Julien a déjà tout dit dans sa chronique, pourtant je ne peux m’empêcher d’exprimer tout ce que me procure ce disque, celui qui est peut-être le plus précieux et le plus choyé de ma discographie personnelle. Dire que je l’ai acheté sur un coup de tête quelques semaines après sa sortie, en 1993, sans vraiment mesurer la valeur de ce disque...Dire qu’aujourd’hui il est introuvable, quelle hérésie...
Comment définir
Grin simplement ? Je le vois personnellement comme l’aboutissement final en forme d’apothéose de l’évolution artistique d’un groupe de génie. Et il n’est pas paradoxal de constater que c’est dans son oeuvre la plus lente, la plus dépouillée et la plus pure que se matérialise l’art absolu de
Coroner. Pourtant, à ses origines, le trio Helvète semblait avoir tant de choses à exprimer musicalement qu’il jouait un thrash technique ultra sophistiqué, complexe, baroque. A des années lumières de
Grin. Mais son talent et son potentiel intacts, le groupe a cheminé en mûrissant d’albums en albums, parvenant à gagner en maîtrise pour, touche par touche, épurer ses structures, affiner sa musique, éliminer les figures de style inutiles tout en concentrant avec toujours plus de force et de puissance son art créateur. Abandonnant définitivement toute référence à un modèle stylistique, toute construction superflue, gommant la moindre note qui pourrait nuire à la signification musicale profonde,
Grin est né, touchant à la perfection, dépouillé et pur.
Pour apprécier l’oeuvre, il convient néanmoins de prendre quelques précautions. Pour ma part, j’estime que la meilleure situation pour appréhender
Grin est de l’écouter entièrement, d’un trait, dans des conditions telles que l’on peut se laisser plonger sans dérangement dans la musique. Il convient également d’avoir le relâchement et la patience nécessaire pour se laisser hypnotiser.
La musique proposée est en effet hypnotique. C’est notamment le cas des deux premiers titres, aux structures redondantes, aux riffs épurés et à la batterie maîtrisant l’art du contre-temps, ce qui au fil des minutes vous rend prisonnier des compos, et ce qui prépare le terrain pour mieux apprécier les soli libérateurs et quasi mystiques. Mid-tempo sur The Lethargic Age, plus rapide sur Internal Conflicts, cette entrée en matière constitue une passerelle musicale avec le thrash de l’album précédent,
Mental Vortex, tout en augurant l’atmosphère incroyable qui va se révéler par la suite.
Le coeur de l’album, passé ces premières dix minutes, bat à un tempo plus lent; l’incroyable maîtrise des mélodies et des constructions, tout en subtilité et en précision, emmène l’auditeur dans un voyage profond vers des sentiments exacerbés, de la douce mélancolie, à la colère, à une morbidité glaciale ou un désespoir d’une obscurité incroyable. Cette débauche d’émotions, cette intensité évocatrice des atmosphères visitées, constituent tout bonnement un tour de force. En effet, pris avec un peu de recul, ces morceaux sont fortement teintés d’une froideur presque industrielle par moments, et leur dépouillement confine avec l’austérité. C’est là justement que j’y trouve une forme d’apothéose: l’incroyable union de la forme fondamentalement redondante et épurée, et la richesse et la profusion du fond musical. Je ne trouve aucun autre artiste ayant réussi ce tour de force. Quand bien même
Celtic Frost s’en est approché avec
Monotheist, les sentiments et les émotions transmises, bien que très intenses, n’ont pas la richesse et la diversité de celles que l’on éprouve à l’écoute de
Grin.
Cette lente évasion musicale atteint des sommets de bonheur avec le titre Paralized,
Mesmerized, dont on souhaiterait qu’il dure de longues, longues minutes encore...l’hypnose étant désormais totale,
Coroner parachève son oeuvre par un prodigieux
Grin, agressif à souhait. La lente montée en régime explose dans un blast libérateur qui nous achève longuement, la batterie faisant son oeuvre quasiment seule, livrée à elle-même, sans figure de style aucune; c’est simple, mais tellement pertinent à cet instant. Enfin, comme pour aller au bout de son exploration musicale qui devient abyssale, il y a Host, ce long monologue destructuré, amené par un riff de basse désabusé d’une noirceur sans égale.
Entre folie et colère, monumental et violent comme une agonie...puis le silence, sur un fond de bruit de mouches. Un silence de mort.
Je ne vais pas en rajouter. Vous aurez compris que me concernant,
Grin va bien au delà d’un simple disque de metal. Je ne peux que vous souhaitez de connaître les mêmes sentiments à son écoute.
Je suis heureux, cette oeuvre d'art est nouveau disponible en réedition, un prix très correct.
Yes enfin, on va pouvoir les racheter à prix raisonnable.
Oui, c'est fait, j'avais 3 cassettes que j'avais acheté à l'époque. Je les avais vu en concert en 1991 à la Seyne sur Mer dans le Var. On y était allé avec deux potes dans ma GSA qui a failli tomber en panne au retour, concert mémorable, il y a presque 30 ans ..... Merde, ça passe vite......
Bref, cet album "Grin" est vraiment excellent. A écouter au calme en analysant chaque note, un pur régal.
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