« On ne vous demande pas de penser, il y a des gens payés pour ça »
Frederick Taylor
Il y a des gens pour penser et d’autres pour produire. Il y a un mouvement cyclique. Il y a une machinerie. Il y a une roue qui tourne. Il n’y a plus d’humanité.
De tous les rouages de la société, de toutes les activités humaines, ce mouvement cyclique existe. Il y a les crans et les boulons magnifiquement parallèles et alignés sur un chemin construit en amont. Et pour chaque centaine de crans existent peut-être un ou deux qui oseront, un jour, sortir du joug de la machinerie pour briser l’immense cadran mécanique. Peut-être…
Ainsi, nous pourrions résumer le power metal allemand à un immense rouage métallique parfaitement huilé, parmi lequel les
Iron Savior,
Helloween,
Gamma Ray ou autre
Stormwarrior seraient les éléments les plus sûrs. Si les joyeux lurons d’
Edguy tentèrent de briser les mécanismes établis, l’engrenage reste imperturbable.
D’abord d’un aspect plus rugueux, plus immédiatement brutal et agressif,
Symphorce n’en reste pas moins un pur produit de l’industrie métallurgique allemande, imperturbable, carré, sans aucune once de concession et surtout d’innovation. Néanmoins, une nouvelle fois, le produit fini est si fin et si imperceptiblement parfait que l’idée de s’en séparer en deviendrait presque insultant.
Symphorce dispose de tout ce que le power metal allemand se doit d’avoir, et même plus encore, à savoir un brin d’inspiration supérieur et une atmosphère bien plus chargée que ses concurrents…
L’incorporation de guitares sept cordes et d’une basse cinq cordes, malgré leurs aspects parfois un peu futiles, apporte indéniablement une plus grande noirceur dans un univers souvent raillé par son manque de sérieux et de maturité. Cédric Dupont a pu ainsi dévoiler le côté le plus sombre de sa personnalité en quittant
Freedom Call pour se focaliser sur
Symphorce. On ne pourra renier également le timbre magnifique de voix d’Andy B.Franck, bien plus appuyé que par le passé, signe qu’on avait entrevu sur un
Twice Second déjà plus menaçant.
Les allemands ont préféré laisser la vitesse pure de côté pour plomber leurs riffs au maximum et créer une sensation de bulldozer écrasant à la production plus qu’exemplaire. Un titre comme "
Nowhere", impose une mélodie certes entêtante mais lourde et carnassière, simple mais brutalement rude (restons dans un contexte power évidemment…) sur laquelle Andy subjugue par la sensibilité et la justesse de sa voix. Sans jamais dévoiler de velléités ostentatoires, il chante avec ses tripes et ses couilles et l’on ressent une envie d’en découdre qui fait clairement du bien.
"Everlasting
Life" ouvre le disque quant à lui sur un riff monstrueux surplombé d’une batterie en béton armé (made in Germany of course !) tout en conservant une vision moderne empêchant de ressentir un quelconque sentiment de plagiat.
Symphorce n’innove pas mais
Symphorce est
Symphorce… à la personnalité forte, froide et carrée. Le génial "Haunting", ambitieux et solennel (ces accords plus tordus et dissonants…), montre que les allemands ne cherchent pas à faire les choses comme les autres. Les chœurs se font très sombres, presque incantatoires, la ligne vocale s’éloigne vers le thrash tandis que de multiples subtilités titilleront l’oreille d’un auditeur pris au piège d’une production très dense. Si l’on regrettera des morceaux globalement trop courts (entre trois et quatre minutes), le groupe semblant lui-même s’empêcher de briser plus durablement le mécanisme de la conformité, on se délectera de ce "
Godspeed" sur lequel nous n’aurons finalement rien à redire concrètement.
Le plus speed et taillé pour le live "Without a Trace" continuera de nous faire penser que
Symphorce fait sa musique comme il l’entend et le fait surtout avec brio, notamment sur ce refrain parsemé d’arpèges latents avant de voir les riffs s’engouffrer dans un tourment de rudesse (et ce solo qui déboule de nulle part…).
Godpseed ne marque certes pas le monde musical déjà bien ancré de
Symphorce et ne bouleversera pas les auditeurs de ce style musical en général, y apportera de la fraîcheur tout au plus, rien que par le timbre si particulier d’Andy, qu’il délivre avec autant de perfection dans
Brainstorm. Néanmoins, ce cinquième opus est une porte vers un
Become Death qui verra le jour deux ans plus tard et qui, lui, placera les allemands dans des sphères définitivement plus extrêmes. Entre album de transition et souci de ne pas complètement s’éloigner des racines,
Symphorce signe avec
Godspeed un disque qui s’écoute sans faim… dont nous pourrons nous délecter à loisir, à condition de ne pas vouloir se repaître uniquement de confiseries fines.
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