Tout en suivant leur ligne directrice, il est des projets artistiques ne s'y réduisant pas exclusivement, témoignant à la fois d'une graduelle mais réelle évolution stylistique et d'une indéfectible inspiration compositionnelle de leurs auteurs, offrant par là même à l'auditeur un kaléidoscope de notes aux multiples facettes nourri d'inédites sonorités. Et ce, à l'instar de ce créatif quintet finlandais fondé à Helsinki en
2012 sous l'impulsion de l'émérite mezzo-soprano
Heidi Parviainen (ex-
Amberian Dawn). Aussi, après un luxuriant «
Behind the Black Veil » (2015), un enjoué «
The Puzzle » (2016), un dantesque «
The Golden Moth » (2018), le combo nord-européen nous revient-il doté d'un quatrième opus répondant au nom de «
Grim » ; une galette généreuse de ses 55 minutes et de ses 12 pistes, signée, cette fois, chez
Napalm Records, nous plongeant à nouveau dans un univers metal mélodico-symphonique gothique et cinématique, dorénavant enrichi d'un soupçon de modernité et d'originalité que pourraient avoir à lui envier ses illustres devancières...
Dans ce dessein, aux côtés d'
Heidi, se conjuguent à nouveau les talents de : Sami-Petri Salonen et Erkka Korhonen (Raskasta Joulua, ex-
Northern Kings, ex-
Ari Koivunen), aux guitares ;
Rude Rothstén (Hammerhed, Stoner
Kings), à la basse : Thomas Tunkkari (ex-Anaktorian), à la batterie. Avec le concours, pour l'occasion, des empreintes vocales de Juha-Pekka Leppäluoto (Raskasta Joulua,
Northern Kings, ex-
Charon, ex-
Poisonblack) et Jasse Jatala, finaliste à l'émission ''The
Voice of Finland'', en 2019. De cette étroite collaboration naît un quatrième concept album à la fois tonique, romanesque, théâtral, mystérieux, obscur, jouissant d'un enregistrement de fort bonne facture, dispensant un mixage parfaitement équilibré entre lignes de chant et instrumentation, et ne concédant pas l'ombre d'une sonorité résiduelle. Ce faisant, nous y attend un monde fantasmagorique aux allures de conte de fées, un espace empli d'orbes et de magie, où
Luna en est la protagoniste principale. Il s'agit, selon
Heidi, de l'amorce d'une « histoire basée sur un thème Horror Fantasy », histoire dont il nous tarde d'effeuiller les premières pages...
Comme à l'accoutumée, révélant parallèlement d'immaculées sonorités, l'énergie finlandaise n'aura de cesse de disséminer de sémillants et mémorables arpèges d'accords, à commencer par ses passages les plus cadencés. Aussi, si c'est à pas de velours que s'ouvre le bal, à l'aune de la cinématique, aérienne, intrigante et brève entame aux ondoyantes nappes synthétiques « My Name Is
Luna », l'escadron instrumental ne saurait tarder à fendre l'air. Ainsi, par un délicat fondu enchaîné lui succède «
The Chosen One », pulsionnel et élégant effort estampé metal symphonique, rappelant tant les premiers soupirs du combo qu'un
Amberian Dawn seconde mouture, où des riffs résolument acérés adossés à une frondeuse rythmique fusionnent avec de fines et insoupçonnées perles de pluie organiques. Mis en exergue par les pénétrantes envolées lyriques de la sirène et calés sur une enchanteresse ligne mélodique, couplets finement ciselés et refrains immersifs à souhait se déversent avec célérité dans nos tympans alanguis. Un poil plus véloces et non moins fringants, nous octroyant tous deux un infiltrant cheminement d'harmoniques, les tubesques up tempi «
Illuminate » et « The
Hex », quant à eux, ne lâcheront pas leur proie une seule seconde.
Répondant à un souci de diversification atmosphérique et oratoire, d'autres espaces d'expression tout aussi éruptifs happeront, à leur manière, le pavillon du chaland. Aussi, à la fois ensorcelant et tourmenté, doté d'enchaînements intra-piste ultra sécurisés et d'un sillon mélodique d'une confondante fluidité, « The
Wolf and the Maiden » serait, lui aussi, à classer parmi les hits en puissance que l'on ne quittera qu'à regret. Et ce ne sera pas le duo mixte en voix claires et en parfaite osmose, unissant les cristallines patines de la belle et les profondes et anxiogènes inflexions de JP Leppäluoto, qui nous déboutera de ce tourbillon de saveurs exquises, loin s'en faut.
Plus chaotique et théâtralisant, « All Ears! », pour sa part, nous plonge dans un univers metal symphonique gothique aux relents dark, où d'inquiétants screams s'invitent à cet étrange et magnétique bal des vampires.
Par ailleurs, à l'image de ses pièces en actes rock'n'metal symphonico-progressif, la troupe trouve là encore matière à nous retenir plus que de raison, et ce, sans avoir à forcer le trait. Ce faisant, cette dernière nous dévoile tant la féconde inspiration mélodique de ses membres qu'une technicité instrumentale coulée dans le bronze. Un exercice de style ô combien complexe, souvent requis par l'aficionado du genre, si souvent appelé de leurs vœux et pourtant redouté par nombre de ses pairs, et qui sied à merveille à nos compères. Ce qu'atteste, d'une part, l'épique et gracieux « Melancholia », mid/up tempo déployant ses 6:28 minutes d'un spectacle abondant en coups de théâtre. Plaçant un break opportun prestement relayé d'un flamboyant solo de guitare, lui-même balayé par une bondissante reprise sur la crête d'un refrain catchy mis en habits de lumière par les soufflantes impulsions en voix de tête de la déesse, c'est dire que le plantureux et tortueux méfait recèle de bien séduisants atours. D'autre part, à la fois dévastatrice et romanesque, la cinématique fresque « Mörk » multiplie ses effets de contraste atmosphérique, rythmique et vocal, l'angélique filet de voix de la princesse et les serpes oratoires de Jasse Jatala offrant un inattendu face à face. Et la sauce prend, une fois encore...
Quand il ralentit un tantinet le rythme de ses frappes, le collectif nous immerge volontiers dans une mer limpide à la profonde agitation intérieure. Aussi ne mettra-t-on que quelques secondes pour se voir aspiré par la vague de submersion qui va s'abattre sur nous sous l'impact de « La Folie Verte », énigmatique et entraînant mid tempo opératique dont la théâtrale ambiance n'est pas sans renvoyer à «
The Puzzle ». Un original et délicat effort pourvu d'arrangements d'excellente facture, au spectre rythmique élargi et porté par les saisissantes et limpides modulations de la belle, qui pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan. Dans cette mouvance, on retiendra également « The
Devil's Peak », mid tempo progressif aux riffs roulants, pourvu d'ondoyants gimmicks guitaristiques et d'une mélodicité toute de nuances vêtue.
Lorsque s'apaisent les tensions et que les lumières tamisées viennent feutrer l'ambiance, nos acolytes nous livrent alors leurs mots bleus les plus sensibles, ceux que l'on ne quittera qu'avec l'indicible espoir d'y revenir sitôt l'ultime mesure de chacun de ces instants privilégiés envolée. Ce qu'illustre, tout d'abord, « Iceheart », ballade atmosphérique d'une sensibilité à fleur de peau, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique. Doublée d'inattendues et hypnotiques sonorités extrême-orientalisantes, et mise en habits de soie par les hypnotiques volutes de la maîtresse de cérémonie, la tendre aubade fera plier l'échine à plus d'une âme rétive autant qu'elle gagnera d'un battement de cils le cœur de l'amateur du genre intimiste. On ne saurait davantage éluder « The
Dark Throne », romantique ballade aux airs d'un slow qui emballe, dans le sillage de
Angelzoom. Voguant sur d'amples et soyeuses nappes synthétiques, livrant un refrain certes convenu mais des plus frissonnants, le caressant effort ne poussera pas moins à une remise du couvert.
Carton plein donc, et pour la quatrième fois consécutive, pour la formation finlandaise, celle-ci ayant réussi à unifier des tendances que tout semblerait opposer, son audacieuse, charismatique, émouvante et rutilante offrande nous intimant par là même de ne pas quitter prématurément le navire. Adjoignant des touches électro, dark gothique et orientalisantes à son espace rock'n'metal mélodico-symphonique gothique et cinématique originel, étoffant sa palette d'exercices de style des plus variés et menés de main de maître, avec quelques prises de risques à la clé, l'inspiré quintet oriente ainsi le regard vers l'avenir sans pour autant avoir tourné le dos à son passé.
Ayant opté pour l'exploration d'horizons vierges de toute incursion de sa part, enrichissant ainsi son déjà opulent répertoire de sonorités inédites et judicieusement amenées, apposant son sceau artistique et technique sur chacune des portées de ce méfait, le groupe convainc de son potentiel tout en dévoilant une personnalité aujourd'hui affermie. On comprend qu'à l'instar de cet éclectique et surprenant effort, la troupe nous embarque pour un voyage ascensionnel en terre d'abondance. Bref, un quatrième gemme concocté par le combo, susceptible d'élargir le champ de son auditorat et de conforter un peu plus son assise parmi les valeurs de référence de ce si prisé registre metal. Chapeau bas...
Ce Dark Sarah à l air d être un grand cru. Merci pour cette chronique exhaustive. J ai bien accroché aux extraits dévoilés surtout Melancholia.
Merci à toi pour ce retour. A côté de "Melancholia", que j'apprécie aussi particulièrement, je retiendrais également "The Wolf and the Maiden", pour le saisissant duo avec JP Leppäluoto, l'entraînant "The Hex", le dantesque "Mörk" ou encore la magnifique ballade "The Dark Throne", bien que les autres morceaux ne soient pas en reste, loin s'en faut...
Le meilleur album de Dark Sarah! J'adore
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