De l'eau aura coulé sous les ponts pour la formation ibérique en l'espace des quatre années séparant ce cinquième arrivage de son dantesque et luxuriant prédécesseur «
Dirge for the
Archons ». Le temps pour lui d'essaimer ses riffs et ses voix sur la scène metal européenne, et ce, lors d'événements majeurs (10th Anniversary Tour, aux côtés de
Amberian Dawn et
Crimson Sun (
Boston Music Room (Londres, Royaume-Uni), Elfer Music Club (Francfort, Allemagne), Konzertfabrik Z7 (Pratteln, Suisse), Patronaat (Haarlem, Pays-Bas)), Spanish Tour (Sala Boveda (Barcelone), Sala Lemon (Madrid)), Iberian
Warriors Metal Fest (Centro Civico Delicias (Saragosse))... en 2017 ; Kultur 2018 (Open Air (Arguedas)), Burlada Open Air en 2019, notamment). Un solide background scénique qui se double d'un travail en studio des plus exigeants, le combo caressant désormais l'espoir de franchir une nouvelle étape dans sa déjà longue carrière. Aussi, quelque 14 années suite à sa sortie de terre à Pampelune, sous l'impulsion de la chanteuse lyrique (alto) et flûtiste Zuberoa Aznarez (Tragul, ex-
Dragon Lord...), le groupe espagnol aurait-il désormais les cartes en main pour espérer jouer dans la catégorie des si convoitées valeurs confirmées du metal symphonique à chant féminin ?
Dans ce nouvel épisode, Zuberoa Aznarez et ses compères, – Gorka Elso (ex-
Dragon Lord, ex-
Meridiam) aux claviers, arrangements et grunts ; Alexey Kolygin (Allowance) aux guitares ; David Karrika
Tierra Santa) à la batterie et aux percussions –, nous mènent à nouveau au cœur d'un metal mélodico-symphonique gothique aux relents power et folk, dans la veine de
Xandria,
Epica,
Sirenia,
Dark Sarah,
Imperia et
Lyriel. Pulsionnel, épique et romanesque message musical auquel s'adjoignent d'inédites sonorités et quelques prises de risques, au demeurant parfaitement assumées par le quartet sud-européen. Ecoulé, tout comme son devancier, via le puissant label autrichien
Napalm Records, bénéficiant, cette fois encore, de la patte experte de Gorka Elso à la production et d'un mixage aux petits oignons signé Jacob Hansen (connu pour avoir oeuvré pour
Avantasia,
Bare Infinity,
Delain,
Doro,
Epica,
Evergrey,
Imperia,
Kamelot,
Pretty Maids,
Pythia,
Sirenia,
Temperance, parmi tant d'autres), « Euphonic
Entropy » semble se positionner en digne héritier, tout en élargissant son spectre atmosphérique d'un cran doublé d'un brin d'authenticité. Suivons donc nos acolytes dans leurs pérégrinations, et ce, pour une traversée généreuse de ses 56 minutes où s'enchaînent sereinement 12 pistes aux arrangements de fort bonne facture...
A l'instar de son aîné, tel un rituel immuable dans ce registre, l'opus délivre une brève entame instrumentale d'obédience symphonico-cinématique et progressive en guise d'ouverture. Ainsi, de puissants claquements d'un tambour martial s'unissent à d'ondulantes rampes synthétiques et à des choeurs qui, peu ou prou, prennent l'ascendant à l'aune du ''nightwishien'' « A Lucid Chaos ». Une laconique mais seyante entrée en matière aux airs d'un générique d'une grande production hollywoodienne, pour nous dérouler le tapis rouge...
Comme elle nous y a déjà accoutumés, c'est d'un battement de cils que la troupe trouve les clés pour nous retenir plus que de raison, à commencer par ses pièces les plus volcaniques. Ainsi, à mi-chemin entre
Epica et
Xandria, l'opératique « Race to
Equilibrium » tout comme l'entraînant « Nuevo Rumbo » nous octroient de saisissants effets de contrastes atmosphériques et oratoires. Dotés de riffs résolument corrosifs adossés à une rythmique sanguine, sans jamais relâcher la pression, ces deux toniques efforts glissent parallèlement sur une ligne mélodique apte à générer quelques frissons, au moment où les chatoyantes inflexions de la belle n'ont de cesse de faire front aux growls caverneux d'une bête revêche. Dans cette énergie, on retiendra aussi bien « In Quest of Sense » que « On the Edge » et «
Blind Muse » eu égard à leurs inaltérables et véloces coups de boutoir, et aux célestes attaques en règle d'une inébranlable muraille de choeurs, elle-même coalisée aux cristallines patines de la sirène. Et comment résister à l'onde vibratoire générée par l'éruptif et pimpant « One Step Higher », véritable torche incendiaire aux airs d'un hit en puissance, dans la mouvance du précédent opus ?...
Particulièrement à son aise eu égard à ses amples pièces en actes de nature metal symphonico-progressif, le collectif ibérique le prouve une fois encore, nous livrant ici un méfait à la fois épique, opératique et romanesque. Ainsi, l'altière, pulsionnelle et complexe fresque « Our Last Gloomy Dance » déverse ses 7:27 minutes d'un spectacle éminemment poignant, aux multiples péripéties, dévoilant tout le savoir-faire de la troupe en matière d'arrangements. A nouveau escortée de ses fantassins évoluant en rangs serrés, et élargissant d'un cran son spectre vocal, la maîtresse de cérémonie fera plier l'échine à plus d'une âme rétive. Cependant, en raison du foisonnement de ses variations atmosphériques et rythmiques, aptes certes à ravir l'aficionado du groupe mais susceptibles de décontenancer un néophyte, l'orgiaque propos ne se domptera qu'au fil d'écoutes circonstanciées. Un effort requis mais qui, assurément, portera ses fruits...
Désireux de varier ses ambiances, témoignant par là même d'un zeste d'originalité, le combo intrigue autant qu'il séduit. Ainsi, c'est dans une chaleureuse atmosphère cabaret que nous immerge le frétillant et enjoué « The Misfit's Swing » ; petite fiole de bonne humeur à laquelle on ne s'attendait pas, octroyant d'insoupçonnés et grisants changements de tonalité, laissant entrevoir une basse ronronnante, et mise en habits de lumière par les limpides volutes d'une interprète bien habitée. Un climat rétro ancré dans les années 50, ici parfaitement restitué et jumelé à l'empreinte metal originelle de nos compères. Chapeau bas. Dans une veine folk symphonique, à la confluence de
Lyriel et
Eluveitie, intégralement entonné en langue basque, le tubesque mid/up tempo « Otoi », lui, laisse vagabonder à l'envi sa flûte gracile que relaient une frondeuse rythmique et des percussions tribales. A la fois troublant et diluvien, solaire et empreint de noirceur, enjolivé par les pénétrantes impulsions de la princesse, elles-mêmes faisant écho aux grunts ombrageux de son prince, le manifeste jouerait sur les effets de contraste à deux niveaux. Et la sauce prend, une fois encore.
Que les amateurs de moments tamisés se rassurent, nos compères leur ont concocté deux des plus savoureuses pièces de leur cru, d'une charge émotionnelle bien difficile à contenir. D'une part, on ne saurait éluder « Blurred Dreams », somptueuse ballade romantique aux airs d'un slow qui emballe, tant pour ses fines et enveloppantes nuances mélodiques qu'au regard de ses couplets ouatés que relaye un refrain des plus fondants. Et ce ne sont ni les délicats arpèges au piano ni les envolées semi-lyriques d'une interprète que l'on croirait volontiers touchée par la grâce, elles-mêmes en parfaite symbiose avec la corpulente chorale, qui nous débouteront de l'instant privilégié, loin s'en faut. On n'omettra pas davantage « In the
Vortex », poignante ballade a-rythmique d'inspiration opératico-atmosphérique que n'aurait nullement reniée
Dark Sarah, glissant sur une sente mélodique propice au total enivrement de nos sens. Un moment en d'oniriques contrées, où les profondes attaques en voix de gorge de la diva font mouche où qu'elles se meuvent, la colorature alors révélée par cette dernière nous faisant comprendre que la formation espagnole entre désormais dans une tout autre dimension dont le présent manifeste s'en fait l'écho.
A l'issue de notre périple, à peine l'ultime mesure de la galette envolée que l'on ressent l'irrépressible désir de remettre le couvert. Selon votre humble serviteur, il y a fort à parier qu'un doux sentiment de plénitude envahira l'aficionado du groupe tout comme un pavillon déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs. Tout aussi puissant, épique, charismatique et romanesque, certes moins opulent et rayonnant que son aîné, ce cinquième élément s'avère, en revanche, un poil plus émouvant, authentique, et empreint d'une touche d'originalité à laquelle le combo ibérique ne nous avait pas accoutumés jusqu'alors et qui lui sied à merveille.
Elargissant son spectre atmosphérique et oratoire d'un cran, conférant, en prime, un petit supplément d'âme à son message musical, l'inspiré quartet enrichit ainsi son répertoire de sémillantes et inédites portées. De plus, témoignant d'une ingénierie du son coulée dans le marbre, d'arrangements difficiles à prendre en défaut et de compositions plus personnelles aujourd'hui qu'autrefois, ne concédant pas l'ombre d'un bémol, la galvanisante rondelle aurait les armes requises pour placer définitivement le groupe parmi les valeurs confirmées de ce registre metal. Le temps semble venu pour la formation espagnole de porter l'estocade...
Ta note assez élevée laisse augurer d'un album très recommandable. Merci pour cette belle chronique.
A la fois vitaminé, épique et troublant, techniquement complexe sans démonstration ostentatoire, égrainant des mélodies finement esquissées sans pour autant tomber dans la facilité ou dans un pot de miel, d'une teneur stylistique plus étendue qu'autrefois, parfois inattendue et qui fonctionne, c'est pour moi l'album le plus abouti du groupe et l'un des meilleurs du genre de ce premier semestre de l'année 2020, faisant ainsi jeu égal avec le dernier Delain.
Je vais m atteler à son écoute, il est vrai que The misfit est assez déroutant de prime abord, mais ça fonctionne au final.
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