Et Hav av Avstand

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17/20
Nom du groupe Taake
Nom de l'album Et Hav av Avstand
Type Album
Date de parution 01 Septembre 2023
Style MusicalBlack Metal
Membres possèdant cet album19

Tracklist

1.
 Denne Forblaaste Ruin av en Bro
 11:52
2.
 Utarmede Gruver
 11:07
3.
 Gid Sprakk Vi
 06:15
4.
 Et Uhyre av en Kniv
 13:02

Durée totale : 42:16

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Taake


Chronique @ Ensiferum93

01 Décembre 2023

Un voyage en mer délicieusement connue

Et Hav av Avstand. Une mer de distance. Pour nous, il pourrait simplement s'agir de la mer du Nord, qui nous sépare des terres enneigées de Norvège, où trône Hoest, figure de référence du True Norwegian Black Metal. Mais peut-être que d'autres interprétations sont possibles, comme le reconnaît Hoest qui ne semble pas avoir statué sur sa propre définition à l'origine de ce titre aux moult visions possibles. Qu'elle soit physique, psychique ou spirituelle, cette idée de distance représente un décalage, un intervalle entre deux temps, deux lieux, pourquoi pas même deux conceptions de l'être à travers les âges. Nombreux sont ses compatriotes à avoir évolué (voire se sont complètement métamorphosés) au cours de ces trente dernières années : « For All Tid » de Dimmu Borgir n'a plus rien à voir avec ce qu'on connaît du groupe aujourd'hui, le « Vikingligr Veldi » d'Enslaved ou encore l'éponyme de Borknagar non plus. Même le roi incontesté Ihsahn est aujourd'hui méconnaissable en comparaison avec ses premiers méfaits au sein d'Emperor.

Parmi ces figures qui ont contribué à la deuxième vague du Black Metal, Taake est arrivé quelques années après (seules deux démos parues dans la première partie des 90's sous l'appellation « Thule ») et a véritablement fait l'effet d'une bombe, avec sa trilogie Nattestid – Bjoergvin – Hordaland. Les deux albums suivants montraient également un panache indéniable, tandis que Stridens Hus et Kong Vinter, sans être mauvais le moins du monde, pouvaient quelque peu décevoir tant la composition fougueuse d'antan semblait loin.

Pour qui connaît un peu le personnage (difficile d'ailleurs de le connaître plus qu'un peu au vu de la rareté de ses interviews), vous savez que nous avons affaire à un véritable métronome. De 1999 à 2017, nous pouvions nous délecter d'un album tous les trois ans, composé à chaque fois de 7 morceaux. Nous étions donc en bon droit d'attendre cette nouvelle offrande pour 2020. Mais entre le COVID et des choix personnels, il en fut tout autrement. Alors bien sûr, nous avons eu quelques splits pour nous faire patienter, mais ce ne furent que de maigres amuse-gueules pour nos insatiables appétits.

C'est alors six ans après son dernier full length que nous revient Taake, avec Hoest comme seul maître à bord pour nous proposer cette virée en seulement quatre actes (tonnerre de Brest!) à l'illustration bien plus lumineuse que l'ensemble des précédentes. Loin des nuances de gris qu'il nous desservait jusqu'alors, « Et Hav av Avstand » nous présente Hoest sous un jour nouveau. Après s'être longtemps caché dans des décors obscurs, il se révèle ici sous son plus « beau » jour. De profil, le regard vers un au-delà qu'il semble surplomber, il y figure dans toute sa majesté avec cette aura noire et mystique qui se dégage de sa sombre silhouette. Bien qu'en peinture le clair-obscur soit attribué aux Italiens, notre homme du Nord se le réapproprie dans sa propre vision artistique. Ici, pas d'ombre sans lumière, pas de lumière sans obscurité.

Et le morceau « Et Uhyre av en Kniv » publié une semaine avant la sortie de l'album illustre parfaitement cette complémentarité. Le titre navigue entre des blasts fougueux qui, s'ils ne sont pas d'une rapidité déconcertante, n'en sont que plus aliénants car chaque frappe nous martèle (non, pas Charles, suivez s'il vous plaît...) la boîte crânienne, tandis que les arpèges de guitares apportent ici et là des volutes plus lumineuses. Si l'on écoute ce titre à la volée, on peut le trouver simpliste, basique, et donc décevant après 6 ans d'attente. Il prend néanmoins toute sa place dans l'album et je ne peux que vous conseiller de l'écouter au casque. Non, la musique de Taake n'est pas d'une subtilité exemplaire, l'avoir plus près de vos conduits auditifs ne vous permettra pas de déceler 1001 richesses (encore que..). En revanche, l'ambiance qui s'en dégage sera tout autre. Prêtez attention à la variation de ce blast à 5'30 qui se base désormais sur une grosse caisse syncopée, comme un cœur qui bat. Sentez comme le vôtre s'emballe, appelle à l'aventure. Ressentez comme l'harmonie des cordes vous fait vivre des sentiments aussi riches qu'ambivalents, entre nostalgie, espérance et vacuité de tout espoir. Ce cœur qui battait jusqu'alors avec la fureur de vivre s'estompe jusqu'à désormais s'arrêter, les guitares s'assombrissent, grincent, se délitent et ne deviennent qu'un bip aussi traumatique que celui (in)hospitalier annonçant la fin d'une vie.

Heureusement, Hoest mène sa barque de sorte à varier les énergies, et avec « Denne Forblaaste Ruin av en Bro » qui débute le voyage, autant dire que les vagues nous ballottent sans répit avec des alternances entre binaire et ternaire, des riffs grinçants ici et d'autres dansants là. On retrouve tout ce qui a fait la force de Taake : une voix écorchée faite de « hu » et « hou » caractéristiques, de nombreuses ruptures rythmiques et des petits soli inspirés au cours desquels on retrouve la patte du maître qui n'est pas dans la démonstration, privilégiant l'enrichissement sonore de son art (ou sonar de son or, car vraiment on se repère bien malgré les remous). Une fois l'ancre levée, difficile de trouver le temps de s'ennuyer au cours de ces 11 minutes desquelles découle « Utarmede Gruver » comme suite tellement logique que la transition est à peine audible. Ici nous avons affaire à du Taake tout ce qu'il y a de plus classique, avec des patterns de batterie convenus mais efficaces et de nombreuses variations tant rythmiques que d'ambiance. Il s'en dégage une dimension tantôt nostalgique, tantôt plus malsaine favorisée par les trilles jouissivement dérangeantes des guitares qui ne sont pas sans rappeler celles proposées sur « Det Fins en Prins » en 2014. On pourrait déplorer un manque de variations au niveau vocal au vu des éructations assez linéaires du maître à bord, mais il sait y faire en laissant de longues virées instrumentales pour réaffirmer sa séduction dès qu'il nous revient.

Comme le disait l'un de nos capitaines nationaux, Hoest « tient bon la vague et tient bon le vent » aussi sur le morceau le plus court du voyage, «  Gid Sprakk Vi ». S'il ne s'étale que sur six minutes durant, il n'a pourtant pas à souffrir de la comparaison. Un petit break de batterie et hop le navire redémarre sur un blast qui favorise l'enchevêtrement des guitares qui se plaisent à dissoner pour mieux s'harmoniser. Une fois encore, Taake nous témoigne de sa capacité à jouer avec les contrastes, sans pour autant perdre son plan de route. Pour les moussaillons qui resteraient hermétiques à la longueur des morceaux jusqu'ici proposés, nul doute que cette pièce saura vous émoustiller.

Un point qui reste à élucider est la fin de chaque morceau. Le premier se clôt par des gémissements torturés, le deuxième par l'enregistrement d'un petit discours, tandis que le troisième s'évanouit sur des bruitages presque animaliers et le dernier sur ledit bip mortuaire. Derrière cette mer de distance à moult interprétations, la mort rôde-t-elle ? Si l'on en croit les derniers mots prononcés, elle serait vue comme un véritable soulagement, l'apaisement de l'être qui a bravé les tempêtes jusqu'à trouver le repos éternel. Une autre forme de tempête ayant déjà emporté avec elle un monument du Black Metal (Valfar, du groupe Windir), espérons que ce ne soit ici qu'artistique et non prémonitoire.

Que reste-t-il à l'issue de ce périple, me demanderez-vous ?

Bien que les conditions entourant son offrande musicale aient beaucoup changé (6 ans au lieu de 3, 4 morceaux et non pas 7, trois morceaux de plus de 10 minutes, absence de cheveux et disponibilité des paroles en norvégien pour la première fois dans le livret), Taake fait du Taake et il le fait bien. Justement après cette longue attente, on pourrait ne pas en demander plus et les fans sauront se satisfaire de ce nouveau voyage en mer connue. Pour qui attendrait néanmoins des changements plus profonds, il est possible que la déception guette, car au-delà des compositions, le mix n'est pas vraiment optimal, plus particulièrement pour la batterie : une caisse-claire trop en retrait qui diminue l'intensité des blasts pour un rendu un peu plat, et les cymbales parfois archétypales (mais rassurez-vous, on est bien loin du charleston plastifié du dernier Marduk).

Aux premières écoutes, il m'a personnellement été très facile de me laisser emporter par les deux premières escales alors que les deux suivantes me laissaient quelque peu de glace. Et au fur et à mesure, l'album a commencé à prendre son sens, les différentes parties du voyage à s'homogénéiser pour un ensemble plus qualitatif. Je ne peux vous garantir l'épanouissement immédiat, mais reste prêt à parier qu'en vous laissant embarquer vous finirez par apprécier ce qui est plus proche d'une croisade que d'une croisière.

2 Commentaires

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chub42 - 06 Décembre 2023:

Cher monsieur il ne faut pas dire de mal de Stridens hus et de Kong vinter,ces deux albums représentent une subtile et interessante évolution dans la carrière du groupe (lire ma chronique).Je trouve que ce nouvel effort,qui s'est fait longtemps désiré,est plutôt un retour en arrière,sans que ce soit un mal,un bon Taake supplémentaire,d'un grand classicisme...Le groupe n'a jamais fait de mauvais album de toute façon,la qualité a toujours été là,après chacun mettra en avant tel ou tel disque.Pour moi ce huitième effort n'est ni décevant ni renversant,donc ce n'est surement pas le haut du panier,il perpétue simplement la légende et c'est très bien comme ça,même si j'aurai aimé un petit zeste d'aventurisme.Sinon j'ai bien apprécié ta chronique finement détaillée,au plaisir de te lire.

Pour finir,mon titre préféré de cette nouvelle cuvée,sans hésiter c'est le numéro 4 pour finir l'album en beauté.

 

 

Ensiferum93 - 07 Décembre 2023:

Mon bon monsieur, je n'ai aucunement dit du mal de ces deux albums : "sans être mauvais le moins du monde, pouvaient quelque peu décevoir tant la composition fougueuse d'antan semblait loin."
J'apprécie également ces deux albums et les écoute encore de façon régulière mais ils ne sont pas, pour reprendre ton expression, le haut du panier selon moi. 
Un point m'interpelle quand tu évoques l'idée de retour en arrière. Peux-tu détailler ? Car je trouve le son vraiment dans la mouvance des deux précédents et les compositions, si on devait vraiment comparer, se situent (et c'est très subjectif) quelque part entre Noregs Vaapen et Kong Vinter justement. 
Merci en tous cas pour la richesse de ton retour :) 

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