'écarter des codes du black, elle est obstinément non-conventionnelle, et par conséquent rafraîchissante. Risquant des influences indus, des transitions surprenantes, des mélodies accrocheuses, le tout est délicieux à l'oreille, mais quelque chose dérange, peut-être parce que c'est si difficile à comprendre, à cerner le sens de toutes ces convulsions, où nous emmènes-tu donc Famine? Aucun désir direct de révolutionner le genre ne se ressent, pourtant il le ré-invente presque, tout en en conservant l'esprit intact, comment? Pourquoi? Beats electro, orchestres, vulgarité, rage, haine, catharsis, et moult autres ingrédients pour un cocktail douteux à la sauce
Peste Noire.
Après des dizaines d'écoute, je ne crois toujours pas avoir saisi l'essence de cet album. Ça peut souligner sa profondeur, comme son absurdité. Mais je ne vous cache pas le plaisir incroyable que m'ont procuré ces heures d'écoute. Peut-être qu'au final, au-delà de son obscure signification, la musique en elle-même compte avant tout. Et là,
Peste Noire se montre innovant et étonnant, prenant des risques dans un genre qui souffre peut-être d'une rigueur dogmatique dans ses fondations. Moi, je conclurai en disant que c'est un album absolument délicieux, mais qui a choisi une voie qui ne ralliera pas toutes les critiques. Tant mieux?
Aux gros cons.
Entre ceux qui crachent directement leur venin sans même avoir écouté l'album et ceux qui sont à moitié choqués par les paroles ouvertement nationalistes, j'ai envie de dire, ET ALORS ! Bande de pucelles, ça vous fait mal aux fions ? C'est quand on a la gueule dans sa merde quand sent le mieux l'odeur ! Le morceau "J'avais rêvé du Nord" est juste mythique, excellent en tout point, du true BM. Ils innovent ils mettent des pieds aux culs et ça fait chier, c'est ça qui est bon ! Et surtout des putains de bons musicos.
"Je voulais être survivaliste moi
Mais comme la peine est ma reine
J’aurai fini mouriraliste
Un trou du cul blasé
Dans un trou boisé…"
Peste Noire - A La Chaise-Dyable
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