Trois années envolées déjà depuis son second et dantesque album full length, «
Das Erbe der Welt »... une éternité pour la fanbase du quintet helvétique ! Le temps pour cet opus de se placer 11e dans les charts suisses, et pour le groupe, de multiplier ses dates de concert aux quatre coins de sa terre helvétique natale mais aussi dans les pays voisins, et ce, l'année-même de la sortie de son méfait. Fort de ce solide background studio et live, l'inspiré combo commencera dès l'été 2020 à travailler sur son troisième opus de longue durée, «
Dreamland - Behind the Shades ». Fruit d'un travail de longue haleine et des plus minutieux en studio, cet effort ne sera signé que deux ans plus tard, et tout comme son aîné, chez
Massacre Records. Aussi, les 11 pistes de cette troisième offrande seraient-elles à même d'asseoir plus encore la formation suisse parmi les valeurs confirmées de ce si concurrentiel registre metal ?
Fidèle à ses fondamentaux stylistiques, le collectif nous octroie alors un message musical de 47 optimales minutes, estampé metal mélodico-symphonique ; plus cinématique, folk et power, et moins futuriste que son illustre devancière, cette fraîche offensive se place dans la lignée de
Nightwish,
Dark Sarah,
Xandria,
Lunatica,
Metalwings,
Lyriel et
Xiphea. Ce faisant, c'est au sein d'un propos à la fois vitaminé, fringant, troublant et délicat que nous conduisent nos cinq acolytes, à savoir : Debora Lavagnolo, chanteuse au gracile filet de voix, proche de celui de Stela Atanasova (
Metalwings), doublé d'un léger vibrato, apparenté à celui de Sabine Meusel (
Xiphea) ; Tom Hiebaum, aux claviers ;
Angelo Salerno (ex-Green
Labyrinth, ex-
Dystera), à la basse ; Tobias Brutschi, à la batterie ; Stephan Riner, en remplacement de
Pascal Töngi, aux guitares. Est-ce à dire que le groupe en viendrait à renouer avec un passé magnifié, à l'instar de «
Race Against Time », non sans quelques inédites sonorités placées çà et là sur notre chemin ?
Souhaitant dès lors porter l'estocade, la troupe a misé de sérieux espoirs de l'emporter au regard de la production d'ensemble de son nouveau-né. Aussi, pour son optimale mise en son, a-t-elle fait appel à la patte experte d'un certain Frank Pitters, prolifique claviériste/guitariste/vocaliste (ex-
Dignity, guest chez
Visions Of Atlantis,
Ecliptica,
Dragony,
Daedric Tales), surtout connu pour avoir produit certains albums des groupes ici mentionnés, auxquels s'ajoute
Edenbridge, excusez du peu ! Produit, mixé et mastérisé par ses soins, le méfait jouit notamment d'une qualité d'enregistrement digne de celle d'un cador du genre, toute sonorité résiduelle n'étant alors plus que peau de chagrin. Pour mettre les petits plats dans les grands, le design d'inspiration fantastique et aux subtiles nuances de ton de la pochette est, à nouveau, signé Stefan Heilemann (
Atrocity,
Beyond The Black,
Diabulus In Musica,
Epica,
Kamelot,
Leaves' Eyes,
Mayan,
Xandria...). Tous les voyants seraient donc au vert pour nous inviter à une enchanteresse croisière...
Une fois n'est pas coutume, en guise d'entame des hostilités, le combo a opté pour de saisissants effets de contrastes atmosphériques et rythmiques. Ainsi, si le bal s'ouvre sur le bien-nommé « Prologue », un bref mais seyant instrumental a-rythmique d'obédience cinématique et aux arrangements ''nightwishiens'', son voisin de bobine, « Behind the Shades », en revanche, revêt l'aspect d'une fresque symphonico-progressive aux relents power, dans la lignée coalisée de
Metalwings,
Xandria et
Diabulus In Musica. Au fil des quelque 7 minutes d'un parcours à la fois épique, enjoué et romanesque, la luxuriante offrande nous plonge au cœur de moult péripéties tout en se nourrissant d'une ligne mélodique des plus enveloppantes, et sur laquelle se calent les angéliques inflexions de la sirène. Et la sauce prend, sans tarder.
Ce serait toutefois sur une cadence endiablée que s'effectue le plus clair de la traversée, non sans quelques gemmes placées sur notre route. Ce qu'atteste, d'une part, le ''nightwishien'' up tempo « Dreammaster », une tubesque offrande greffée sur un infiltrant cheminement d'harmoniques et mise en exergue par les cristallines volutes de la déesse. Dans cette mouvance et non sans rappeler «
Das Erbe der Welt », les solaires et organiques « Living the
Dream » et « Euphoria » imposeront tant leurs couplets bien customisés relayés chacun d'un refrain immersif à souhait que leurs grisantes variations atmosphériques ; autres hits en puissance à mettre à l'actif de nos cinq compères, qu'encensent là encore les troublantes patines de la princesse, alors escortée de choeurs en faction. Difficile également de résister à l'envie d'esquisser un headbang subreptice sur « Secret
Garden » ; entraînant manifeste aux ''xandriennes'' effluves, armé de riffs crochetés, d'une incompressible énergie rythmique et de sémillants arpèges d'accords. Mais nos belligérants sont encore loin d'être à bout de munitions pour nous faire plier l'échine...
Répondant à un souci de diversification atmosphérique et rythmique, le collectif a emprunté un inattendu virage power symphonique mâtiné d'une touche dark gothique. Bien lui en a pris. Ce que prouve le ''tristanien'' «
Hands in
Anger », qui, tel une vague de submersion, emporte tout sur son passage. Insérant des growls caverneux dans sa trame, lesquels font écho aux claires et néanmoins toniques impulsions de sa comparse, tout en maintenant une cadence effrénée doublée d'un tapping martelant, contrastant dès lors avec ses pimpantes voisines, cette tonitruante et théâtralisante piste parvient, à sa façon, à nous rallier à sa cause. Mais nos acolytes auraient ouvert plus largement encore le champ des possibles atmosphériques...
Un poil plus en retenue et ayant pluralisé leurs ambiances, d'autres passages pourront à leur tour nous assigner à résidence. Ainsi, au carrefour de
Xiphea et
Metalwings, «
Killer in a
Dream » se pose tel un ''jamesbondien'' mid tempo d'une confondante fluidité mélodique, ponctué de puissants et métronomiques roulements de tambour, assorti d'un léger tapping, et mis en habits de lumière par les limpides ondulations de la belle. Dans une orientation folk symphonique, et non sans rappeler
Lyriel, le jovial « Mitternachtstanz », lui recèle une saisissante montée en puissance de son corps orchestral doublée d'un bref mais fringant solo de guitare à mi-morceau. En dépit d'un refrain en proie à d'incompressibles répétitions, mais n'accusant pas l'ombre d'une baisse de régime, l'endiablé méfait ne saurait être davantage esquivé. Dans une même mouvance folk, le souriant «
Rogue (
Dreaming Leprechaun Pt. II) », enfin, s'assimile à une véritable invitation à l'esquisse d'un pas de danse ininterrompu.
Comme ils nous y avaient accoutumés, nos gladiateurs savent également se muer en de redoutables bourreaux des cœurs en bataille, avec pour effet de générer d'un battement de cils la petite larme au coin de l'oeil. Ce qu'illustre « In
Silence », ballade romantique jusqu'au bout des ongles glissant le long d'une radieuse rivière mélodique. Rendue hypnotique de par le poignant vibrato de la maîtresse de cérémonie, cette délicate sérénade dans le sillage coalisé de
Xiphea et de
Dark Sarah fera voler en éclat toute tentative de résistance à son assimilation au moment même où elle ravira l'aficionado de moments intimistes.
A l'instar de son mémorable aîné, et eu égard à une ingénierie du son difficile à prendre en défaut, ce luxuriant opus se suit de bout en bout sans encombres, poussant même à une remise en selle sitôt son ultime portée évanouie. Sans pour autant supplanter son proche parent, le présent manifeste s'en sort cependant très honorablement. Eminemment diversifiée sur les plans atmosphérique et rythmique, variant davantage ses exercices de style que naguère, non sans quelques prises de risques à la clé, sans pour autant accuser une quelconque longueur techniciste susceptible de l'affadir, cette galette n'aura pas tari d'arguments pour asseoir sa défense.
Plus encore, s'abreuvant de sonorités d'hier et d'aujourd'hui, ce charismatique méfait s'assimilerait à un heureux trait d'union entre passé et présent.
Des sources d'influence encore insuffisamment digérées et les timides joutes oratoires dispensées, pourtant attendues, contribuent toutefois à atténuer la portée du fringant propos. Des sentes mélodiques affinées et un potentiel technique réel et judicieusement exploité inondant de leur présence ce set de compositions, au demeurant bien inspiré, fortement chargé en émotion et des plus fédérateurs, compenseraient néanmoins ces carences. C'est dire qu'à la lumière de ce message musical aussi solaire que foisonnant, tel une ronde de saveurs exquises, le combo helvétique détient-là son sésame pour conforter sa position de valeur confirmée de ce registre metal. Une remarquable performance, en somme...
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