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King of the Nordic Twilight". C’est l’évocation du froid, des cieux, des dieux, de la neige et des montagnes. C’est l’image de paysages grandioses et de contrées lointaines et probablement guerrières. C’est l’illusion d’un monde autre qu’uniquement humain, féérique ou bestial. C’est la vision d’une existence plus excitante, médiévale et ambivalente. C’est aussi le voyage dans le passé du premier épisode de la trilogie conceptuelle imaginé par
Luca Turilli, guitariste italien de
Rhapsody (possédant eux-mêmes leur propre saga médiévale de l’épée d’émeraude, aujourd’hui terminée au profit de The
Dark Secret).
Projet d’apparence initiale nombriliste, voir prétentieuse, l’intérêt d’un tel album, stylistiquement et conceptuellement très proche de son groupe principal (dont il est le principal compositeur), apparait comme limité. Il était, selon lui, utile afin de se démarquer de
Rhapsody et d’amener à de futures expérimentations, paroles compréhensibles actuellement, une fois la trilogie passé / présent / futur terminée, et l’apport de l’électronique et du chant féminin véhiculé.
Mais remis dans son contexte, "
King of the Nordic Twilight" s’affiche dans la parfaite continuité du premier volet de "Symphony of the Enchanted Lands", en mieux produit. En effet, l’ouverture grandiloquente et médiévale de "To Magic
Horizons", tout en démesure chorale et orchestrale, ne trompe en aucun cas l’auditeur. Quand au premier riff de "Black
Dragon" (original non…), on retrouve le touché si particulier de Luca, ultra rapide et précis. Le chant d’Olaf Hayer, moins épique mais plus aigu et puissant que celui de Fabio Lione, colle parfaitement au genre pratiqué, alors que la batterie martèle un rythme impartial de double pédale, et que les claviers distillent des symphonies légères et quelques peu kitsch. Mais il y a un refrain, point fort de l’italien qui, à l’instar d’un "
Emerald Sword" de l’époque, ne quitte plus l’auditeur après quelques écoutes.
Foncièrement plus heavy et catchy que son groupe homologue,
Luca Turilli se fixe sans doute moins de limite ici, ou de concessions, n’ayant pas à collaborer avec le talentueux Alex Staropoli (responsable du concept
Rhapsody). Ainsi, le speed est à l’honneur sur la majeure partie de l’album, speed alors adulé de l’italien (qui l’abandonnera au fur et à mesure de son évolution musicale) ainsi que les refrains prompts à être chantés à pleins poumons et les mélodies facilement identifiables.
"
Legend of Steel" suit, et sa mélodie limpide, sous forme d’une croisade. La ligne vocale, aventureuse et très mélodique, mais intéressante et entêtante, amène à un refrain une nouvelle fois imparable, mené de main de maitre, même s’il ne surprend pas réellement.
Dans la même catégorie, l’exceptionnel "
The Ancient Forest of Elves" détient l’un des refrains les plus forts que le ‘sieur ait jamais composé, une merveille qui reste ancrée dans le cerveau à jamais, réellement. S’ouvrant sur ce même refrain, surmonté d’une double pédale (toujours !) et d’un rythme très festif de clavier (sampler d’accordéon ou instrument similaire), ce titre démontre tout le talent de
Luca Turilli pour composer des mélodies simples mais fortes et facilement mémorisables, sans pour autant que le résultat sonne réellement cheap, même si nous restons loin de la quasi perfection de l’opus suivant ("
Prophet of the Last Eclipse").
N’oubliant pas l’éternelle ballade ("Princess
Aurora"), interprétée par Rannveig Sif Sigurdardottir, au timbre lyrique enivrant et extrêmement pure, à la mélodie de piano fleuve et superbe, "
King of the Nordic Twilight" s’affiche comme un album presque archétypale, trop même, car manquant réellement de surprise après les deux premiers opus de
Rhapsody ("
Dawn of
Victory" souffrira du même symptôme).
L’aspect filmique si cher est une nouvelle fois présent sur les interludes, à l’image de "Throne of Ice" (laissant apercevoir les premières brides légèrement électroniques), symphonique et fait uniquement de chœurs, avant le métronomique "Where Heroes
Lies", comme un rappel à Black
Dragon, speed sans concession ni surprise, mais jouissif pour tout amateur car réalisé dans une qualité et un roc datant de l’époque bénie et lointaine du communément appelé
True Metal.
Un long titre éponyme parachèvera le disque, fresque épique de onze minutes, aux chœurs ecclésiastiques imposants et ambitieux (alliance de barytons et de sopranos). Malgré quelques mélodies parfois quelques peu risibles dans leur allure médiévale innocente (on est loin de ce que deviendront les arrangements démentiels de "
Triumph or
Agony" même s’ils étaient très ambitieux pour l’époque), ce long morceau, parfaitement chanté par Olaf (que je préfère personnellement à Fabio Lione), clôt admirablement ce premier chapitre d’une épopée qui se fera l’observation de l’évolution humaine et de ses dérives.
Au final, un album sympathique, s’écoutant avec grand plaisir, qui reste néanmoins trop proche des premiers
Rhapsody et de ce fait moins marquant musicalement. Ce qui ne lui ôte cependant rien musicalement, ni sa qualité d’écriture intrinsèque, ni ses hymnes ("Black
Dragon", "
Legend of Steel", "
The Ancient Forest of Elves") et encore moins le talent de Luca pour composer de manière insatiable une musique toujours plus grandiose et cinématographique. L’expression d’un jeune enfant, ayant gardé les étoiles pleins les yeux de ses passages au cinéma, et rêvant un jour de rivaliser avec ses maitres. Jour qui arriva finalement…pour le meilleur et pour le pire…
Bonne(s) chronique(s), et reposes toi bien :)
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