Pourquoi
Adagio n’arrive t-il pas a garder ses chanteurs ? Et surtout pourquoi n’arrive t-il pas à en trouver un en France ? Après l’épisode
David Readman (
Pink Cream 69-allemand), puis Gus Monsanto (brésilien) pour ce
Dominate et aujourd’hui Christian Palin (finlandais) pour le "
Archangel in Black" à venir, on ne peut pas dire que le combo français montre un visage soudé au niveau des vocalistes (le reste du groupe reste immuable depuis le début !).
Intéressons nous donc à ce "
Dominate", seul album avec Gus au chant et voyant l’apparition des vocaux Black de Stephan Forte (guitare). Ce dernier, licencié au M.A.I (Music Academy International) de Nancy, où un certain
Patrick Rondat y fait ses cours en tant que professeur, n’a plus rien à prouver d’un point de vue technique, malgré son très jeune âge.
Virtuose, appliqué et faisant preuve d’une grande dextérité, Stephan est sans doute un des meilleurs guitaristes français de la nouvelle génération, mais qu’en est-il du compositeur ?
"
Sanctus Ignis" et "
Underworld" laissait présager de grandes choses car le metal progressif et orchestral concocté par le jeune surdoué se montrait relativement ambitieux et très technique, mais malheureusement encore un peu froid et clinique. Trop clean pour être réellement sincère.
Mais "
Dominate" remet de sérieuses choses en place.
Plus sombre, rapide et largement plus violent, le fan de la première heure ne pourra qu’être surpris par les interventions vocales du maestro, hurlant comme un damné de fort bonne manière ma foi, très crue, sans fioritures, même presque trop sommaires par moments. Mais, personnellement, ce côté hargneux et caverneux n’est pas pour me déplaire, car il contraste totalement avec une musique toujours autant de haute voltige techniquement.
Le premier morceau, "
Dominate", représente donc la perfection du style voulu par son leader. Une intro légèrement orchestrale (
Dimmu Borgir es-tu là ?) puis un déchainement de notes avec un premier "blast beat" et un grognement ténébreux délivrant une rage que nous n’avions encore jamais perçue chez les français. Le son est bon, un peu "roots" (au niveau de la batterie notamment) mais il colle complètement à la musique, nous sommes dans des conditions optimales d’écoute.
Le chant de Gus se fait rapidement entendre, très agréable, mélodique, puissant et à rapprocher d’un certain Olaf Hayer (lorsqu’il chante dans
Dionysus), gage de qualité donc.
La puissance et la double sont de rigueur avant que le chant Black ne passe au premier plan sur le break : fabuleux moment où le blast d’Eric Lebailly se mêle aux élucubrations de Stephan pour une osmose parfaite. Un introducteur des plus parfait et une profondeur d’interprétation impressionnante qui nous fait comprendre que l’album sera bon et peut-être même qu’ils tiennent une musique avant-gardiste. Car le mariage de
Symphony X et
Dimmu Borgir (les deux plus grandes influences) n’est pas aisé autant à produire qu’à accepter, le black n’étant pas particulièrement reconnu pour sa virtuosité de jeu, virtuosité bien présente dans ce premier morceau (quel solo !).
Mais l’opus ne suivra pas la cadence imposée par son titre d’ouverture à ma grande déception. Non pas que le reste soit mauvais, loin de là, mais
Adagio retombe dans des schémas usés jusqu’à la corde sur le morceau suivant "
Fire Forever". Du speed bien produit, avec de jolis claviers (un peu niais quand même) et un gros refrain mais qui ne produit aucun frisson comparé à son prédécesseur. Gus chante très haut et son niveau technique est lui aussi élevé mais l’absence de nouveauté se retrouve handicapante.
"Terror Jungle" et "
Children Of
The Dead Lake" alourdissent le ton et assombrissent l’atmosphère. Le premier des ces titres est d’ailleurs parcouru d’arpèges de guitare évoquant légèrement Pink Floyd, et le mariage chant clair/black est merveilleux. "COTDL" est quand à lui bien plus traditionnel, et l’agression semble faire plus figure de gadget que de réelle utilité. Un morceau vide émotionnellement de mon point de vue.
Tout l’inverse de la chanson suivante, "R'Lyeh
The Dead" la meilleure et la plus longue (8’25 min), d’une grande noirceur et d’une technicité non seulement maitrisée mais également parfaitement utile, sans que Stephan ou Franck (Hermany-basse) n’en fassent trop. La longue introduction baroque est magnifique et cinématographique (bien que l’on sente qu’il s’agisse de claviers, ça passe plutôt bien) et le riff brisant l’ambiance d’une épaisseur impressionnante. La mélodie arrive rapidement, me rappelant le "Church Of
The Machine" de
Symphony X ("
Twilight in Olympus"), et le duo vocal atteint son essence la plus pure. Les solos sont longs, tortueux et maladifs et Stephan, plus bestial que jamais, se montre plus schizophrénique que jamais tout en proposant des soli quasi-continuels.
"The Darkitecht", malsain et à la mélodie de piano faisant froid dans le dos (très cinématographique encore une fois) est également très sombre et le chant de Gus plus posé n’y est pas forcement à son aise. La cassure instrumentale est superbe et angoissante, digne d’un film d’horreur avec des bruitages et des effets malheureusement saccagés par ce solo de clavier inutile et brisant complètement l’atmosphère développée jusque là.
"Kissing The Crow", long de deux minutes n’est que du pur remplissage tandis que le final n’est autre que la reprise du mythique "Fame" des années 80, mais sans grande réussite, faute à un manque évident de folie exigée pour ce genre d’exercice. Le refrain est si mou que l’on en vient à penser que la version originale à plus de pêche (beurk !). Le seul intérêt se situera autour du très bon solo de Stephan et la fin syncopée mais l’album ne se termine pas de la manière grandiose que nous étions en droit d’attendre à l’écoute du premier morceau.
Encore trop d’habitudes et de stéréotypes viennent parasiter un album qui aurait pu subir un tout autre traitement avec encore plus de prise de risque et d’originalité. Espérons que tous ces éléments seront présent sur "
Archangel in Black", prévu pour février prochain.
Sinon, il y a de très bons morceaux, techniques et inspirés mais il est particulièrement énervant de songer que ça aurait pu être 100 fois mieux!! Tout le potentiel est là, manque plus qu'à mettre tous ça en place (je sais, facile à dire...)
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