Einsamkeit sort, un an après
Angst, le premier album de
Lacrimosa. La pochette délicate attire le regard, le clown comme toujours est devenu le symbole du groupe. Le clown est seul abandonné, la jaquette paraît douloureuse et la solitude (
Einsamkeit) du clown est touchante. C'est un peu la suite de
Angst. L'émotion pure, la musique gothique et metal se mettent lentement en marche. Elles sont présentes dans les albums suivants. Ce qui prête attention ce sont les mélodies de l'esprit torturé de Tilo Wolff qui sort les 6 perles. Il y a une recherche mélodique qui empêche ces longs morceaux de devenir pathétiquement ennuyeux. Mais cela ne se sent pas à la première écoute.
Einsamkeit est un album avec qui il faut prendre du temps pour le comprendre et l'apprendre, ce n'est pas un album immédiat. D'où l'importance de
Lacrimosa. La musique de
Lacrimosa n'est pas facile d'accès (on a pu le constater en France), certains resteront longtemps face à sa beauté mélancolique et parfois dépressive avant d'y adhérer. Revenons sur l'album: on ne peut pas l'écouter d'une traite, il faut l'écouter une fois, deux fois, six fois pour que les secrets de cet album n'aient plus de mystères pour vous. Une écoute prolongée (de préférence au casque) pour savourer cet album.
Très souvent Tilo Wolff s'exprime d'une voix grave mais qui transmet des sentiments. Les rythmes sont souvent lents, ponctuées d'accélérations bienvenues, même si le texte reste désespéré comme dans
Angst. Même ceux qui ne comprennent pas l'allemand peuvent ressentir les blessures (je ne sais pas si c'est le mot approprié) de Tilo qui touche au plus profond de l'âme. Le langage de la musique est universel. Elle touche, blesse au plus profond de soi des personnes partout dans le monde, même si la langue est parlée différemment. Chez
Lacrimosa on peut comprendre le désespoir, sans besoin même de traduire les paroles.
Lacrimosa est capable d'émouvoir rapidement son auditoire sans pour autant virer dans le larmoyant (même si il peut faire virer son auditoire dans le larmoyant (
Darkness)).
Avec quelques notes toutes simples, les touches du piano tapant les cordes les plus graves,
Lacrimosa développe une ambiance sombre. Un titre comme Bresso peut devenir une véritable épreuve surtout à la fin avec « Bitte Bitte komm zuruck » (S'il te plait, S'il te plait reviens !), on se souvient de
Lacrimosa. A ne pas oublier,
Lacrimosa est une partie du
Requiem de Mozart, Tilo a fait une musique intitulée
Requiem et c'est d'autant plus frappant. Il devient d'autant plus poignant que sa mélodie est fragile, qu'elle vient souvent s'arrêter discrètement, pénètre dans notre corps au plus profond de nous-mêmes et cinq minutes après devient une misère, un enfer pour l'âme, parce que l'on est pris à la gorge et que l'on vit tout le désarroi pathétique de Tilo Wolff, qui vit, qui ressent son texte d'une façon unique. Reissende Blicke est un morceau des plus éprouvants pour l'âme. Là, c'est un orgue ou un piano perçant qui vient égrener une mélodie joyeuse et festive avant que Tilo intervienne sur un ton désespéré. La noirceur de la musique est d'une brutalité rare. Et on ne parle pas de metal, ici, juste d'une sensation de cassure terrible, douloureuse, qui marque considérablement. On reste passif, mais pas forcement négatif (ça dépend pour qui …). Sur le moment on ne sait pas quoi faire, si c'est de l'admiration qu'on ressent ou pas. Le terme plus exact serait bouche-bée par un tel enchaînement. Et on se rend compte, au fil des écoutes, qu'il faut absolument persévérer pour préserver cet album. Diener Eines Geistes, quant à lui, développe un rythme metal qui sera moins bon que sur Alles luge, avec une guitare très présente, qui laisse brutalement place à des bruitages. Le mélange fonctionne bien ici, c'est un des morceaux les plus énervés du disque avec Bresso, où Tilo se déchire la voix de nouveau de façon assez spectaculaire « Ich
Will, Ich
Will … » (Je veux, Je veux), lui qui apparait si calme et posé souvent, trop souvent...
Quand on a fini d'écouter
Einsamkeit (la chanson), ça laisse un tel frisson que, écoute après écoute, on est vidé d'avoir peut-être trop pleuré et en même temps on a un soupçon d'être heureux. Cette chanson peut se prendre sous différentes formes. Tranen der
Sehnsucht commence par une ballade au piano ou l'on se laisse doucement bercer puis viennent la batterie, les guitares et la voix de Tilo de plus en plus grave, un solo de guitare énervé et une pointe d'orgue, qui signifie que la chanson est achevée ... Loblied auf die Zweisamkeit: que dire de cette chanson? juste que l'on entend Tilo avec un orgue (on dirait la messe) avec des bruits bizarres et une basse; Tilo avec une voix grave, les riffs pesants et lourds, puis vient la batterie, l'ensemble évoluant harmonieusement, nous mettant dans une atmosphère déprimante. Un petit solo d'orgue conclue cette chanson.
Einsamkeit (Album), une fois achevé, on se sent dans une atmosphère silencieuse, mélancolique, pas un bruit. Soit on poursuit avec
Angst ou
Satura, soit on reste sur cette fin, soit on est heureux d'avoir vécu cette expérience douloureuse, c'est comme si on vient d'avoir partagé la peine de quelqu'un. Tilo nous transporte dans un autre monde.
Lacrimosa est peut-être un groupe larmoyant ou peut-être pas. Une approche particulière dont Tilo Wolff a le secret et qui fait de ce disque un chef-d'œuvre ! Unique !
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