Spiritual Beggars nous avait laissé en 2010 avec un «
Return to Zero » en demi-teinte, faisant suite à un processus de composition rendu difficile par l'emploi du temps très chargé des musiciens et la présence d'un nouveau chanteur en la personne d'Apollo Papathanasio. Avec son orientation plus introspective, cet album marquait une volonté de renouveau pour le groupe qui, depuis «
On Fire », semblait fonctionner en roue libre et ne montrait plus l'audace qui avait fait son succès auparavant. C'est pourquoi ce nouvel opus, sobrement intitulé «
Earth Blues », était attendu au tournant par beaucoup : le groupe se devait de confirmer sa volonté d'aller de l'avant, tout en renouant avec l'inspiration de ses débuts.
Force est de reconnaître qu'à ce point de vue, le contrat est rempli, et d'une fort belle manière. Paru seulement trois ans après son prédécesseur (alors qu'il avait fallu attendre 5 longues années pour voir débarquer
Return to Zero), «
Earth Blues » semble donc issu d'un travail plus spontané et naturel, ce que les membres du groupe n'ont cessé de souligner. La bande de Michael Amott a, en outre, bénéficié d'une plus grande disponibilité de ses membres, Per Wiberg ayant été remercié par
Opeth, Ludwig Witt ayant abandonné les fûts chez
Shining et Apollo Papathanasio ayant récemment quitté
Firewind. C'est donc dans un climat plus serein que le travail de composition a pu être effectué, puisque chaque musicien a, cette fois, eu le temps de s'investir pleinement dans l'écriture des morceaux sans être pressé par des impératifs extérieurs.
Le premier constat frappant à l'écoute de ce disque est l'orientation, clairement affirmée, vers un son inspiré par les années 70. Une orientation déjà visible sur la pochette du disque, montrant un couple nu, main dans la main, face à un champignon atomique : un visuel qui n'est donc pas sans rappeler les angoisses liées à cette période troublées par la guerre froide. Toutefois, la symbolique est plus profonde, car couplée au titre de l'album, cette pochette révèle une grande mélancolie, et un certain désarrois issu de l'impuissance des hommes à lutter contre les forces contraires d'un monde duquel ils ne sont que spectateurs. Sans être un concept album, ce disque offre néanmoins un propos qui se veut plus mature et réfléchi, et s'ancre pleinement dans la démarche de renouveau entamé par le groupe depuis leur précédente offrande.
La production, elle aussi, délaisse la puissance brute des premiers albums au profit d'un son plus old-school, et offre à chaque instrument une présence tout à fait appréciable. L'ensemble est donc marqué par un rendu plus organique, accentuant le côté mélodique des morceaux et donnant une impression de spontanéité qui contraste avec travail mené sur "
Demons" par exemple. Le groupe n'en oublie pas pour autant ses premiers amours et nous offre toujours des brûlots efficaces, à l'image de "
Road to Madness" marquée par un rythme enlevé, ou de "Hello
Sorrow" au riffing imparable. Le tout, cependant, reste marqué par des influences très 70's, comme le confirme la présence importante des claviers de Per Wiberg qui, par une utilisation marquée du son d'orgue Hammond, rappellera évidemment le travail de Jon
Lord dans
Deep Purple.
Comme l'indique son titre, cet opus s'ancre également dans un style fortement influencé par le blues : le morceau "
Dreamer", originellement composé et interprété par l'artiste Bobby Bland, en est certainement l'illustration la plus nette. En effet, le groupe nous offre ici une reprise marqué par un tempo lent et une ambiance intimiste auxquels il ne nous avait pas habitué jusqu'à présent, ce qui permet à Ludwig Witt de mettre en valeur tout son groove et à Michael Amott de laisser éclater toute l'inventivité de son jeu. D'autres morceaux comportent également des passages ouvertement "bluesy", à l'image du titre concluant l'album, "
Legend Collapse", qui offre un mid-tempo oppressant mais se termine sur un instrumental aérien.
Au final,
Spiritual Beggars nous offre ici un disque très varié, aux multiples influences, qui évite l'écueil de la redite avec brio. Par exemple, la première chanson, "Wise as the serpent", étonne par sa brièveté et son côté très immédiat ; alors qu'à l'inverse, "Too old to die young" est un titre plutôt long qui se présente comme une composition à tiroirs faisant cohabiter des ambiances très diverses. L'ennui n'est donc pas au rendez-vous tout au long de ce nouvel album, d'autant plus qu'Apollo Papathanasio a clairement étendu sa palette vocale et nous offre une prestation bien plus convaincante et variée que sur «
Return to Zero ».
«
Earth Blues » apparaît donc comme l'album du renouveau pour nos suédois : en y mélangeant habilement une ambiance très old-school et les habituels riffs survoltés qui ont fait sa marque de fabrique,
Spiritual Beggars est parvenu à l'alchimie qu'il cherchait désespérément depuis «
Demons ». En accordant plus de place aux mélodies et aux atmosphères planantes, le combo diversifie son propos tout en l'enrichissant, et laisse la part belle à l'expression du talent de chaque musicien. Bien que dans la lignée de son prédécesseur, «
Earth Blues » se montre paradoxalement plus accessible, malgré la complexité prononcée de certains titres. Le groupe semble donc en bien meilleure forme, et ne laisse espérer que le meilleur pour la suite de sa déjà longue carrière.
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