Des couches opaques et glacées, des arrangements spectraux pour des titres très longs emplis d’une noirceur étouffante…
The Ruins Of Beverast est fidèle à la recette qui a fait sa réputation. Pourtant il n’est pas possible d’accuser Alexander
Von Meilenwald de se reposer sur ses lauriers. Aucun de ses albums ne ressemble au précédent. En alchimiste du son le musicien exploite toutes les ressources de son imagination et de son inventivité pour donner vie à l’entité
The Ruins Of Beverast. Semblable à un Frankenstein musical constitué de
Doom putrescent et de Black
Metal rituel, cette manifestation ectoplasmique s’élance hors du charnier natal, arpentant le monde à la recherche d’un salut qui ne viendra certainement jamais.
Après le semi-échec du conceptuel et adipeux
Blood Vaults (2013),
The Ruins Of Beverast reste droit dans ses bottes et nous offre en 2017 rien de moins que son meilleur album depuis le mémorable
Rain Upon the Impure (2006).
Exuvia peut être envisagé comme la synthèse du savoir-faire de l’alchimiste allemand : ici et là on reconnaît les moiteurs épiques et funèbres de
Rain Upon the Impure ("Maere (On a
Stillbirth’s Tomb"), "The
Pythia’s
Pale Wolves"), le
Doom/Death érémétique de
Foulest Semen of a Sheltered Elite (2009) ("Towards Malakia"), l'effluve
Cold et martial de l’instinctif
Unlock the Shrine (2004) ("Surtur Barbaar Maritime") ou encore les textures electro obsessionnelles de
Blood Vaults sur le titre éponyme. Est-ce à dire que
Von Meilenwald se contente de recycler le passé ? Que nenni ! Certes
The Ruins Of Beverast ne fera jamais que du
The Ruins Of Beverast, mais d’album en album il parvient à corriger les faiblesses de ses travaux précédents. Qui, sinon un artiste intègre et entièrement dévoué à son art est capable de se remettre en question ainsi ? Alexander
Von Meilenwald élabore ses compositions comme un peintre ses toiles : touche par touche il développe sa palette personnelle (charbonneuse en l’occurrence), accentue l’expressivité du geste, des détails jusqu’à atteindre un point où l’œuvre devient autonome, un monde en soi. Car, oui, chacun des albums de
The Ruins Of Beverast est son propre univers. Et c’est encore plus vrai avec
Exuvia.
Inspirées par le chamanisme et les cycles régénérateurs de la vie et de la mort, les sonorités de ce nouvel album sont particulièrement ritualistes, confinant presque au psychédélisme. Mais ici point de kaléidoscope coloré et nous sommes très loin du chamanisme écolo pour plantes vertes vanté par les magazines de développement personnel. L’essence de
The Ruins Of Beverast c’est le Black
Metal ! Je ne résiste pas à l’envie de dresser un parallèle avec l’excellent album Henbane (2013) de
Cultes Des Ghoules car, thématiquement, ces deux oeuvres sont relativement proches. De plus, chacune à sa manière développe une musique très personnelle, lourde, à l’aura occulte, vénéneuse et dérangeante.
Les visions totémiques qui animent
Exuvia semblent avoir agi comme une cure de jouvence sur la créativité de
Von Meilenwald. Son écriture toujours très fouillée est ici plus limpide et suggestive que jamais. Derrière le mur de guitares froid et organique bien connu des fans, les ambiances tournoient tels des esprits follets dans la lumière cireuse d’un crépuscule fantomal. Riches en variations, les compositions alternent rythmiques tribales, exclamations martiales et passages rapides issus d’un Black
Metal plus traditionnel. En tant que batteur Alexander
Von Meilenwald n’a vraiment plus rien à prouver. En tant qu’arrangeur non plus d’ailleurs tant les détails foisonnent : chœurs et voix liturgiques, échos et réverb’ éthérés, discrètes dissonances spectrales, motifs électroniques lunatiques et samples divers apportent de l’épaisseur aux atmosphères. L’artiste-alchimiste ne laisse rien au hasard et chaque son ou effet est travaillé selon sa capacité à enrichir l’ensemble. C’est ainsi qu’avec succès le musicien a recours à une cornemuse, étoffant ainsi le climat recherché, un climat qui emprunte souvent les contours de la Darkwave et de l’Indus.
L’art de
The Ruins Of Beverast est exigeant et paraîtra probablement obscur, voire hermétique, aux non-initiés. Résistant à toute écoute en diagonale,
Exuvia demande une immersion totale et attentive. C’est seulement à cette condition qu’il se révélera comme une expérience à la fois viscérale et onirique. Les amateurs de
Cultes Des Ghoules,
Cultes Des Ghoules,
Lunar Aurora,
Lurker Of Chalice ou encore
Blut Aus Nord ont tout à gagner en tentant l’expérience. Pour les autres, je ne saurais trop leur conseiller de découvrir cet album qui figure parmi les meilleurs du genre en 2017.
Merci pour cette chronique qui manquait pour un grand album, encore un, de The Ruins of Beverast. Tu as su mettre des mots justes sur cette oeuvre dense, opaque, ritualiste et hallucinée.
Par contre, en ce qui me concerne, the Blood Vault est également une vraie réussite, comme tous les albums de Von Meilenwald d'ailleurs!
Salut, merci pour ton commentaire ! Pour Blood Vaults sa qualité musicale n'est pas à remettre en question, TRoB est toujours largement au-dessus de la masse. Mais pour ma part je lui trouve quelques longueurs ("A Failed Exorcism" ou "Malefica" par exemple qui me paraissent inutilement longs) et du coup il y a le risque de perdre le fil. Et aussi je trouve qu'il lui manque un petit quelque chose au niveau de l'ambiance. Difficile de dire quoi exactement... Peut-être quelque chose de plus spontané ? de plus fou ? Vu le sujet je le trouve un peu trop posé et propre en fait. Finalement ou on adhère totalement ou on passe à côté j'ai l'impression. J'y suis revenu souvent mais impossible pour moi d'en retenir quoi que ce soit de particulier contrairement aux autres albums.
Je vois ce que tu veux dire. Pour moi, c´est probablement l´un des plus travaillés au niveau des ambiances, et c´est peut-être pour ça qu´il manque un peu de spontanéité, de folie, de ce côté viscéral qui faisait le sel des réalisations précédentes. L´ensemble est monolithique et granitique, manque de moments forts et s´apprécie comme un tout, un bloc de granit de 78 minutes extrêment homogène qui ne s´apprécie que par le subtil jeu des contrastes, trés nuancé. Certainement leur réalisation la plus claustrophobe et difficile d´accés, mais moi, j´ai accorché tout de suite!
Un point de vue intéressant, je voyais pas forcément les choses de cette manière... Après c'est les goûts et les couleurs de chacun ;) Ce qui est sûr c'est que ce groupe hors norme ne m'a jamais déçu. Et même le Blood Vaults n'est pas vraiment une déception à proprement parler, ça reste du 15 ou 16/20 facile ! Ce qui est intéressant avec TRoB c'est qu'il faut prendre le temps de "domestiquer" chaque album, parfois ça passe et parfois non :)
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