« De tes yeux les noires noires abysses, le désir, la passion, la mort ». Voici l’exergue, en grec, gravée sur la pochette d’
Eons Aura, un MCD d’une vingtaine de minutes, sorti au printemps 1995 pour patienter jusqu’à l’automne de la même année, qui verra le soleil d’
Athenian Echoes. L’originalité de
Nightfall dans le domaine du Black-Death-Thrash extrême, est de chanter des chansons d’amour sur une musique guerrière ! Poèmes d’un érotisme frémissant, suintant et voluptueux. Mais poèmes d’amour. Fait assez rare pour être relevé.
Ce court album ( ?) est un pivot dans l’œuvre de
Nightfall. Il regroupe de fait quatre morceaux (dont deux reprises) très syncrétistes de son caractère.
Le morceau d’ouverture, Eroding, se scande entre un chant death monstrueux de puissance et de gravité, venu d’une résonance d’outre-gorge, et un récitatif clair, au timbre trafiqué, comme lointain, d’outre-monde, mais d’un outre monde très cru et très audible. La musique est doom death, mid-tempo, pleine de secrètes harmonies de basse, de batterie, de guitares, de cloches, de violons, d’instruments à vent au son grave et profond, l’ensemble de ces instruments composant une harmonie polyphonique toute en arabesques orientales. Car la Grèce appartient à l’Orient orthodoxe, un Orient cryptique et caverneux, ignorant de nos flèches gothiques, de nos cathédrales célestes. Eroding nous y introduit.
Le second titre, Ardour was I, est écrit sur une mélodie grandiose, - pleine de cors majestueux, elle aussi polyphonique, mais ensoleillée, pleine de grand air, d’une splendeur épique de glaive. Elle chante un poème d’amour charnel avec une « souless fiancée » (sic) désignée plus souvent sous le vocatif d’ « ogress », comme sur Eroding. Le chant n’y est que death. Le tempo est rapide ; la mélodie, non pas majestueuse, souveraine ; le riff final, sombre et mystérieux.
La troisième chanson, Until the day Gods help us all, est une reprise d’ARMY OF LOVERS, un groupe de pop dance suédois. Or elle s’avère la plus grande réussite de
Nightfall. Un morceau uniquement symphonique, d’une douceur rugueuse, comme en permanence interrogatrice et curieuse, à la recherche, à la conquête d’un état d’âme. Elle est prononcée d’un chant clair susurré alternativement au chant death.
Nightfall y imprime tant son empreinte, face à l’originale, qu’il la conquiert comme sienne. Les paroles se révèlent comme une rhapsodie d’amour ou patriotique, selon votre inspiration.
Enfin
Thor, l’hymne final, reprise de MANOWAR, cri plein d’un bonheur épique et guerrier au dieu au marteau, et dont le char roulant provoquait, avant
Ragnarok s’entend, le roulement du tonnerre. La reprise transcende l’originale, en repeint les contours, les rends plus saillants, plus expressifs, plus majestueux même. Ils donnent à l’auditeur l’impression de courir dans une plaine, d’user ses muscles à frapper l’adversaire…par amour ! un amour fraternel.
En conclusion, je pleure le désintérêt croissant envers
Nightfall, dont
Eons Aura (trad. :
Aura d’éternité) fut un joyau rare, aujourd’hui connu de seuls initiés qui en prononcent le nom comme un secret oublié.
Il constitue dans tous les cas une parfaite introduction à tous les albums de
Nightfall, hélas souvent inégaux, bancals, ainsi qu’un honneur dans chaque discothèque metal. Au fond, probablement le chef d’œuvre de
Nightfall par son équilibre intérieur.
18/20
Je vais donc passer directement à Athenian Echoes.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire