Hushed and Grim

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18/20
Nom du groupe Mastodon
Nom de l'album Hushed and Grim
Type Album
Date de parution 29 Octobre 2021
Style MusicalMetal Progressif
Membres possèdant cet album78

Tracklist

DISC 1
1.
 Pain with an Anchor
 05:01
2.
 The Crux
 04:59
3.
 Sickle and Peace
 06:17
4.
 More Than I Could Chew
 06:51
5.
 The Beast
 06:03
6.
 Skeleton of Splendor
 05:04
7.
 Teardrinker
 05:20
8.
 Pushing the Tides
 03:29

Durée totale : 43:04



DISC 2
1.
 Peace and Tranquility
 05:55
2.
 Dagger
 05:12
3.
 Had It All
 05:25
4.
 Savage Lands
 04:24
5.
 Gobblers of Dregs
 08:34
6.
 Eyes of Serpents
 06:49
7.
 Gigantium
 06:54

Durée totale : 43:13

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Mastodon


Chronique @ JeanEdernDesecrator

21 Novembre 2021

Si ce n'est pas l'album ultime de Mastodon, ça y ressemble beaucoup,

J'aime bien les vidéos rigolotes que les gars de Mastodon font avant de sortir un album : recettes de cuisine dégueu, farces débiles et autres joyeusetés vidéoludiques qui tranchent avec l'atmosphère volontiers oppressante de leurs disques. Une facette quasi absente de leur expression musicale, mais qu'ils mettent un point d'honneur à cultiver, et ils ont bien raison.
D'autant plus que le destin de Mastodon a fait que sa musique a été souvent liée à des circonstances difficiles, et y a trouvé un exutoire. Ainsi le deuil de Skye, la sœur du batteur Brann Dailor, a-t-il été le sujet de "Crack the Skye", un de leurs plus beaux albums. Leur manager et ami Nick John, qui avait veillé des années sur la destinée de Mastodon est décédé en 2018 ; son souvenir a accompagné le quatuor tout au long de la création de leur septième album, jusque sur la pochette, où il est représenté au creux d'un arbre symbolisant la vie.

Je ne vous ferai pas l'injure de faire la bio d'un groupe qu'on ne présente plus, enfin si, un petit peu, soyons gentils. Crée en 2000 à Atlanta autour du guitariste Bill Kelliher, du batteur Brann Dailor, de Brent Hinds (guitare, chant), et de Troy Sanders (basse, chant), le groupe se fait très vite remarquer et décroche un deal avec Relapse Records. Dès leur premier LP "Remission" en 2002, ils impressionnent, avec un sludge metal surpuissant dominé par le bouillonnant jeu de batterie de Brann (paye tes roulements !). Leurs albums suivants "Leviathan" (2004), "Blood Mountain" (2006) enfoncent le clou et sont devenus des classiques du genre. Le groupe a fait un virage risqué vers le prog et un stoner psychédélique avec "Crack the Sky" (2009), qui a cependant bénéficié d'une réception critique presque unanime. Leurs derniers LPs "The Hunter" (2011), et "Emperor of Sand" (2017) étaient certes bons, mais il me semblait que le combo voletait un peu en vitesse de croisière. Depuis son dernier album studio en 2017, le groupe nous avait laissé pour patienter un EP "Cold Dark Place" partiellement acoustique et "Medium Rarities", une compilation assez hétéroclite avec quelques raretés comme son nom l'indique.


La composition du successeur d'"Emperor of Sand" a débuté à partir de la fin 2019 jusqu'au premier confinement, puis le travail a repris quatre mois après, pour arriver à un total d'une vingtaine de morceaux. Après avoir discuté, ils décidèrent d'en enregistrer quinze et d'en faire un double album : puisqu'aucune tournée n'était prévue, ils avaient tout le temps nécessaire. Troy Sanders ayant acheté un immeuble avec leur local de répétition doublé d'un petit studio d'enregistrement à Atlanta, les gars ont pu mettre en forme et maquetter à loisir leur septième album, malgré la pandémie. Le producteur David Bottrill (Muse, Tool, Silverchair…), a ensuite pu les rejoindre et repiquer les sessions pour les mettre au propre avec le groupe et travailler dessus.

"Hushed and Grim" est sorti le 29 octobre 2021 chez Reprise Records (Warner). On se rend vite compte qu'il est de la trempe des double albums cultes : une évidence se dégage de chaque riff, comme lors de cet intermède incroyablement touchant qui s'abat avec une majesté lumineuse au milieu de "The Crux". La douceur émouvante de "Sickle and Peace", dont les guitares tricotent une dentelle délicate, côtoie des riffs incroyablement heavy dont Mastodon a le secret. Les soli sont enlevés, écorchés et bruts, comme s'ils étaient improvisés, avec des sons parfois tordus. Les morceaux peuvent dépasser facilement les cinq ou six minutes, sans qu'on voie temps passer. La parenté avec "Crack the Skye" est évidente, on y retrouve la même sensibilité à fleur de peau, ces émotions déchirantes qui coulent par tous les pores et s'évaporent dans les limbes. Gargantuesque dès les premiers titres, il est tellement riche et abouti que j'ai pris une petite pause mentale pour réaliser qu'il me faudrait longtemps pour le digérer, et que j'allais pouvoir revenir de nombreuses fois dessus et me repaître de nouveaux détails que je n'avais pas entendu.
C'est aussi un des albums les plus prog du groupe, comme avec ce riff tortureux de tarentule sur "Peace and Tranquility", qui essaie de vous boulotter les oreilles. Certains refrains semblent sortir de nulle part, comme une révélation divine, vous saisissant d'une stupeur jouissive.
Mastodon s'impose de toute sa pesanteur, avec la noirceur impénétrable d'un Neurosis. Le groupe a su ne pas tomber dans la surenchère technique, avec des titres plus calmes et presque humbles dans l'esprit ("More Than I Could Chew", "Skeleton of Splendor"), et ose mettre à nu sa douleur et ses émotions les plus intimes, avec un "Teardrinker" qui m'évoquerait le Metallica de "The Unforgiven". On entend toute la tristesse face à la souffrance, la mort, et la fragilité de la vie, dans des mélodies où la détresse est palpable ("Pain With an Anchor"). La profondeur des lignes de chant, partagé entre Troy, Brent, et Brann, nous ramène à "Crack the Skye", dans une même catharsis pour s'extirper du deuil.

L'ambiance peut se faire carrément bluesy sur "The Beast" et son riff poussiéreux s'élevant d'un feu dont les braises crépitent, avant de s'enflammer soudainement. De purs moments de grâce parsèment cet album, rappelant même le regretté Jeff Buckley. Le Léviathan semble sur le point de s'endormir d'un sommeil éternel à certains moments, son rythme cardiaque ralentissant encore. Quelques touches psychédéliques se mêlent à l'onirisme, avec l'adjonction de Moog ou de sons de guitares aliens des années 80. On aurait pu avoir peur que les américains en oublient d'envoyer un peu le pâté, comme on dit vulgairement, et c'est heureusement le cas sur des morceaux comme "Pushing the Tides" et "Savage lands", où on retrouve le Mastodon fonceur qui écrase tout sur son passage. Le rythme s'accélère enfin, avec une batterie rentre dedans, et des enchaînements des riffs plus directs.

"Hushed and Grim" est un véritable double album dans l'âme, construit sur la durée. C'est un aboutissement de la musique du groupe, qui ne semble prendre conscience de son ambition déraisonnable qu'en arrivant à son terme, en choisissant comme dernier titre "Gigantum".
La deuxième moitié du double LP est plus mystique, éthérée, comme une envolée de l'âme après la noirceur de la première partie, une acceptation de la perte et de la vie qui vous rattrape et vous entraine avec elle. Une quiétude libératrice apparait en fligrane, comme le solo de la fin de "Eye of Serpents", brisé par ces notes dissonantes et douloureuses avant un enchaînement plus enjoué. Alors qu'on arrive au-delà du seuil de l'heure, on s'attendrait à ce que le groupe s'essouffle et commette les trop redoutés "titres de trop" ; remplir un double album n'est pas moins facile que pour un simple, même si on a pléthore de matériel. Ce n'est pas le cas, heureusement.
Le coté onirique et mystique qui émaille les compositions de Mastodon se déploie comme une fleur de lotus sur "Dagger", un trip aérien aux effluves hindoues, tribales mélangées. Quelques claviers psyché viennent encore exacerber la bizarrerie de l'ambiance. On notera aussi quelques invités de marque, comme Kim Thayil qui a posé un solo sur le touchant "Had it All", où plane il est vrai un certain air de Soundgarden.

L'ensemble de l'œuvre est d'une fluidité extrême mais parfois le groupe ose shunter toute transition entre deux parties en faisant une coupure d'une netteté qui vous pend en l'air (la façon dont "Gigantum" se stoppe littéralement avant de repartir sur une fin totalement différente dans l'ambiance). Si cet opus m'a comblé d'un point de vue artistique, mélodique, instrumental et j'en passe, je me dois de légèrement tempérer mon enthousiasme et de chercher la petite bête. Il manque tout de même le Mastodon brutal et percutant des premières années, et j'aurais aimé que le groupe ose se mette franchement en colère, pour nous procurer quelque acmé de violence salvatrice. Mais difficile de leur reprocher de ne pas avoir forcé le trait, car ils ne trichent pas, à l'évidence, et c'est comme si une magie avait transposé toutes les émotions de Brent et ses hommes en musique.

Je ne sais pas ce que la postérité retiendra de cet album, les années passant, mais je n'en finis pas d'être stupéfait de la richesse, d'être sidéré par la beauté de tant de passages mémorables. Si ce n'est pas l'album ultime de Mastodon, ça y ressemble beaucoup, et il est clair qu'ils n'ont pas fini de surprendre.

3 Commentaires

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Lordmike - 22 Novembre 2021:

Ah ben pour moi qui ne trouve pas les premiers disques à son goût et qui mets Crack the Skye sur un piédestal je pense que je vais être conquis. Depuis le temps que j'attendais qu'ils repartent vers un disque dans cette veine là.

Même si je m'attends évidemment à un disque bien différent je suis curieux de l'écouter maintenant.

Le côté bluesy que tu évoques pique également ma curiosité.

Merci pour la chronique.

HeadCrush - 22 Novembre 2021:

Putain de chronique JED, une fois de plus total RESPECT.

Je partage complètement tes propos, ce double est vraiment énorme, une de ses qualités et non des moindres étant qu'à l'écoute on oublie qu'il est double tant les titres passent avec simplicité et facilité alors même que leur longueur est non seulement très variable mais que le niveau technique est monstrueux et ce, de l'avis même des musiciens.

Même si j'ai acheté et écouté les deux précédents skeuds, avec une préférence pour le One more round... je crois que, come tous, j'attendais un digne successeur à Crack et bien le voilà. Curieux de voir la suite.

JeanEdernDesecrator - 23 Novembre 2021:

Merci pour vos commentaires ! En temps normal, les albums trop longs m'ennuient, en étant trop délayés, mais là c'est vraiment pas le cas, ils ont fait long, mais pas interminable. Je préfère celui-ci à "Crack the Skye", que j'avais mis du temps à apprécier.

J'avais pas parlé de la prod, qui est impeccable, bien puissante (la grosse caisse très en avant, par rapport à la caisse claire, mais je chipote).

Merci à Oldman66 d'avoir relevé une coquille, tous chantent sur l'album... sauf Bill Kelliher bien sûr ! J'ai corrigé ça.

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